Mancebo, le revenant

Décidément, ce Tour de Californie restera vraiment comme celui des revenants. On a beaucoup parlé de Lance Armstrong, bien sûr, voire de Floyd Landis, sans oublier Ivan Basso, qui en est encore aux prémices de son comeback. Mais dimanche, lors de la première étape en ligne, c'est un autre trentenaire oublié qui a refait surface. Francisco Mancebo, que l'on n'attendait plus franchement à pareille fête, a réussi un sacré coup double à Santa Rosa: victoire d'étape et prise de pouvoir au classement général, au terme d'une journée à rebondissements qui laissera des traces chez chacun et de mauvais souvenirs chez beaucoup.

Loin de l'image d'Epinal d'une Californie baignée par le soleil, cette sortie dominicale a viré au cauchemar pour le peloton, inondée sous le déluge. Les conditions étaient tellement défavorables que le directeur de course a décidé de neutraliser les temps du classement général à l'entame du premier des trois tours du circuit final, entraînant une confusion dans la caravane. La modification a été décidée après 130 des 173 km de course et tous les directeurs sportifs n'ont pas été mis au courant au même moment en raison d'une coupure des communications, provoquant la grogne de certains, notamment Astana, qui a vu ses possibilités de rattraper Mancebo considérablement réduites. Tout cela fait un peu désordre pour une épreuve au plateau relevé, soucieuse de son image et de son prestige naissants.

Mancebo a donc assuré son maillot jaune en passant la première fois sur la ligne d'arrivée. Il était alors seul en tête, avant d'être rejoint par le Belge Jurgen Van de Walle (Quick Step) et l'Italien Vincenzo Nibali (Liquigas) sur le circuit. Mais le vétéran espagnol a su trouver les ressources pour semer ses deux compagnons à 200 mètres de l'arrivée pour s'adjuger la victoire d'étape, en plus du maillot de leader. Un retour au premier plan inattendu pour Mancebo, qui court désormais pour la modeste équipe américaine Rock Racing, celle de Tyler Hamilton et Oscar Sevilla, autres anciens bannis. Douce revanche pour Mancbo, pris dans le tourbillon de l'Opération Puerto et évincé du Tour de France la veille du départ en 2006, comme Jan Ullrich ou Ivan Basso.

Paco Mancebo était alors un des principaux outsiders du Tour. Depuis, il avait plus ou moins disparu de la circulation. Après avoir envisagé de mettre un terme à sa carrière, il a végété, jusqu'à son grand retour au premier plan dimanche. Il n'a pas souhaité épiloguer sur son passé. "Je n'ai rien d'autre à dire là-dessus", a-t-il assuré après avoir confié que son équipe d'alors, AG2R, était sous pression. Aujourd'hui, il assure avoir retrouvé le plaisir simple de la course. "J'ai couru en 2007 pour Relax et en 2008 au Portugal. J'y ai retrouvé la joie de courir. Avant, j'étais stressé, je ne profitais pas. Aujourd'hui, c'est différent", assure-t-il.

Pas sûr qu'ils soient nombreux à avoir profité dimanche, compte tenu des conditions. Prenez lance Armstrong, par exemple. Le Texan a rallié l'arrivée dans le même temps que le peloton principal, avec Levi Leipheimer, Ivan Basso, Andy Schleck, Michael Rogers ou Jens Voigt, mais il a souffert. "J'ai passé une de mes pires journées sur un vélo. J'avais tellement froid", a expliqué le septuple vainqueur du Tour. Avant le départ, il avait en plus eu la mauvaise surprise d'apprendre que son vélo de contre-la-montre, un modèle unique, lui avait été dérobé pendant la nuit. Malgré ses déboires, Armstrong pointe aujourd'hui à la 5e place du classement général, en haut duquel Mancebo trône avec plus d'une minute d'avance sur les principaux favoris, emmenés par Leipheimer.

Armstrong n'est toutefois pas le seul à en avoir bavé dimanche. Carlos Sastre, le vainqueur du Tour de France 2008, victime d'une chute, a perdu près d'un quart d'heure. Quant à Fabian Cancellara, il n'aura pas profité longtemps de son maillot jaune de leader. Vainqueur du prologue la veille, le Suisse a abandonné dans la zone de ravitaillement. Fiévreux, le Suisse n'a pas voulu prendre de risques inutiles pour sa première course de la saison. Voilà en tout cas déjà beaucoup de rebondissements en 48 heures. Ça promet pour le reste de la semaine...