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Jumbo-Visma, ex-super-losers, nouvelle superpuissance

Benoît Vittek

Mis à jour 20/08/2019 à 18:26 GMT+2

Risée du peloton il y a seulement quelques années, l’équipe Jumbo-Visma s’est reconstruite sur les ruines de la Rabobank pour désormais mener l’opposition aux Ineos sur les Grands Tours. Le renfort de Tom Dumoulin consacre la montée en puissance de l’équipe néerlandaise, déterminée à conquérir la Grande Boucle.

Amund Grondahl Jansen, George Bennett, Tony Martin et Laurens De Plus (de g à d)

Crédit: Getty Images

Les roues tournent très vite en cyclisme, au propre et au figuré. Il y a quelques années seulement, les Jumbo étaient l’une des plus belles incarnations de la lose dans le peloton WorldTour. Relever l’ex-Rabobank, laminée par les affaires de dopage et plombée par des années de mauvaise gestion, semblait une mission bien difficile : seulement six victoires sur l’ensemble de l’année 2015, la première sous les couleurs de Jumbo (avec le soutien de la loterie néerlandaise) après l’intérim Belkin. Et lorsqu’un succès majeur se profilait, il se dérobait avec la chute de Steven Kruijswijk à seulement deux jours de l’arrivée du Giro 2016, dont le Néerlandais semblait être un solide leader.
Depuis, la formation néerlandaise n’a cessé de progresser, au point de s’imposer comme la première rivale du Team Ineos sur les Grands Tours, statut renforcé par les prestations du collectif en jaune et noir ces derniers mois et par le recrutement de Tom Dumoulin, officialisé lundi. Oubliés les faire-valoir de l’élite du cyclisme, les Jumbo-Visma sont devenus une puissance majeure, récemment couronnée de succès divers sur le Tour de France (4 victoires d’étape et le podium final pour Steven Kruijswijk). Face aux moyens octroyés à Dave Brailsford chez Ineos, Richard Plugge, directeur général de la Jumbo-Visma, a trouvé sa voie vers les sommets.

Pas de pétrole, mais des idées

En cette année 2016, pendant que Kruijswijk faisait des cabrioles dans la descente du col d’Agnel (avant d’abandonner dès les premiers tours de roue sur la Vuelta à cause d’un choc violent avec un poteau dangereux et mal signalisé), deux jeunes talents rejoignaient la formation néerlandaise : Dylan Groenewegen et Primoz Roglic. Le sprinteur s’offrait onze bouquets dès cette première saison quand Roglic dominait deux contre-la-montre, notamment la 9e étape du Giro. La reconquête était lancée et l’équipe améliore ensuite sans cesse ces références.
L’an dernier déjà, elle plaçait deux hommes dans le top 5 du Tour (Roglic 4e et Kruijswijk 5e). Pendant ce temps, Groenewegen continuait de moissonner les succès. En fin de saison, l’équipe accumulait 33 victoires, le cinquième meilleur bilan du WorldTour avec la Groupama-FDJ. Et pourtant, à en croire Plugge, les Jumbo-Visma disposaient seulement du 17e budget le plus élevé du WorldTour cette saison-là. Les dernières indiscrétions de la presse néerlandaise évoquent un budget "ambitieux" et réévalué pour 2020 : 20 millions d’euros. Les Ineos sont deux fois plus riches, UAE est également dopée par les pétrodollars, mais l’essentiel du WorldTour évolue avec un budget similaire.
Et puis, qu’importent ces différences selon Plugge : "On va les poursuivre, mener la chasse et voir où on peut les battre en étant plus malin", expliquait-il au printemps lorsque la structure de Brailsford, abandonnée par le groupe Sky, recevait l’appui financier de Jim Ratcliffe, multimilliardaire présenté comme la plus grosse fortune du Royaume-Uni. "Il y aura toujours une équipe plus grosse que les autres. Les autres doivent mener la bataille sur les terrains où ils le peuvent."
Tout le monde parle de nos performances
Avec un encadrement largement remanié ces dernières années et un recrutement séduisant (Van Aert, Martin et De Plus ont encore constitué d’excellents renforts cette année), les hommes en jaune et noir ont trouvé une recette qui fait des envies et soulève les interrogations, preuve en sont les spéculations qui ont enflammé l’Italie autour des vélos de Roglic lors du dernier Giro ou les interrogations soulevées sur le dernier Tour par le recours aux cétones (produit autorisé par l’Agence mondiale antidopage et également utilisé par d’autres équipes dans le peloton).
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Primoz Roglic (Jumbo-Visma) célèbre sa victoire dans le contre-la-montre de la 9e étape du Giro 2019

