Un absent si présent

Le Palais des Congrès avait épousé une ombre mardi matin. Une ombre gênante, de celle qui recouvre l'éclat que revêt habituellement cette grand messe que représente la présentation officielle du Tour de France. A vrai dire, si chacun était venu pour découvrir le parcours 2011, c'est bien le vainqueur de l'édition 2010 qui a phagocyté les sujets de conversation. Alberto Contador, tenant du titre en sursis, a donc réussi le Tour de force d'être omniprésent sans avoir fait le déplacement.

Le cas de la star espagnole gêne le Tour aux entournures. Parce qu'il a remporté trois fois l'épreuve en quatre ans et que sa probité, aujourd'hui, est officiellement mise en cause. Du coup, la rétrospective du Tour 2010, qui a ouvert la cérémonie mardi, avait presque quelque chose de déplacé. Le flou qui entoure le cas Contador renforce par ailleurs l'impression de malaise. Un contrôle anormal mais pas complètement positif, un peu de clenbutérol, du plastique, des rumeurs de transfusions, une viande pas bien cuite… Un peu dur à avaler tout ça. Au moins autant que les 20 cols annoncés par Christian Prudhomme pour 2011.

Le patron du Tour n'est pas le moins agacé par la situation, qu'il subit de plein fouet sans rien pouvoir y faire. Dans son introduction, il a évoqué brièvement l'affaire Contador, émettant un seul souhait: "Nous attendons les conclusions de l'UCI et de l'AMA, qui sont les organismes compétents. Nous n'espérons qu'une chose: que l'attente ne dure pas trop longtemps." Sur ce plan, il n'a pas dû être rassuré par les propos de Pat McQuaid. "Je n'ai aucune idée de combien de temps cela prendra, lui a répondu le président de l'UCI. De ce que je comprends, c'est un processus très compliqué. Pour être équitable avec tout le monde, Contador, notre sport et le Tour de France, il nous faut nous plonger dans les détails afin de nous assurer que les décisions qui seront prises, quelles qu'elles soient, sont les bonnes".

Dans ce contexte, le Tour a bonne mine et le cyclisme avec lui. Ni coupable ni innocent, Alberto Contador est en suspicion provisoire. Et plus l'affaire va traîner, plus l'issue sera, quoi qu'il arrive, néfaste pour l'image de l'espagnol et de son sport. Innocenté, on parlera de magouilles. Condamné, il incarnera, après tant d'autres, ce cyclisme incapable de se défaire de ses chaines. Tous les acteurs présents mardi à Paris ont bien conscience que le cas Contador les concerne tous. Les dommages collatéraux sont les que personne n'est épargné. "C'est encore un coup très dur pour le cyclisme. Chaque cas est une catastrophe, mais quand ça touche le numéro un, c'est encore pire", constate Vincent Lavenu, le manager d'AG2R La Mondiale, qui a eu droit, comme tout le monde, à sa question sur l'affaire.

Dans le sillage de Christian Prudhomme, tout le monde est d'accord pour souhaiter un règlement rapide. Histoire de ne pas trainer cet abcès trop longtemps. Rien ne serait pire qu'un nouveau cas Valverde, suspendu au printemps 2010 pour des faits remontant à plusieurs années. "Qu'il soit innocenté ou suspendu, il faut que les autorités compétentes décident vite, sur la base d'éléments irréfutables. Sinon, c'est tout le cyclisme qui ça comme un boulet.Le vélo n'a pas besoin d'une histoire comme ça", juge Andy Schleck. Un avis très largement partagé. Le cas du cadet des frères Schleck est le plus singulier. Le Luxembourgeois pourrait être sacré sur tapis vert si la culpabilité de Contador était avérée. Mais on sent bien qu'il n'a aucune envie d'apposer son nom au palmarès cinq ou six mois après les faits. Pas comme ça. Pour l'instant, il attend. Comme tout le monde. Et ce Tour 2011, dont il était question mardi, ignore si son tenant du titre sera là, en Vendée, le 3 juillet prochain. Ni même s'il sera toujours tenant du titre à ce moment là…