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Tour de France 2021 - Du "petit Jonas" au Top 4 du Tour : Jonas Vingegaard (Jumbo-Visma), itinéraire d'un garçon pressé

Christophe Gaudot

Mis à jour 11/07/2021 à 10:34 GMT+2

TOUR DE FRANCE 2021 - Avant les grosses étapes de Pyrénées, un Jumbo-Visma pointe sur le podium provisoire. Pas Primoz Roglic, celui que l'on attendait, mais Jonas Vingegaard, qui s'est payé le luxe de faire mal à Tadej Pogacar au Ventoux. Retour sur l'itinéraire d'un coureur arrivé tard dans le monde professionnel mais qui y fait son trou plutôt très rapidement.

Jonas Vingegaard fait mal à Tadej Pogacar dans le Ventoux.

Crédit: Getty Images

Tout va très vite dans la vie de Jonas Vingegaard en ce moment. Le Danois de 24 ans ne devait pas être de la sélection Jumbo-Visma pour le Tour de France 2021, pas plus qu'il ne devait finalement en être le leader. Le voir lâcher Tadej Pogacar sur les pentes du Ventoux mercredi n'était pas non plus tout à fait prévu, à vrai dire. Le gamin de Hillerslev, bourgade de l'extrême nord-est du Danemark, va vite, très vite, et le grand public le découvre lors de cette Grande Boucle.
Jonas Vingegaard détonne dans le monde du cyclisme de 2021. Son éclosion, à 24 ans, n'est pas à proprement parler tardive mais comparée à celle de Tadej Pogacar ou Remco Evenepoel, elle n'est plus tout à fait banale. A un âge, 22 ans, où le Slovène est en position de remporter son deuxième Tour de France, le coureur de Jumbo-Visma passait seulement professionnel. La "faute" à un cursus danois assez long. D'abord chez Odder CK puis, de 2016 à fin 2018, chez ColoQuick, formation de troisième division.
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Fritsch : "Pogacar n’est pas à l’abri de perdre 20 minutes comme Gaudu"

"A ce moment-là, il manquait énormément de puissance"

Christian Moberg Jörgensen a partagé de nombreuses courses avec celui qui pointe ce dimanche à la quatrième place du classement général du Tour. Coureur pour ColoQuick, il en est devenu, fin 2020, le directeur sportif. Il se rappelle de la première fois qu'il a vu Jonas Vingegaard. "Je l'ai rencontré quand j'étais entraîneur de l'équipe nationale, Jonas nous a rejoint en 2016-2017. Il était facile à vivre mais déjà très ambitieux. Il restait cependant beaucoup de chemin à parcourir pour lui." Jörgensen est loin d'imaginer à l'époque qu'il est en présence d'un futur prétendant au podium du Tour. Et pour cause : "A ce moment-là, il manquait énormément de puissance, explique-t-il. Mais quand nous sommes allés en stage à Calpe (Espagne), son talent a explosé aux yeux de tous. Il grimpait si bien !"
Pas étonnant donc si les premiers faits d'armes du Danois en World Tour ont eu lieu sur des étapes escarpées. Le Tour de Pologne et une victoire sur la 6e étape d'abord, en 2019. La Vuelta 2020 ensuite quand, sur la 11e étape, remportée par David Gaudu au sommet de la Farrapona, il avait tenu en respect le groupe des favoris pendant une petite vingtaine de kilomètres de montée. Pas un hasard non plus, donc, si c'est sur les pentes difficiles du Mont Ventoux qu'il a fait craquer le maillot jaune, Tadej Pogacar.
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Premier (petit) aveu de faiblesse : Pogacar a coincé dans le Ventoux face à Vingegaard

Pourquoi, s'il était si exceptionnel dans les cols, le Danois a-t-il passé trois ans chez ColoQuick avant de signer chez Jumbo-Visma ? Jörgensen avance deux raisons. La première, ses difficultés… sur le plat : "C'était un grimpeur avant tout !, s'emporte-t-il quand on lui demande s'il était aussi un bon rouleur. Je ne pouvais pas le suivre en montagne mais je l'écrasais sur le plat à l'époque." La seconde, une volonté pour ColoQuick de conserver les joyaux locaux le plus longtemps possible. "On ne les laisse partir en World Tour que quand ils sont réellement prêts". Pas surprenant donc si Vingegaard a brillé dès ses premières années au top niveau mondial.

