Tadej Pogacar est-il déjà le grand favori du Tour de France ?

Un œil distrait pourrait considérer que Tadej Pogacar a vécu une année 2022 un peu décevante comparée aux deux précédents exercices. Mais c'est là la conséquence du poids énorme du Tour de France dans le calendrier. En accrochant un nouveau Monument, le Tour de Lombardie, plus les Strade Bianche, le Tour des Emirats, celui de Slovénie, Tirreno-Adriatico ou le Grand Prix de Montréal, il a réussi une saison qui comblerait 99% des membres du peloton. Mais il n'est pas les autres. Ce qui émerge en premier lieu, c'est sa "défaite" sur le Tour, où il a buté sur Jonas Vingegaard.

Si Tadej Pogacar voulait adresser un message en ce début d'année, c'est réussi. Après avoir remporté, et même survolé les deux premières courses par étapes de la saison, le Tour d'Andalousie et Paris-Nice, avec trois bouquets à chaque fois en plus du classement général final, il s'est imposé, avec Primoz Roglic, comme l'homme du début de saison. Il y a les résultats, et la manière. Sur ce plan, l'impression d'avoir retrouvé le "Pogi" insatiable et inabordable de 2022 saute aux yeux.

Alors, le leader du Team UAE Emirates est-il d'ores et déjà l'immense favori du Tour de France, lequel, qu'on le veuille ou non, déterminera en grande partie la réussite de sa campagne 2023 ? Qu'il y prenne sa revanche pour se réinstaller au sommet en ramenant le maillot jaune à Paris pour la troisième fois, et 2022 apparaîtra a posteriori comme une simple anicroche. Mais s'il cède, face à Vingegaard ou un truc, pour la deuxième année consécutive, et les doutes s'installeront sur sa réelle capacité à aller chercher le record d'Anquetil, Merckx, Hinault et Indurain.

Pour Alberto Contador, le Tour 2022 est resté en travers de la gorge de Tadej Pogacar mais cet échec est justement la source de son début de saison canon. Depuis l'arrivée sur les Champs-Elysées le 24 juillet dernier, il ne pense qu'à la prochaine Grande Boucle. "Il y a chez lui une impatience presque brûlante de voir la course commencer", nous dit l'Espagnol, pour qui Pogacar est un peu dans sa situation au départ du Tour 2009. Maillot jaune en 2007, il avait été privé du Tour l'année suivante, avant un retour triomphal en 2009. Pendant des mois, il avait ruminé sa revanche.

"Je pense que c'est ce qui se passe actuellement dans la tête de Tadej Pogacar, poursuit Contador. Je suis sûr que cette pensée l'a nourri pendant la présaison et avant la première course de la saison. Vous voulez donner tout ce que vous avez dans le corps et essayer de faire la différence sur n'importe quelle étape, qu'il s'agisse d'une étape de montagne ou d'un contre-la-montre... parce que vous n'avez pas d'autre idée en tête que de remporter à nouveau le Tour de France. Je pense qu'au Tour de France, il aura vraiment envie de revenir sur la plus haute marche du podium à Paris".

En quoi les prémices de la fin de l'hiver peuvent-ils indiquer de quoi sera fait l'été ? Après tout, l'an passé, le Slovène avait également brillé à la même époque, en témoignent ses trois succès sur l'UAE Tour, Tirreno et les Strade. Mais il ne dégageait peut-être pas tout à fait la même impression de facilité. Surtout, il n'a pas seulement remporté Paris-Nice ce mois-ci. Il l'a fait en battant Jonas Vingegaard, alors que le Danois a courbé l'échine.

Pour autant, Alberto Contador se veut aussi prudent qu'il est impressionné. "Est-ce que je pense que Pogacar est inarrêtable cette saison ? Eh bien, si nous nous basons sur ce que nous avons vu jusqu'à présent, nous pouvons dire qu'il semble inarrêtable, estime le consultant d'Eurosport. Mais la saison est encore très longue... Je pense qu'il vise les classiques cette année, et il faudra voir comment il gère ses efforts. Il met beaucoup d'énergie dans toutes ses attaques et cela pourrait finir par payer."

Tadej Pogacar sera-t-il aussi flamboyant dans trois ou quatre mois qu'il ne l'est aujourd'hui ? A quel point Paris-Nice peut marquer au fer rouge Jonas Vingegaard ? "Le Tour n'est pas une tâche facile, rappelle Contador. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte. Le fait d'être au sommet de sa forme, la préparation, la récupération pendant trois semaines, le travail de son équipe, le travail de Jumbo, son principal rival, etc. Il y a beaucoup de variables."

Si l'homme aux sept victoires dans les grands Tours s'interroge sur la capacité de "Pogi" à ne pas se brûler les ailes avec un programme chargé et des ambitions sur tous les fronts, ce n'est toutefois pas un appel de sa part à un changement de style. Surtout pas. Idem pour le Tour de France, quand bien même le double tenant du titre aurait payé l'été dernier des offensives tous azimuts.

Pour Alberto Contador, s'éloigner de son instinct serait la pire des choses à faire. Pour Pogacar. Et pour nous : "Je ne l'espère pas parce que je pense que l'une des choses qui nous permet, à nous les fans de cyclisme, d'apprécier ce sport, c'est le type de spectacle que Pogacar peut offrir.C'est incroyable de voir comment il peut se battre à une grande distance de la ligne d'arrivée, ou avec le maillot jaune, ou juste pour quelques secondes de bonus pour continuer à gagner du temps. C'est de l'or pour le cyclisme et je n'aimerais pas le voir courir d'une manière plus pragmatique."