Contador, trouble-fête?

"Gagner le Tour de France est toujours difficile", a rappelé Alberto Contador la semaine dernière. Il a raison. Même pour un coureur comme lui, il s'agit d'ordinaire d'un challenge extraordinaire. Mais cette année, le défi semble plus compliqué que jamais à relever pour l'Espagnol. Pour tout un tas de raisons, ce Tour 2011 risque d'être beaucoup plus dur à conquérir que les six précédents grands tours enlevés par le champion de Pinto. Il lui faudra surmonter toutes sortes de difficultés, liées essentiellement à son contrôle positif sur la précédente Grande Boucle. Contador aura besoin d'être indestructible.

Bien sûr, il y a l'aspect purement sportif des choses. Triple vainqueur et double tenant du titre, Contador sera l'homme à battre. Après sa débauche d'énergie du Giro (nous y reviendrons dans la semaine), le Tour s'annonce forcément compliqué. Mais le vrai problème pour lui, c'est le contexte, si pesant. Comment, en effet, oublier sa situation "juridique"? Du fait de l'invraisemblable lenteur de la justice sportive internationale, Alberto Contador est un tenant du titre en sursis. Contrôlé positif au clenbutérol sur le Tour 2010, blanchi par sa fédération, il attend le verdict définitif du TAS, qui doit confirmer ou infirmer la décision des instances espagnoles, après l'appel de l'AMA et de l'UCI. Une année d'attente ou presque. Qu'il le veuille ou non, les gens le tiennent responsable de cette situation qui, avant de lui faire du mal à lui, nuit d'abord au cyclisme dans son ensemble. Innocenté par les instances espagnoles, il reste accusé et présumé coupable aux yeux de l'immense majorité de ceux qui suivent le cyclisme. Notamment en France.

Doit-il redouter l'hostilité, voire l'agressivité d'une partie du public français du public français? S'il est en jaune, comment sera-t-il accueilli en montant chaque soir sur le podium? "J’étais plus inquiet pour Armstrong il y a deux ans quand il est revenu à la compétition, tempère Christian Prudhomme. Les gens trouvent Contador plutôt sympathique". On jugera sur pièces au mois de juillet, mais le patron du Tour semble quand même bien optimiste. Dans sa phrase, l'imparfait aurait peut-être davantage convenu que le présent. Il ne faut pas oublier que Contador a déjà été sifflé à plusieurs reprises par le public lors de ses deux derniers grands tours. A chaque fois pour des motifs différents, qui n'avaient d'ailleurs rien à voir avec le dopage. Son image en a pris un coup, assez injustement d'ailleurs dans les deux cas. Qu'il s'agisse de l'histoire du saut de chaîne d'Andy Schleck sur le Tour 2010 ou de l'annulation du Crostis lors du dernier Giro, le public lui a fait deux mauvais procès. Mais les faits sont là. Son image est nettement moins positive qu'elle ne l'était au départ du Tour 2010.

Puis il y a le peloton, partagé et assez mal à l'aise vis-à-vis de cette situation. Tacler Contador trop sévèrement aujourd'hui alors qu'il pourrait être innocenté demain… Certains grincent pourtant des dents. "S'il est sifflé sur le Tour, tant pis pour lui. On a que ce qu'on mérite dans la vie", jugeait ainsi le Français Amael Moinard lors du Dauphiné. Le vainqueur de ce même Dauphiné, Bradley Wiggins, a lui soufflé le chaud et le froid, résumant finalement assez bien le malaise ambiant. "Sportivement, ce n'est pas une bonne chose qu'un gars testé quatre fois positif soit dans la course, avait affirmé le Britannique au soir de sa victoire dans le Critérium. C'est mauvais aussi pour toutes les équipes qui se battent pour être propres, c'est le cas de notre équipe Sky". Mais quelques jours, plus tard, spectaculaire volte-face de Wiggo chez nos confrères de Cyclingnews: "Je suis un grand fan de Contador. Je ne pense pas qu’il soit coupable. Je pense que c’est une farce, la manière dont son affaire a été traitée."

Par le passé, Alberto Contador a déjà montré, physiquement et plus encore mentalement, qu'il était un phénomène. Après tout, il a bien réussi à gagner un Tour de France en étant complètement isolé au sein de sa propre équipe. Alors, même s'il devait avoir la terre entière contre lui, il se dit prêt. "Je suis concentré à 100% sur la course, rappelle-t-il. Le reste n'a pas d'importance." Son ancien coéquipier chez Astana, Alexandre Vinokourov, pense même que Contador est capable de transformer ce boulet en atout. "Je pense que toute cette histoire a décuplé sa motivation", estime le Kazakh. Un avis partagé par son actuel manager chez Saxo Bank, Bjarne Riis. "Plus on l'attaque, sur la route en dehors, plus Alberto va être fort. Il fonctionne comme ça." Seul contre tous et plus fort que jamais?