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Chers Bleus, l'histoire a un message pour vous : gare à la guerre des ego

Béatrice Houchard

Mis à jour 27/09/2018 à 11:55 GMT+2

MONDIAUX SUR ROUTE - Un Français peut devenir champion du monde dimanche sur le circuit très sélectif d’Innsbruck. Mais attention : au sein d’une équipe nationale une seule fois par an, il arrive que les rivalités personnelles prennent le pas sur le collectif. En 1966, Jacques Anquetil et Raymond Poulidor l’avaient payé tous les deux.

Romain Bardet et Thibaut Pinot.

Crédit: Panoramic

Sur le papier, c’est une équipe de rêve : Alaphilippe-Bardet-Barguil-Gallopin-Geniez-Molard-Pinot-Roux (par ordre alphabétique). Trois Groupama-FDJ, trois AGR-La Mondiale, un Quick Step, un Fortuneo. Au vu des résultats enregistrés par les uns et les autres cette saison et notamment depuis la fin du Tour de France, le maillot arc-en-ciel pourrait avoir de bonnes chances d’atterrir enfin sur des épaules françaises, 21 ans après la victoire de Laurent Brochard. Comme elle semble loin, cette victoire, un an avant l'affaire Festina qui allait envoyer une génération dans le décor.
Pour ce Mondial montagneux d’Innsbruck, annoncé comme l’un des plus difficiles de l’histoire, il y a déjà quelques quasi-certitudes : normalement (mais avec lui, allez savoir) ce diable de Peter Sagan ne devrait pas réussir la passe de quatre. Les sprinters ne devraient pas avoir non plus leur mot à dire. Certains restent d’ailleurs à la maison, ce qui évite aux Français la guéguerre Démare-Bouhanni. En 2016 à Doha, pour s’être surveillés de trop près, les frères ennemis des deux cents derniers mètres avaient été victimes d’une bordure et mis hors-jeu bien avant le final. "On a peut-être manqué de solidarité", avait avancé Arnaud Démare...
Je sais maintenant qu’Anquetil est le patron…
Ce n’était pas la première fois que les rivalités nationales et d’équipes faisaient gagner l’adversaire. La France n’a d’ailleurs pas le monopole de ces batailles d’egos : en 1973, la rivalité entre Eddy Merckx et Freddy Maertens avaient conduit à la victoire de Felice Gimondi. En 1994, Luc Leblanc et Richard Virenque s’étaient aussi regardés en chiens de faïence, mais au moins avaient-ils rapporté respectivement l’or et le bronze.
Le plus beau fiasco, c’est celui de 1966, qui n’est pas seulement l’année des premiers contrôles anti-dopage mais le zénith de la violente rivalité Anquetil-Poulidor, dont les moins de 40 ans (peut-être même de 50 !) ne peuvent avoir le début du commencement d’une idée aujourd’hui. Tout avait commencé au printemps dans Paris Nice. A l’Ile Rousse, coup de tonnerre : Poulidor bat Anquetil contre la montre et endosse le maillot de leader, qui à l’époque était blanc. L’affaire semble pliée, Poupou s’apprête à faire un gigantesque pied de nez à sa légende de l’éternel second. Mais non.
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1964 Tour de France Puy-de-Dome Anquetil Poulidor

Crédit: Getty Images

Dans la dernière étape, entre et Nice, Anquetil attaque. Des équipiers de Peugeot et de Salvarani donnent un coup de main aux Ford France du champion normand. On dit même que des équipiers de l’équipe Mercier BP de Poulidor auraient été quelque peu bousculés… "Je sais maintenant qu’Anquetil est le patron…", soupire Poulidor, qui termine 2e. Entre "Anquetilistes" et "Poulidoristes", c’est vraiment la guerre. Je m’en souviens comme si c’était hier, c’est là que j’ai décidé de devenir journaliste pour pouvoir suivre un jour le Tour de France.

Poulidor s'est encore fait avoir

En juillet, Anquetil n’est justement pas en mesure de gagner un 6e Tour. Malade, il va abandonner avant la fin. Mais pas question de laisser la voix libre à Poulidor. Celui-ci, éternel distrait des queues de peloton, ayant malencontreusement perdu 5 minutes dans la première étape des Pyrénées, Anquetil favorise dans les Alpes son équipier Lucien Aimar. Janssen est 2e, Poulidor 3e. Encore raté, Caramba !
Arrive enfin le Championnat du monde, le 28 août sur le circuit du Nürburgring, en Allemagne. La consigne est claire, enfin presque : jeu collectif jusqu’à trois tours de l’arrivée, puis que le meilleur gagne. Dans le dernier tour, les deux rivaux sont dans le groupe de tête. Poulidor (déjà 3e en 1961 et 1964) peut gagner.
Mais, comme par magie, un certain Lucien Aimar ramène sur les échappés Rudi Altig, qui a été l’équipier d’Anquetil deux ans plus dans l’équipe St Raphaël Gitane (eh oui, à l’époque l’alcool et le tabac avaient bonne presse, même à vélo). Au sprint, évidemment, le sculptural Allemand gagne devant son public mais aussi devant Anquetil et Poulidor. Sur le podium, pas d’Anquetil, qui n’est pas venu. A la gauche de Rudi Altig, la main gauche sur la hanche dans une attitude qui lui était familière, Poulidor semble songeur. Oui, il s’est encore fait avoir.
Bon, Julian, Thibaut, Romain, Tony et les autres, vous voyez ce que je veux dire pour dimanche ?
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