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La Vuelta 2021 - Huit ans après l'Angliru, Kenny Elissonde retrouve la lumière : "Ce maillot rouge, je vais l'encadrer"

Julien Chesnais

Mis à jour 18/08/2021 à 21:50 GMT+2

LA VUELTA 2021 - Habitué à travailler pour les autres, Kenny Elissonde va connaître, jeudi, le bonheur de porter le maillot rouge de leader d'un grand tour. Une joie inattendue pour le Francilien de 30 ans, qui n'était pas prévu sur ce Tour d'Espagne. Une joie aussi un peu contenue vu les circonstances entourant sa prise de pouvoir, Rein Taaramäe ayant perdu le leadership sur chute.

Kenny Elissonde

Crédit: Getty Images

C’est un coureur de l’ombre, un précieux gregario dans la montagne, qui depuis toujours travaille pour les plus grands, de Thibaut Pinot à Vincenzo Nibali, en passant par Chris Froome. Mais ce mercredi, c’était son jour. Du haut de son mètre 69, Kenny Elissonde domine donc le Tour d’Espagne à l’issue de la 5e étape. Oui, le nouveau maillot rouge, c’est lui. Une prise de pouvoir soudaine et inattendue pour ce pur grimpeur, d’autant plus en ce jour de plaine dépourvue de la moindre aspérité et sans aucun abri pour le vent.
"Les bordures, ce n’est clairement pas ma tasse de thé, a-t-il souri au micro d’Eurosport, avec sa petite cinquantaine de kilos et son paletot rouge sur le dos. Mais je me suis dit que ça valait la peine d’être devant aujourd’hui, de prendre quelques risques.” À Albacete, devant les micros, il semblait presque gêné de prendre autant de lumière. Mais sa retenue était plutôt de circonstance, puisque c’est sur une chute massive que le leader Rein Taaramäe a perdu son maillot rouge, à 11 km de l’arrivée. Mathématiquement, le Francilien étant le premier poursuivant de l’Estonien au général, le voilà propulsé en tête du classement.
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Elissonde, un leader presque gêné : "Je suis partagé..."

Pas un plaisir de devenir leader ainsi
"Ce n’était pas la façon dont je voulais prendre le maillot, a-t-il concédé au micro de la Vuelta. Mais on sait qu'en cyclisme, quand il y a du vent, il y a des risques, également le risque de perdre du temps dans les éventails. Ce n'est pas un plaisir de devenir leader ainsi, mais au final, je ne pouvais rien faire d'autre. Le vélo est ainsi. Avec 25 secondes (l’avance qu’avait Taaramäe sur Elissonde), on peut perdre le maillot sur un accident. Je n’aime pas cela. Mais ça fait partie du jeu."
Sitôt que l'Estonien a franchi la ligne d'arrivée, Elissonde est venu saluer l'infortuné, une manière de lui montrer qu'il était désolé. "Je suis partagé dans la mesure où c’est dommage pour Rein, une personne que j'apprécie. Mais personnellement, pour moi, je ne peux pas dire que je ne suis pas content."
La fameuse chute, Elissonde n’en a rien vu, puisqu’il était dans les dix premières positions. Mais alors que ce fait de course lui ouvrait la voie royale pour le maillot rouge, ses pensées étaient ailleurs. Comme un réflexe pavlovien, conditionné par bientôt une décennie de travail domestique. “J'étais préoccupé de savoir si notre leader Giulio Ciccone était dans notre groupe ou pas. Heureusement, il est revenu (...). C’est à 4 ou 5 kilomètres de l’arrivée que mon directeur sportif m’a averti que j’aurais le maillot rouge si je finissais dans le peloton.”
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Ciccone : "Elissonde est fort dans les ascensions, on peut essayer de contrôler"

Huit ans après son coup d'éclat sur l'Angliru

Elissonde semblait avoir laissé passer sa chance sur cette Vuelta. Lundi, dans une échappée de bons grimpeurs qui s’est jouée la gagne au Picon Blanco, il n’avait pu rivaliser avec Taaramäe, se contenant même de la 3e place derrière Joe Dombrowki. Le Français l’avait concédé à l’arrivée : il se sentait un peu émoussé. L’été commençait à se faire long après un Tour de France passé dans les échappés et marqué par une 2e place en bas du Ventoux.
Puis, il y a eu un éprouvant périple à Tokyo, pour disputer la course en ligne des Jeux Olympiques, au service de David Gaudu. Il n’était pas prévu pour aller en Espagne. Mais comme d’habitude, en soldat loyal, il avait répondu présent à l’urgence de ses dirigeants. “Après le Tour et les JO, l’équipe m’a demandé si je poulais aller à la Vuelta. J’ai dit oui”. A quoi ça tient, un maillot rouge ?
"Il est vrai que j'ai passé l'essentiel de ma carrière à faire l'équipier, donc avoir ce maillot maintenant est incroyable, savoure-t-il. C’est mon tour, je porte le maillot rouge.” Huit ans après, c’est donc à nouveau sur le Tour d’Espagne qu’Elissonde retrouve le haut de l’affiche. En 2013, à tout juste 22 ans, il avait créé la sensation en s’imposant à l’Angliru. Un succès de légende. Son dernier en date.
Il n’a jamais retrouvé la victoire depuis son coup d'éclat dans les Asturies - il n’en compte que deux en carrière, avec une étape de Paris-Corrèze en 2012. En quittant la FDJ pour rejoindre la toute puissante Sky, en 2017, il avait mis entre parenthèses ses prétentions personnelles pour se mettre au service des leaders de l’armada britannique. Avec brio, parfois. En 2018, dans le colle del Finestre, il avait mis sur orbite Chris Froome dans une étape de légende qui avait vu “Froomey” renverser le Giro.
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Kenny Elissonde, alors sous le maillot de la FDJ, s'était imposé à l'Angliru en 2013. Déjà sur la Vuelta.

Crédit: Getty Images

Ce n'est pas une victoire, mais...
Ce n’est qu’en 2020 qu’il a retrouvé un peu plus de libertés avec la Trek-Segafredo, qui lui a permis de disputer ses deux premiers Tours de France, mais pas encore de retrouver la victoire. Le coup n’était pas passé loin en juillet dernier, sur la route de Malaucène. Mais il était tombé sur un exceptionnel Wout van Aert.
"Il me manquait ce petit éclat, analyse le natif de Longjumeau, formé au pôle espoirs de la Roche-sur-Yon, puis au CC Etupes, où il est toujours licencié. Il y a eu ces échappés sur Paris-Nice qui ne vont pas au bout, pareil au Dauphiné. J’ai fait 2e au Ventoux, 3e avant-hier... J’étais toujours proche de faire quelque chose de bien, mais il m’a toujours manqué ce petit truc. Aujourd’hui (mercredi), ce n’est pas une victoire mais porter ce maillot demain, ça va être une grande journée.”
Elle sera sa première en tant que leader d’un grand tour. Pas sûr qu'il en passera une seconde. Car la 6e étape, plane durant l’essentiel du tracé, se termine à l’Alto de la Montaña de Cullera. Un raidard de 1,9km à 9,4%. Avec cinq secondes de marge sur un coureur comme Primoz Roglic, Elissonde ne se fait guère d’illusions. Mais il l’assure : “On va tout faire pour le défendre. Après, si je le perds, enfin, quand je vais le perdre, car il faut être réaliste, je vais le garder chez moi, l’encadrer. Ce maillot, il restera toujours avec moi.”
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Kenny Elissonde est le nouveau leader de la Vuelta

Crédit: Getty Images

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