Crédit: Getty Images

Après avoir suscité les moqueries, le projet Jumbo-Visma attire. "Il y a trois ans, quand on parlait avec un coureur comme Tony Martin, il ne voulait pas venir ici", expliquait le directeur sportif Nico Verhoeven cet hiver au magazine Pro Cycling dans un long sujet sur la difficile reconstruction de l’équipe depuis l’effondrement de Rabobank. "Mais ce qu’on a réalisé et nos performances font que les coureurs nous parlent maintenant. Tout le monde dans le cyclisme parle de nos performances et ça rend notre équipe attractive."
Le dernier Tour de France, où les Jumbo se sont montrés omniprésents sur tous les terrains, a renforcé la position désormais centrale de la formation néerlandaise et Dumoulin s’est naturellement tourné vers ses compatriotes au moment de donner un nouvel élan à sa carrière. Brailsford l’a aussi sollicité, mais le Néerlandais a misé sur un cadre qu’il connaît bien : il est passé par l’équipe de développement Rabobank et retrouvera Merijn Zeeman, son ancien entraîneur chez Shimano/Giant/Sunweb. Ironie de l’histoire : c’est le succès de Dumoulin sur le Giro 2017, sous les couleurs allemandes de Giant-Alpecin, qui a dépoussiéré les palmarès oranje sur les Grands Tours, quatre décennies après Zoetemelk et deux ans avant qu’il associe ses talents à ceux de la Jumbo.

Le "Dutch power" pour contrer les "Brailsford boys"

Ensemble, le meilleur coureur néerlandais de ces dernières années et l’équipe oranje numéro 1 doivent désormais parfaire la reconquête batave. Objectif : victoire sur le Tour. Ineos sera toujours sur-armée la saison prochaine, entre le super prodige Bernal, les tauliers déjà couronnés (Froome, Thomas) et leurs super-lieutenants (Poels, Kwiatkowski), les jeunes prêts à prendre du galon (Sivakov, Sosa) et des renforts pressentis comme celui de Richard Carapaz. Au moment où la Movistar repart de zéro, c’est au tour de Jumbo-Visma de miser sur l’hydre à plusieurs têtes pour renverser l’empire britannique.
Mais à la différence de la formation espagnole, dont les initiatives collectives ont encore fait merveille sur le dernier Tour (ou pas), la structure néerlandaise s’est aussi distinguée sur un plan tactique ces dernières années. Nicolas Portal, directeur sportif et tacticien à succès chez Sky/Ineos, expliquait récemment ne pas avoir été perturbé par les performances de Julian Alaphilippe ou Thibaut Pinot en juillet. Un an auparavant, il n’était pas plus inquiet devant les manœuvres de Movistar mais relevait la pertinence tactique des Jumbo, qui utilisaient leurs différents atouts à meilleur escient.
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Steven Kruijswijk

Crédit: Getty Images

Ceux qui moquent la passivité supposée de Kruijswijk sur le dernier Tour ont vite fait d’oublier que le Néerlandais, auteur d’une grande offensive vers l’Alpe d’Huez en 2018, était prêt aux grandes manœuvres avant de voir le final alpestre tronqué par les intempéries. Le Dutch power a dominé Ineos dans le chrono par équipe du dernier Tour et on se dit qu’il est le mieux armé pour changer la donne ou battre les Brailsford boys à leur propre jeu.
La Vuelta qui s’élance samedi sur la Costa Blanca sera une nouvelle occasion de l’observer. Les tauliers d’Ineos sont en vacances, pas ceux de Jumbo, qui réunit en Espagne ses leaders du Giro (Roglic, 3e à Vérone) et du Tour (Kruijswijk, 3e à Paris) pour faire face à l’armada sud-américaine (Carapaz, Quintana, Lopez, Uran…). Elle peut être la première équipe à finir sur le podium des trois Grands Tours de la saison depuis Movistar en 2016. Et elle espère faire bien mieux que les Espagnols sur le Tour.
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