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Tour de France - 12e étape - L'Alpe d'Huez un 14 juillet, l'ultime fantasme français

Mis à jour 14/07/2022 à 12:02 GMT+2

TOUR DE FRANCE 2022 – Ce jeudi, la 12e étape du Tour mène le peloton à l'Alpe d'Huez, le sommet des sommets, où les Français se sont imposés lors de trois des quatre dernières arrivées. Comme, en prime, nous sommes le 14 juillet, les coureurs tricolores ont une double occasion de signer la plus inoubliable des victoires.

Il y a sept ans, Pinot triomphait à l'Alpe d'Huez

Gagner le 14 juillet. Gagner à l'Alpe d'Huez. C'est un double cercle fermé. Un club où la carte de membre est chèrement acquise. Mais une fois que vous en faites partie, vous appartenez dans un cas à la mémoire collective du cyclisme français, dans l'autre à l'histoire du cyclisme tout court. Ici, c'est davantage la nature du plaisir qui diffère, plus que son intensité. La force émotionnelle ou l'accomplissement d'envergure.
Cette année, pour la première fois, l'étape du 14 juillet coïncide avec l'étape-reine du Tour et l'arrivée dans la mythique station iséroise, dont l'ascension des 21 lacets sera précédée de l'escalade du Galibier puis de la Croix-de-Fer. Si un coureur français a la chance de s'imposer ce jeudi, il signera la victoire d'une vie, celle dont on vous reparle des années, voire des décennies après.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, les Tricolores vainqueurs le 14 juillet sont au nombre de 13. Jacques Anquetil, cas unique, a même connu un double feu d'artifice, en 1961 et 1964. Mais chacun possède sa propre histoire. Vincent Barteau, par exemple. L'ancien coéquipier de Laurent Fignon n'a pas seulement levé les bras un 14 juillet, mais LE 14 juillet, en 1989, le jour du bicentenaire de la prise de la Bastille. "Je n'ai pas gagné beaucoup dans ma carrière, dit-il, mais j'ai fait deux trucs dont les gens me reparlent toujours : porter le maillot jaune pendant deux semaines (en 1984, NDLR) et ma victoire le 14 juillet 1989. Ça marque les gens."
Tous les ans, jusqu'à la victoire de Warren, on m'appelait, j'avais droit à mon petit article parce que j'étais le dernier
Les gens s'en souviennent. C'est le point commun entre tous les témoignages de ces Français qui ont eu la chance de mettre dans le mille en cette journée pas comme les autres. En 2020, lors du premier mois de juillet sans Tour depuis 1946 puisqu'il avait été décalé à la fin de l'été en raison de la pandémie du Covid-19, Eurosport avait réuni les deux derniers héros tricolores du 14 juillet, David Moncoutié (2005) et Warren Barguil (2017). Leurs mots se superposaient souvent, notamment sur cet aspect mémoriel.
"Le public s'en souvient plus facilement, assurait Moncoutié. Quand je croise des gens qui suivent un peu le vélo mais pas plus que ça, ils savent que j'ai gagné le 14 juillet. Ma victoire à Figeac (un an plus tôt, le... 15 juillet), personne ne se souvient de la date. Les médias en parlent toujours plus eux aussi, même des années après. Tous les ans, jusqu'à la victoire de Warren, on m'appelait, j'avais droit à mon petit article parce que j'étais le dernier."
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Echappée royale, raid solitaire : Barguil et Moncoutié racontent leur 14 juillet victorieux

Le jour même, tout est différent. Dès le matin. "Le briefing est un peu différent, reprend David Moncoutié, qui était chez Cofidis. Il 'faut' des Français devant. Je sais que chez FDJ par exemple, Marc Madiot faisait un briefing vraiment spécial. Je n'étais pas dans cette équipe mais ça se savait." Warren Barguil, lui, portait les couleurs d'une équipe étrangère, la Sunweb, lors de son succès dans les Pyrénées en 2017. "Au briefing, on en parlait, rien que pour moi. C'était 'Wawa, tu sais ce qu'il te reste à faire aujourd'hui'", raconte le Breton.

Quand le lieu surpasse la date

Avant le départ, l'attention se porte aussi davantage vers les autochtones que les autres jours. Et pas seulement de la part des médias hexagonaux. "Même les médias étrangers viennent davantage voir les coureurs français le 14 juillet, confirme Barguil. Je me souviens que le matin, j'avais beaucoup plus de journalistes étrangers qui étaient venus me voir. Ils savent l'importance que ça a pour nous."
Sur le parcours, la foule est au diapason. "On voit pas mal de drapeaux français sortis. Il y a encore un peu plus de ferveur, c'est jour férié donc il y a peut-être encore un peu plus de monde", pour Moncoutié. "Quand je suis dans l'échappée, je sens le public derrière moi, glisse Barguil. J'avais le maillot à pois en plus. Je ne dirais pas que c'était de la pression, mais ça me portait. C'était génial. Quand j'y repense, ça reste un souvenir très fort."
Quoi de plus inoubliable pour un Français que d'accrocher l'étape du 14 juillet ? Pas grand-chose. Mais dans certains cas, le lieu pèse d'un poids encore supérieur à celui de la date. Dans ce registre, rien n'égale l'Alpe d'Huez. Ce club-là ne compte que quatre membres français : Bernard Hinault, le premier, en 1986, puis, coup sur coup, Pierre Rolland (2011), Christophe Riblon (2013) et Thibaut Pinot (2015). Soit quatre succès en 30 étapes à l'Alpe, mais trois des quatre dernières.
Sportivement, c'est autre chose de triompher sur les hauteurs de Bourg d'Oisans que le 14 juillet, même si, comme le rappelle Barguil, "le 14 juillet, c'est rarement une étape de plaine, ce n'est pas facile en général". Mais c'est presque toujours moins dur qu'une arrivée à l'Alpe. Pour résumer, à peu près n'importe quel coureur français peut rêver de lever les bras le 14 juillet un jour ou l'autre. A l'Alpe, sans doute pas.
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Rolland volait : son arrivée royale à l'Alpe en 2011

Riblon : "Si je n'avais dû choisir qu'une seule victoire sur le Tour, j'aurais choisi l'Alpe"

Christophe Riblon n'échangerait pour rien au monde sa victoire de 2013 contre un bouquet du 14 juillet, comme il nous l'a confié : "Jamais ! Je suis absolument sûr que non. Dans l'autre sens, j'aurais échangé, c'est certain. L'Alpe d'Huez fait partie des cols mythiques, de la légende du vélo. Dans l'histoire du vélo, on se rappelle ceux qui ont gagné sur telles ou telles étapes, on ne se souvient pas de ceux qui ont gagné un 14 juillet. Peu importe le sens dans lequel tu mets la question, c'est l'Alpe."
Pour l'ancien coureur de l'équipe AG2R, rien ne peut se placer au-dessus de l'Alpe d'Huez. "Si je n'avais dû choisir qu'une seule victoire sur le Tour, j'aurais choisi l'Alpe, assure-t-il. Je regarde le vélo depuis 6-8 ans, ce sont ces images-là que je garde en tête, cette ascension-là, ce public autour, la ferveur. S'il y avait une hésitation, ce serait, dans un profil différent, avec l'arrivée sur les Champs-Elysées."
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Riblon, la victoire d'une vie : son succès à l'Alpe d'Huez en 2013

Pourtant relativement jeune dans l'histoire du Tour, puisqu'elle n'est apparue pour la première fois en 1952 avant de revenir sur le parcours un quart de siècle plus tard, l'Alpe d'Huez écrase tout. Pierre Rolland, successeur lointain de Bernard Hinault, rappelait d'ailleurs l'an dernier dans Ouest France cet échange révélateur avec Andy Schleck : "Une fois, on a fait une interview croisée avec Andy Schleck. Il m'a dit qu'il m'échangeait son Galibier et son Tourmalet contre mon Alpe d'Huez. C'est pour donner une idée de la valeur de cette montée."
Rien n'égale donc l'Alpe, qui trône dans sa propre mythologie. Mais pas grand-chose ne peut rivaliser avec l'émotion d'une victoire le 14 juillet pour un Français. Jeudi, l'un et l'autre pourraient s'accompagner. Ce serait alors à n'en pas douter une date marquante pour le cyclisme tricolore. Comme la fusion de deux rêves dans un même fantasme.
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Le profil de la 12e étape : Galibier, Croix-de-Fer, Alpe-d'Huez, trois monstres pour l'étape-reine

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