Une chute et quelques mois... chez un vendeur de poisson en 2017

Les chutes ont aussi joué un rôle dans le développement tardif du Scandinave. Ces derniers jours, l'histoire d'un Jonas Vingegaard travaillant chez un grossiste de poisson en 2017 est sortie dans la presse. Jörgensen confirme : "Nous étions au Tour des Fjords. L'équipe visait le général avec Jonas mais sur l'étape-reine, il est tombé et s'est cassé la hanche. Il est resté un mois à l'hôpital mais ensuite, oui, il a travaillé pour un vendeur de poisson". Vainqueur du difficile prologue du Tour du Val d'Aoste l'année suivante, Vingegaard a commencé à se faire un nom. Jumbo-Visma l'avait dans le viseur, et un test a confirmé tout son potentiel.
"Notre ambition est d'intégrer les plus grands talents du monde dans notre équipe, déclarait Merijn Zeeman, directeur sportif chez Jumbo au moment de son recrutement. Jonas a été largement suivi, testé et discuté au sein de notre équipe de recrutement." Cette année-là, l'équipe néerlandaise intégrait aussi Wout Van Aert et Mike Teunissen pour une cuvée qui allait s'avérer exceptionnelle. "Un plan pluriannuel" est prévu pour Vingegaard. Début 2021, c'est donc sans lui mais avec Tom Dumoulin que Jumbo-Visma dévoile sa composition pour le Tour. Avec Vingegaard, Jumbo prend son temps. Lui n'en a pas envie.
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La sensation Vingegaard vole la vedette à Pogacar : Le résumé de la 5e étape

La défection du Néerlandais fait une première partie du travail. Lui s'occupe du reste. D'abord, il remporte une étape à l'UAE Tour devant… Tadej Pogacar. Ensuite, il décroche le classement général de la Semaine Coppi et Bartali. Enfin, il brille au Tour du Pays Basque en portant le maillot de leader, puis en l'achevant à la 2e place derrière Primoz Roglic, son leader. Suffisant pour lui offrir un aller simple pour Brest, lieu du grand départ du Tour.

Pas prévu sur le Tour, Vingegaard est devenu la seule chance de Jumbo-Visma

Sa tâche ? Aider le plus possible Roglic. Avec les circonstances que l'on connaît pour le Slovène, Vingegaard est propulsé leader et son superbe chrono de Laval (3e à 27'' de Pogacar) fait le reste. Rappelez-vous que Jörgensen, pourtant coureur modeste, le battait dans le domaine. Preuve que le "petit Jonas", comme on l'appelait chez ColoQuick, a fait du chemin. Son ancien coéquipier ne lui sentait pas non plus l'âme d'un leader. Pas tout à fait celle d'un solitaire, mais pas loin. "Il est professionnel, sympa avec tout le monde. Il avait des amis dans l'équipe, mais on ne voyait pas un pur leader."
ColoQuick a changé sa vie à plus d'un titre, puisque c'est là qu'il a rencontré Trine, qui travaille encore au marketing de l'équipe. Elle est la mère de sa fille Frida. "Ils vivent à Glyngore, un trou perdu à deux heures de l'aéroport", précise Jörgensen.
Un coup d'œil sur la carte suffit à comprendre qu'effectivement, à Glyngore, Jonas Vingegaard et sa famille ne sont pas embêtés par la foule. Après son Tour de France, la vie de celui-ci va changer, forcément. "Je ne suis pas surpris par ses performances, juge Jörgensen. Seulement qu'elles arrivent dès cette année. Jumbo-Visma fait vraiment un excellent travail avec les jeunes." Le plus surprenant dans tout cela, c'est que le coureur lui-même n'en rêvait pas. Arrivé sur la pointe des pieds chez Jumbo-Visma, il assurait quand même avoir un objectif : "Remporter une classique ardennaise". C'est loin des Ardennes, dans des Pyrénées que les organisateurs ont voulu terribles, que le Danois va se battre pour un premier podium sur la plus grande course du monde.
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