Oui, vous pouvez aimer Chris Froome

Benoît Vittek

Mis à jour 30/06/2017 à 14:12 GMT+2

TOUR DE FRANCE - Chris Froome n’est plus seulement le géant désarticulé voire déshumanisé que le public a rapidement rejeté. Son parcours exceptionnel fait du “Kényan blanc” un champion unique. Et finalement appréciable.

Chris Froome

Crédit: Imago

On ne choisit pas son vainqueur du Tour. À moins peut-être de diriger une formation comme La Vie Claire en 1986, ou le Team Sky en 2012, rares exemples d’équipes alignant côte à côte deux vainqueurs en puissance du Tour de France. Mais en dehors des jeux de simulation qui fleurissent l’été venu, on admettra que cette situation échappe au commun des suiveurs cyclistes.
Comme le coureur, le supporter attend juillet avec excitation, espoir et crainte. Son champion triomphera-t-il ? Sera-t-il maté par le rival honni ? L’homme qui se présentera en vainqueur dimanche 23 juillet sur le podium de juillet fera difficilement l’unanimité. S’il s’agit de Chris Froome, et cela reste l’hypothèse la plus censée à mes yeux, on sait même déjà qu’il drainera une large foule de contempteurs - et ce sera assez injuste.
Depuis son émergence fulgurante sur le Tour, le grand Britannique entretient une relation tumultueuse avec les suiveurs de l’épreuve. Au-delà des sommets de bêtise franchis par ceux qui ont rebaptisé Froomey à l’urine lors d’une édition 2015 aux polémiques artificiellement gonflées, les enthousiastes du mois de juillet sont nombreux à voir en l’actuel maître de l’épreuve un antéchrist roulant.

D’épouvantail à mascotte

L’amateur cycliste est amateur de style. Et je peux comprendre sa souffrance. En voyant Chris Froome se déhancher de tout son corps dégingandé sur les pentes extrêmes de la Planche-des-Belles-Filles, dans un dernier effort pour accrocher son premier succès d’étape sur la Grande Boucle en 2012, j’ai moi aussi pesté que je n’avais "jamais vu un mec aussi moche sur son vélo". Je n’étais certainement pas le seul frustré devant ce pantin désarticulé, animé par son compteur de puissance. Depuis, Froome a largement évolué. Et mon jugement avec.
Prêtons-nous à un jeu assez simple : avec un an de recul, quels étaient les coureurs les plus excitants du dernier Tour de France ? Évidemment, c’est parfaitement subjectif. Évidemment, Peter Sagan est hors-concours et des coureurs comme Romain Bardet, Julian Alaphilippe ou Jarlinson Pantano ont su faire vibrer quelques cordes sensibles. Froome a lui aussi sa place dans la discussion, capable de porter le fer sur tous les terrains et protagoniste de l’image la plus marquante de cette édition, à pied sur les pentes du Ventoux.
Le parcours original de Chris Froome, avec ses racines africaines, n’explique pas seulement la révélation tardive de son potentiel physique. Le “Kényan blanc” a dû apprivoiser la course en peloton. Après avoir anobli Bradley Wiggins avec la méthode “on verrouille en montagne pour assurer la victoire au meilleur rouleur”, les Sky ont mené un projet différent autour de Froome. Des épreuves comme le Dauphiné ont notamment permis de le confronter à des situations volatiles, pour lui montrer que tout n’était pas contrôlable mais lui offrir des clefs différentes. La leçon, indispensable, a porté ses fruits, comme le montrent ses attaques en descente et dans le vent sur le dernier Tour.

Froome n’est ni Wiggins ni la Sky

Face à des Quintana et Contador, Froome a dû déployer des capacités bien plus variées qu’on ne le lui reconnaît. Mais il reste poursuivi par le péché originel de 2012. Sur la Planche-des-Belles-Filles, en cette année de premier triomphe britannique sur la Grande Boucle, le lieutenant de Wiggins est coupable d’un crime bien plus grave encore que le manque de style : il établit l’écrasante supériorité d’une équipe que personne n’est véritablement parvenu à bousculer depuis. Une équipe ultra-dominatrice et qui ne réussit pas à véritablement écarter le soupçon du dopage.
Le passé invite à la prudence au moment de contempler l’hypothèse d’un dopage institutionnalisé mais il reste bon de préciser que la Sky n’a jamais été épinglée par les autorités et que les principales interrogations portent plutôt sur Wiggo et certaines méthodes de préparation que sur un armement massif de son successeur. Au-delà de cette question, Froomey offre un visage bien plus humain que celui généralement affiché par la formation britannique.
Offensive ou question gênante, la Sky est prompte à tout verrouiller, sur la route et en dehors. Cela lui vaut de nombreux commentaires désagréables. Son leader parvient à s’en détacher avec sa gentillesse, sa disponibilité et une présence bien sentie sur les réseaux sociaux. Quand Wiggo se faisait séduisant ou détestable, Froome est universellement salué comme un bon gars, respectueux et finalement attachant.
Lorsqu’il raconte sa première participation aux Mondiaux, en 2006, c’est à pleurer de rire (pour rappel, aligné dans la catégorie Espoirs après avoir piraté la boîte mail de la fédération kényane et s’être débrouillé seul pour rallier Salzbourg, il percute un commissaire de course au bout de la première ligne droite du contre-la-montre). Un rhinocéros peint sur son cadre, une photo-souvenir distillée sur Twitter… Les échos de son enfance sont autant d’invitations à explorer des horizons inédits parmi ce que le peloton, à grande majorité européenne, nous offrait jusque là. Rafraîchissant, non ?
picture

Chris Froome en jaune sur le Tour 2015.

Crédit: Panoramic

Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité