Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

TOUR D'ESPAGNE - Vainqueur du Giro, Egan Bernal (Ineos-Grenadiers) est-il vraiment le grand favori de la Vuelta ?

Benoît Vittek

Mis à jour 13/08/2021 à 17:35 GMT+2

TOUR D'ESPAGNE 2021 - La victoire sur le Giro a marqué le grand retour d’Egan Bernal et en faisait, dès le mois de mai, le favori d’un Tour d’Espagne qui renforcerait sa condition de prodige du cyclisme. Mais le Colombien s’interroge légitimement et publiquement sur ses ambitions alors qu'à ses côtés, Adam Yates ou Richard Carapaz peuvent faire de très bons leaders pour Ineos.

Egan Bernal - Giro d'Italia

Crédit: Getty Images

Dans un peu plus de trois semaines, au bout de son chemin de Saint-Jacques qui commence ce samedi à Burgos, l’armada Ineos Grenadiers, peut-être inspirée par les conquêtes du Cid et ses compagnons sur ces terres, ne vise qu’une récompense : la Roja, le maillot rouge que le vainqueur de La Vuelta emporte dans ses valises pour récompense symbolique de ses exploits sur la route. Les ambitions britanniques ne font aucun doute, et elles sont soutenues par une force de frappe étourdissante.
"Il ne sera peut-être quand même pas évident de maintenir 5 ou 6 gars dans les premières positions du général", s’amusait jeudi Adam Yates, interrogé à 48h du départ sur l’éventualité de voir Pavel Sivakov ou Tom Pidcock s’infiltrer dans les hauteurs du classement général. Mais alors, qui sera le meilleur représentant des Grenadiers au moment d'installer le podium final sur l’emblématique place Obradoiro, devant la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle ? Et quels rôles tiendront Yates, Egan Bernal et Richard Carapaz dans cette quête ?
"C’est une bonne question", a souligné Bernal, qui n’a pas habitué ses interlocuteurs à noyer le poisson. Alors le Colombien à l’esprit analytique a pris quelques instants de réflexion avant de livrer sa synthèse : "Voyons voir. Pour sûr, Yates se prépare depuis longtemps, il n’a couru ni le Giro, ni le Tour, il vise absolument la Vuelta. Richard aussi devrait être à un bon niveau, et j’espère que ce sera pareil pour moi. On a vu cette année qu’il est difficile de définir avant les épreuves de trois semaines un numéro 1, un lieutenant, un troisième homme…"
Et Bernal, leader attendu par tous les commentateurs, d’ajouter très sérieusement : "Nous avons plusieurs coureurs pour viser le général. Et Tom Pidcock et Pavel Sivakov sont aussi là pour leur première Vuelta."

"Priorité" à la Vuelta

Carapaz et Yates, qui ont défilé devant les journalistes dans la foulée de Bernal, ont tenu un discours similaire, avant que le champion olympique de VTT Pidcock se montre beaucoup plus détaché : "J'ai profité de chaque instant depuis Tokyo. Je vais prendre les choses jour après jour mais les plans peuvent vite changer si je trouve la forme ou la motivation."
Pendant que la pépite britannique se présente en touriste, les trois leaders établis se veulent ambitieux au sein d’un collectif surpuissant. Mais entre les lignes, trois dynamiques se dégagent. Pour son seul Grand Tour de la saison, le Britannique a les crocs et se voit faire feu de tout bois. Carapaz est usé par son été doré (podium sur le Tour, or olympique) mais il lui en reste dans le réservoir et un rôle de franc-tireur lui siérait à merveille. Bernal se voit naturellement en prétendant à la victoire mais il se veut lucide sur les difficultés qui peuvent vite obscurcir son horizon.
"Je ne sais pas comment je serai pendant trois semaines", a-t-il souligné. Son dos, qui ne pouvait plus supporter ses ambitions en 2020 et qu'il continuait de soigner minutieusement pendant le Giro, reste un point d’interrogation. "Je pense que ça s’améliore, mais c’est une blessure que je vais devoir continuer à traiter pendant quelques temps, peut-être encore quelques mois", décrit-il.
picture

