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Geraint Thomas, cet encombrant lieutenant...

Laurent Vergne

Mis à jour 19/07/2018 à 20:10 GMT+2

TOUR DE FRANCE - Au lendemain de sa victoire et de sa prise de pouvoir à La Rosière, Geraint Thomas a crédibilisé son maillot jaune jeudi en s'imposant à l'Alpe d'Huez. Avec désormais plus d'une minute trente d'avance sur Chris Froome, il va devenir de plus en plus compliqué chez Sky de considérer le Gallois comme un équipier parmi d'autres.

Geraint Thomas et Chris Froome (Sky)

Crédit: AFP

"Si Thomas tient la distance à l'Alpe, gare au mal de crâne pour Brailsford...", avais-je écrit mercredi soir dans notre débat du jour. Nous y voilà. Non seulement Geraint Thomas a tenu la distance jeudi à l'Alpe d'Huez, mais il a gagné. Bonifications comprises, il a repris 14 secondes supplémentaires à Chris Froome. A la sortie des Alpes, à neuf étapes de la fin de ce Tour, le voilà donc avec une minute et trente-neuf secondes d'avance sur son "leader", terme qui nécessite plus que jamais des guillemets.
C'est une drôle de situation dans laquelle se retrouver le Team Sky. Elle est enviable. La formation britannique dispose des deux coureurs les plus impressionnants et, malgré Tom Dumoulin, il parait difficile d'imaginer, sauf circonstances particulières, que la victoire finale puisse lui échapper à Paris. Mais si l'abondance de biens ne nuit pas, elle peut compliquer la vie. Ces dernières années tout était limpide chez Sky. C'était tout pour Froome. Jamais la moindre ambiguïté n'avait percé, parce que, intrinsèquement, personne n'arrivait à la cheville du leader.
Cette fois, Sky se retrouve dans une situation comparable à celle de 2012, quand Bradley Wiggins était programmé pour s'imposer, et que Chris Froome avait pointé le nez avec une telle impression de facilité que l'on avait pu se demander si le vainqueur du Tour était vraiment le coureur le plus fort de son équipe. Mais il y avait une différence de taille : jamais, au cours de ce Tour 2012, Froome n'a eu le maillot jaune. Il n'a pas été devant Wiggins au classement général passée la mi-Tour. Intérieurement, il avait pu être frustré de ne pouvoir abattre sa carte selon son désir, il y avait eu des tensions, mais Dave Brailsford avait pu tenir ses hommes et freiner les ambitions de Froome parce que la hiérarchie interne à l'équipe est en permanence restée en corrélation avec celle du général.
Ce n'est cette fois pas le cas. Le discours officiel est toujours clair et net : un seul leader, Chris Froome. Geraint Thomas ne dit d'ailleurs pas autre chose. Il l'a dit à La Rosière mercredi, il l'a martelé jeudi à l'Alpe d'Huez. "Frommey is still our man". Froomey est toujours notre homme. Le Gallois dit ce qu'il faut, choisit soigneusement ses mots. La Sky est aussi habile en contrôle de sa parole une fois l'étape finie que pour verrouiller la course durant l'étape.

On ne triomphe pas à l'Alpe d'Huez impunément

Sauf que si Geraint Thomas s'emploie à mettre en scène son absence d'ambition personnelle, celle-ci est en train de s'imposer naturellement sur la route. Il me parait dès lors extrêmement difficile de balayer d'un revers de main, non seulement la situation telle qu'elle est aujourd'hui au classement entre les deux Britanniques, et encore moins ce qui s'est produit jeudi à l'Alpe d'Huez. Ce qui pouvait encore se tenir la veille est devenu caduque avec la victoire de Thomas à l'Alpe d'Huez.
On ne gagne pas une telle étape, sur un tel monument du Tour, après trois ascensions hors catégorie, pour dire sérieusement "gagner le Tour, moi, vous n'y pensez pas, je ne suis qu'un humble serviteur". On ne triomphe pas à l'Alpe d'Huez impunément, encore moins avec le maillot jaune sur le dos ce que, rappelons-le, seul Lance Armstrong avait réussi à faire jusqu'à ce jour. Autant dire que Thomas est officiellement le premier puisque le Texan a été rayé des livres.
Maintenant, il y a deux solutions : Sky peut officialiser le nouveau statut de Thomas en disant, en gros, "que le meilleur gagne". Autant le dire tout de suite, c'est extrêmement peu probable. Ce serait intenable. L'autre consiste à persister dans la doxa énoncée depuis le départ. Sky est et restera l'équipe de Chris Froome. Mais comme l'a dit Thomas mercredi dans sa tirade la plus "rebelle", "je ne perdrais pas du temps exprès". C'est donc à Chris Froome de jouer.
S'il en a les moyens en troisième semaine dans les Pyrénées, le détenteur des trois derniers grands tours devra passer à l'offensive. La voie sera libre. Thomas ne roulera sans doute pas derrière lui. C'est ce qui aurait dû se passer à l'Alpe d'Huez lorsque Froome a tenté de partir en déposant Bardet. Sauf qu'il n'a pas eu les moyens d'accentuer son effort. Et ce n'était peut-être pas ce qu'escomptait la direction du Team Sky.
Geraint Thomas demeure une équation à plusieurs inconnues. A commencer par sa capacité à tenir la distance sur trois semaines. Rien que pour ça, il est légitime que Sky s'arque boute sur sa position initiale. Mais plus le temps va passer, moins le discours sera simple à tenir.
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Team Sky et Geraint Thomas

Crédit: Getty Images

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