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Tour de France - Tadej Pogacar : "Si on ne s'amuse pas dans le sport, c'est qu'on n'a rien compris"

Laurent Vergne

Mis à jour 17/07/2021 à 21:45 GMT+2

TOUR DE FRANCE 2021 – Serein et presque conservateur lors du contre-la-montre de Saint-Emilion, qu'il a achevé samedi à la 8e place, Tadej Pogacar va remporter dimanche son deuxième Tour de France. A moins de 23 ans. Du jamais vu. Pourtant, loin de l'image du champion tyrannique que l'on voudrait lui coller, le Slovène revendique une vision presque ludique de son métier.

Tadej Pogacar s'apprête à remporter son deuxième Tour de France, à moins de 23 ans.

Crédit: Getty Images

On l'a décrit comme un tyran. On a parlé d'une domination écrasante. Statistiquement, il est sur des bases supérieures à celles d'un Eddy Merckx ou d'un Bernard Hinault. Un Merckx qui, lui-même, l'a adoubé comme le "nouveau cannibale." Comme ces deux géants, et comme Laurent Fignon, il va remporter le Tour de France lors de ses deux premières participations. Mais lui seul l'aura fait avant son 23e anniversaire.
Pourtant, Tadej Pogacar ne se reconnaît ni dans ces comparaisons, ni dans cette étiquette d'offre dévorant tout sur son passage. "Je n'aime pas me comparer à qui que ce soit. Je n'aime pas les comparaisons avec les autres, chaque coureur est unique. Ils ont chacun leur personnalité. Je ne me considère pas comme un patron", a-t-il plaidé samedi soir à Saint-Emilion, où il a entériné pour de bon sa victoire, même si elle ne sera officielle que dimanche sur les Champs-Elysées.
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Je reste encore jeune, j'aime la vie
Une autre comparaison, nettement moins flatteuse, le ramène souvent à Lance Armstrong. L'avenir dira (peut-être) si Pogacar est juste quelqu'un de bien ou un nouveau fossoyeur, mais dans son discours et son attitude, il ne peut être plus éloigné de l'Américain, qui aimait asséner sa morgue à la face de tous, y compris une fois descendu de son vélo. Le Slovène est la décontraction incarnée et quand il parle, il fait son âge, assumant certes sa supériorité, mais aussi une forme d'innocence dans la pratique de son métier. De son sport, plutôt, préfère-t-il dire.
"On est juste là pour faire la course, s'amuser sur notre vélo", assure-t-il. Le plaisir. L'amusement. Les pierres angulaires de sa communication. "Je me suis éclaté, avait-il souligné jeudi après sa victoire à Luz-Ardiden. Le cyclisme, pour moi, c'est un jeu." Il a conservé cette ligne samedi en définissant son approche : "Je reste encore jeune, j'aime la vie. Si on ne s'amuse pas dans le sport que l'on fait, c'est qu'on n'a rien compris. Il faut s'amuser."
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Tadej Pogacar après le contre-la-montre de Saint-Emilion.

Crédit: Getty Images

On ne lui fera pas l'affront ou le procès d'intention de douter de sa sincérité sur cette conception du cyclisme. Pas plus que quand il jure qu'il reste le même "Pogi" qu'il y a dix mois, quand il n'avait pas encore fait main basse sur le Tour, plutôt deux fois qu'une. Ces deux triomphes ne l'ont pas vraiment changé, promet le ténor du Team UAE Emirates. "Je n'ai pas tellement changé, dit-il. Tout est comme avant. J'aime être chez moi, avec mes amis, passer du temps avec ma famille... Rien d'extraordinaire, finalement."

