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Tour de France - Avec Egan Bernal et Richard Carapaz, Ineos mise sur son clan hispanique

Benoît Vittek

Mis à jour 27/08/2020 à 17:35 GMT+2

TOUR DE FRANCE - Dave Brailsford a surpris tout le monde en misant sur le Colombien Egan Bernal et l'Équatorien Richard Carapaz pour maintenir l'hégémonie du Team Ineos, pris à son propre jeu par les Jumbo-Visma. Après avoir imposé leur train, les hommes en noir et rouge sont là pour faire exploser la course.

Richard Carapaz et Egan Bernal, les deux leaders du Team Ineos sur le Tour de France 2020

Crédit: Getty Images

Dave Brailsford est un grand pragmatique, bien plus que ce que certains dogmes martelés par ses tout-puissants Teams GB, Sky et Ineos ("marginal gains", stratégies de course étouffantes…) ont laissé croire. Le quinquagénaire gallois est un homme d'objectifs réputés inatteignables. En cette fin d’été, il vise un huitième succès sur le Tour de France en neuf éditions. Et pour y parvenir, le héros de la couronne enterre le rouleau-compresseur britannique et passe à l’heure latine autour de son duo Bernal - Carapaz.
Cette huitième victoire estampillée Sky-Ineos constituerait une performance inédite pour une seule formation, mais Brailsford en a vu d’autres : il a rebâti le cyclisme sur piste britannique, pour le porter à des hauteurs invraisemblables, et il ne lui a fallu qu’une poignée d’années pour offrir à la couronne son premier vainqueur du Tour de France. Le boss des Ineos est à la parade sur les événements cyclistes, comme il l’a montré avec un sourire éclatant (même derrière le masque, ses yeux bleus clairs traduisent ses intentions) sur les courses de reprise auxquelles il a assisté.
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Dave Brailsford, manager du Team Ineos

Crédit: Getty Images

Les performances mitigées de son équipe n’invitent pas forcément à un optimisme débordant mais le boss des Ineos sait parfaitement naviguer en eaux troubles. Lors de ses dernières apparitions publiques, alors que tout le monde s’interrogeait sur la cohabitation entre Chris Froome, Geraint Thomas et Egan Bernal, il préparait un nouveau plan d’attaque qui a pris tout le monde à revers - à commencer par Thomas, relégué sur le Giro, et Froome, qui devra se contenter de la Vuelta.

Pour Ineos, il fallait se réinventer

On aurait pourtant pu s’y attendre : le pragmatique Brailsford n’allait pas se laisser avoir à son propre jeu par un train Jumbo-Visma gonflé de certitudes avant de voir Steven Kruijswijk et Primoz Roglic faire de mauvaises cabrioles sur la route du Dauphiné. Pendant ce temps-là, Egan Bernal tirait la langue et se plaignait du dos. Surtout, Froome et Thomas trainaient leur statut de vainqueur du Tour en fond de classements.
Le trio royal a connu son heure sur le Tour 2018 mais la chute de Froome en 2019 et cette drôle de saison 2020 l’ont condamné. Il était temps de se réinventer avec deux grimpeurs faits pour s’éclater ensemble : Egan Bernal est l’élu, le champion adoré par Brailsford ; Richard Carapaz est un superbe lieutenant, capable de faire voler la course en éclats et de tirer le maillot jaune du feu si Bernal venait à défaillir.
Le renouvellement s’accompagne de Pavel Sivakov et Andrey Amador (chipé en même temps que Carapaz à la Movistar, avec laquelle il a déjà fait cinq Tours dans un rôle de domestique de luxe) mais on retrouve aussi du très classique : sixième Tour avec Ineos pour Luke Rowe, quatrième pour Michal Kwiatkowski… Tactiquement, il sera pourtant impossible de faire pour Bernal et Carapaz ce que la Sky faisait autrefois pour Wiggins, puis Froome et finalement Thomas.

Carapaz - Bernal : deux grimpeurs pour déverrouiller la course

Le manager Brailsford aime autant manier le concept de "mission clarity" que celui de "marginal gains". Pour mener à bien une mission impossible, il faut être parfait dans les moindres détails mais aussi savoir très clairement quels sont ses objectifs. Avec Froome et Thomas, le flou était de mise. Avec Bernal et Carapaz, le message est limpide : Ineos vient faire exploser le bloc Jumbo avec deux grimpeurs adeptes des grandes offensives.
Sur le Tour 2019 déjà, le train Ineos était impuissant à réguler la course en faveur de ses leaders. Tout aussi imprévisible tactiquement qu’impressionnant physiquement, Julian Alaphilippe déréglait la machine. Chez Groupama-FDJ, l’explosivité de David Gaudu et la force de Thibaut Pinot suscitaient les plus grands rêves. La solidité de Jumbo-Visma, emmenée par Kruijswijk (3e), et celle de Bora-Hansgrohe, autour d’Emanuel Buchmann (4e), faisaient déjà peser une menace perceptible.
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Egan Bernal, maillot jaune à l'issue de la 19e étape, tronquée, du Tour de France 2019

Crédit: Getty Images

Bernal est donc allé chercher son maillot jaune sans train, en se lançant seul dans une immense offensive sur les pentes de l’Iseran lors d’une 19e étape qui a vu le Tour basculer dans la folie. En haute altitude, le prodige de Zipaquira s’est offert un succès digne des pionniers Escarabajos, bien plus enclins à défier la gravité qu’à s’installer en première classe d’un train surpuissant.

"Richie" la loco sait faire

En Équateur, on surnomme bien Richard Carapaz la "locomotive du Carchi", du nom de la petite province dans laquelle le vainqueur du Giro 2019 a grandi, juste au sud de la Colombie. Les frontières cyclistes sont poreuses et "Richie" l’Équatorien est lui aussi un grimpeur fougueux, biberonné aux exploits de l’Italien Marco Pantani et élevé au rang de champion par les Espagnols de la Movistar.
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Richard Carapaz a conquis le Giro 2019 à Courmayeur

Crédit: Getty Images

Souvent moquée pour ses tactiques, la formation navarraise avait signé un coup de maître lors de la 14e étape du Giro, en propulsant son grimpeur équatorien dans une offensive de plus de 35 kilomètres vers Courmayeur pour faire vaciller un Primoz Roglic jusqu’alors impérial. Derrière, Mikel Landa contrôlait. On peut facilement imaginer Carapaz et Bernal jouer cette partition sur les routes du Tour.
Une semaine plus tard, Carapaz se présentait à Vérone en vainqueur historique du Giro. La "Locomotora del Carchi" pouvait remercier "la vie, qui m’a tant donné, et Dios (Dieu), qui m’a guidé de la meilleure manière". Après avoir offert à l’Équateur son plus grand succès cycliste, le voilà embarqué dans une nouvelle mission : maintenir l’hégémonie de l’Empire cycliste britannique.
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