Roulez, jeunesse !

Une désobéissance qui rapporte gros. Et ce n'est pas Marc Madiot qui dira le contraire. Bravant ce qui avait été avancé par son directeur sportif dans le bus dimanche matin, Thibaut Pinot a fait valdinguer quelques certitudes. Oui, à 22 ans, il est possible de gagner des étapes du Tour de France dès sa première tentative. Avant le benjamin du Tour, Peter Sagan l'avait prouvé. Trois fois. Alors pourquoi nos coureurs ne seraient-ils pas capables d'en faire autant ?

"Au briefing ce n'était pas prévu. J'avais la consigne de rester avec les leaders. J'ai vu que ça pétait, que c'était la guerre", a commenté le héros du jour à l'arrivée. Alors il y est allé. Avec panache. Et a provoqué la réussite qu'on connait. "Cela faisait un moment que j'avais coché cette étape. Il y avait des chances que ça aille au bout. A la fin, je ne sentais plus mes jambes, j'avais des frissons". Madiot acquiesce mais ne valide que 50% des propos de son poulain : "Ce matin, on avait décidé de faire l'étape. On savait que c'était une étape qui pouvait convenir à une échappée. Mais pas spécialement avec Thibaut Pinot. Je voulais qu'il reste au chaud". Et puis, son coureur s'est retrouvé dans un groupe de contres et n'a eu plus qu'à suivre. "Finalement, c'était presque plus simple. Après, on a joué le va-tout dans le final", ajoute Madiot.

Pourquoi alors avoir hésité autant de temps à l'inscrire sur cette édition 2012 ? "Avant tout pour préserver son talent", a avoué le manager de la FDJ-BigMat, qui reconnaît "s'être longtemps fait tirer les oreilles (pour l'inscrire sur l'épreuve)". Insistant lourdement auprès de son patron, mais appliqué également sur la route - pour preuve un excellent Tour de Suisse où il a souvent grimpé les cols avec les meilleurs -, Pinot a tout fait pour le faire changer d'avis. "Plus les jours passaient, plus ça devenait inéluctable (qu'il soit sélectionné). On s'est dit : 'si on attend le Tour d'Espagne, sa période de forme sera peut-être passée. Il veut vraiment y aller. Banco, on y va", sourit Madiot.

Bernard Hinault ne comprend pas trop cet état d'esprit. Pour le quintuple vainqueur du Tour, qui a découvert la Grande Boucle à 23 ans, il est inutile de surprotéger les jeunes coureurs. A l'instar de Laurent Fignon (22 ans et 11 mois), en 1983, le Blaireau n'est-il pas la preuve qu'il est possible de finir en jaune à Paris dès ses débuts sur la plus grande course du monde ? "Thibaut (Pinot) ne s'est pas posé de questions. C'est le vélo qu'on aime. Il a 22 ans. Il y va. Il n'a pas paniqué. Il n'a pas eu peur. Il s'est bien bagarré. Chapeau", se satisfait Hinault. Dernier Tricolore à avoir remporté le Tour, en 1985, celui-ci se permet aussi de donner un conseil aux directeurs sportifs actuels. "Il ne faut pas freiner les jeunes coureurs. Il faut les laisser faire. Ils prendront peut-être une grande claque, mais ce n'est pas grave : ils auront appris quelque chose au moins".

S'appuyant sur les exploits récents de Peter Sagan - qui a égalé Hinault avec trois succès d'étape dès son premier Tour-, Hinault pousse les jeunes Tricolores à prendre exemple. "Plus ils vont se bagarrer, plus leur corps va s'habituer à des charges de travail. Et meilleurs ils seront. Il ne faut pas les freiner. C'est peut-être pour ça qu'on n'a pas trop de résultats en France, regrette-il. Laissons partir les petits chevaux. Et on avance !". Le mot de la fin pour Madiot : "Gagner sur le Tour avec le benjamin de l'épreuve, pour nous, c'est un signe fort". On est d'accord, M. Madiot. Alors par pitié, messieurs les directeurs sportifs, faites confiance à vos jeunes pousses. Ils vous le rendront. Et roulez, jeunesse !