La décontraction du gestionnaire

Tout le contraire de ces accomplissements sur la route qui, eux, sortent clairement de l'ordinaire. Même si ces deux Tours de France ne pouvaient être plus différents. L'an passé, il avait couru en outsider, derrière un Primoz Roglic destiné dans l'esprit de tous à conquérir Paris en jaune. Puis tout a basculé à la Planche des Belles Filles, lors d'un chrono de pure folie qui a changé le destin des deux hommes, peut-être de façon définitive.
Cette fois, il a couru en patron, quand bien même le qualificatif ne lui conviendrait pas. Il a tellement dominé que samedi, à Saint-Emilion, il a pu afficher une décontraction presque insolente dans l'aire de départ, avant de livrer un contre-la-montre de gestionnaire.
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Sa victoire n'a jamais fait de doute. Ni pour nous, ni... pour lui. Même s'il ne le dit pas comme cela, entre les lignes, c'est ce qui transparaît. "Pour être honnête, avoue-t-il, j'étais très confiant. Dès la première semaine du Tour, j'étais confiant." La bataille la plus éprouvante, au moins au plan psychologique, Tadej Pogacar l'a finalement livrée ces trois dernières semaines partout sauf en course, en devant faire face, quotidiennement, aux interrogations sur ses performances et la suspicion presque consubstantielle au porteur du maillot jaune, tout à la fois cadeau et fardeau.
Je dois répondre à beaucoup plus de questions, souvent les mêmes
"Il y avait beaucoup moins de stress l'an dernier, confirme le jeune champion slovène. Cette année, c'était plus difficile quand je n'étais pas sur le vélo. Mais ça reste extrêmement difficile de gagner. Mais franchement sur le vélo, ça a été plus ou moins la même chose. Cette année, c'était plus difficile quand je n'étais pas sur le vélo. La grosse différence, ce sont les médias. Je dois répondre à beaucoup plus de questions, souvent les mêmes. Mais je me sens plus à l'aise avec les médias désormais." Dans ce domaine comme dans les autres, Pogacar apprend vite.
Il est tentant de l'imaginer voguer vers des records en pagaille. Il a déjà beaucoup gagné, pour un coureur de 22 ans. Rien n'est jamais sûr. Jan Ullrich était censé gagner au moins cinq Tours. Laurent Fignon aussi. Les triomphes d'aujourd'hui ne garantissent jamais les victoires de demain. Egan Bernal, phénomène de précocité il y a à peine deux ans, semble avoir pris un gros coup de vieux sous l'effet de la tornade slovène. Elle-même n'est pas à l'abri d'être ringardisée dans un avenir plus ou moins proche.

Cap sur Tokyo

Mais le phénomène roule si fort, grimpe si vite, et maîtrise si bien tous les aléas d'une course aussi exigeante à tous les niveaux que le Tour de France, qu'on voit assez peu de raisons aujourd'hui de douter que la suite ne soit pas à l'avenant. Même s'il ne veut pas entendre davantage parler de records et de statistiques que de comparaisons avec les anciens, fussent-ils glorieux.
"Là maintenant, je ne pense à aucun record, je profite de ce moment, se défend-il. A l'avenir, j'irai certainement sur les deux autres grands tours. Le Giro, la Vuelta de nouveau. La Vuelta était mon premier grand tour, j'ai adoré la course à l'époque."
Quand Tadej Pogacar se projette, ce n'est jamais bien loin. Il ne songe pas au prochain Tour, encore moins aux années à venir. Son esprit est tourné vers Tokyo, où l'Olympe l'attend peut-être. "Il n'y a pas beaucoup de temps pour se remettre, concède le Slovène. On verra dans quel état je serai après le Tour. En plus, il fait très chaud au Japon, il y a beaucoup d'humidité. J'y vais pour vivre une nouvelle expérience, motivé parce que ce sont des JO. Il y a cette possibilité seulement tous les quatre ans et je veux la saisir. Je vais essayer de me battre pour la victoire." Comme toujours. Après tout, même s'il aime s'amuser, ce que Tadej Pogacar fait de mieux, c'est encore gagner.
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Tadej Pogacar, plus jaune que jamais.

Crédit: Getty Images

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