Et Bernal s'est envolé : revivez l'arrivée de la 16e étape

Ses deux mois de coupure après le Giro ne lui ont pas permis de concentrer tous ses efforts sur la Vuelta, qu’il érigeait pourtant en objectif absolu dès la fin mai, lorsque les journalistes témoins de sa reconquête italienne l’incitaient à défier Primoz Roglič et Tadej Pogačar sur le Tour. "Non, répliquait-il. Ma priorité, maintenant, c’est de gagner aussi la Vuelta." Mais ses plans ont vite été perturbés lorsqu’il a été touché par le Covid. "Ça n’a pas été la préparation idéale, celle dont on rêvait depuis le début de la saison, mais les sensations viennent petit à petit", concède-t-il aujourd’hui.
On pourrait y voir une forme de protection, mais Bernal semble légitime lorsqu’il s’interroge sur son état de santé après les mésaventures connues depuis un an et demi par divers champions : "Est-ce que je vais payer le contrecoup du Covid ? Je ne sais pas. Il faut attendre. Je n’ai rien ressenti qui soit lié à ça sur la Vuelta a Burgos [38e au général après une chute dans la 1re étape]. Mais qui peut savoir ? C’est encore récent pour tout le monde."

Se payer Roglič et Hinault, sans trop y penser

La carrière de Bernal lui a appris que la réussite peut vite basculer, dans un sens ou dans l’autre, et que rien n’est jamais écrit. Il l’a constaté aussi bien dans ses échecs que dans ses triomphes. Sa jeunesse, la concrétisation de la longue épopée des Escarabajos et son assaut sur les pentes de l’Iseran ont renversé le monde du cyclisme, qui a vite oublié que Bernal était loin de surclasser la concurrence sur le Tour 2019, qu'il aurait dû disputer en soutien de Chris Froome et Geraint Thomas.
Depuis, il a régulièrement rappelé son ambition première de cycliste formé au VTT et soudainement arrivé sur la route : "Je rêve de gagner les trois Grands Tours." Il accomplirait aussi le rêve de son père avec qui il regardait les grandes courses par étapes européennes de bon matin.
Bernal peut aussi transcender son aura de prodige en remportant la Vuelta à son coup d'essai, pour peu que son horizon reste dégagé. Il deviendrait alors le huitième coureur à remporter les trois Grands Tours, et le plus jeune au moment de boucler ce triplé, devant Bernard Hinault, Felice Gimondi et Alberto Contador. Après avoir remporté le Tour, l'Espagnol avait complété sa trilogie dans le même ordre que celui suivi aujourd'hui par Bernal, en signant ensuite le doublé Giro-Vuelta en 2008. Mais le Pistolero rêvait avant tout du Tour, dont son équipe Astana avait été écartée (à l'époque, les fraudes d'Alexandre Vinokourov le rendaient indésirable, ainsi que tous ceux qui s'associaient à lui).
picture

Egan Bernal

Crédit: Getty Images

Bernal assure qu'il ne pense pas trop à ces comparaisons historiques, mais ses interlocuteurs le font pour lui. En privé, il soulignait son besoin de retrouver toute sa plénitude, physiquement mais aussi mentalement, avant de se frotter à nouveau au Tour qui lui a tout donné en 2019 et, symboliquement, presque tout repris l'année suivante. Le début de saison 2021 a fait des merveilles pour lui montrer qu’il restait un champion majeur mais, après avoir passé une dizaine de jours à expliquer que tout pouvait facilement se dérégler, il s’est fait peur dans la dernière semaine du Giro avec quelques légers coups de moins bien face à une opposition plus modeste.
Une Reconquista sur la Vuelta, en renversant Primož Roglič de son trône espagnol tout en résistant aux assauts des Movistar, donnerait plus d'épaisseur à ce Bernal reconstruit. Le Colombien pourrait alors se tourner à nouveau vers le Tour de France, où tout le monde l'attend. Une autre excellente question se poserait alors : comment mater Tadej Pogačar ?
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité