Bettini rêve du triplé

Paolo Bettini possède une qualité rare. Il est souvent à l'heure lorsqu'il a fixé rendez-vous. Ces deux dernières années en tout cas, le Toscan a toujours répondu présent lorsque le maillot arc-en-ciel était en jeu. En 2001 déjà, il ne lui avait pas manqué grand chose pour aller conquérir sa première tunique irisée. Deuxième à Lisbonne derrière Oscar Freire, il avait pris date pour la suite. Sept ans plus tard, il sera, dimanche à Varèse, en lice pour une nouvelle victoire dans la course en ligne.

Après ces deux titres conquis de haute lutte sur les routes autrichiennes et allemandes, l'Italien est donc en quête d'un fabuleux triplé. S'il l'emportait dimanche sur la chaussée varésine, Bettini rejoindrait son compatriote Alfredo Binda (1927, 1930, 1932), les Belges Rick Van Steenbergen (1949, 1956, 1957) et Eddy Merckx (1967, 1971, 1974) et l'Espagnol Oscar Freire (1999, 2001, 2004) au panthéon du cyclisme. Toutefois, à la différence de ses illustres prédécesseurs, le double tenant du titre réaliserait la performance inédite de réussir la passe de trois succès consécutifs.

La saison 2008 n'avait pourtant pas idéalement commencé pour le Grillon dont le compteur de victoires était désespérément bloqué sur zéro jusqu'au début du mois de juillet. Placé au Tour de Californie ou au Tour du Pays Basque, Bettini est carrément passé à côté de sa campagne printanière en devant se contenter, en tout et pour tout, d'une neuvième place dans Liège-Bastogne-Liège. Sur le Tour d'Italie, le Toscan, à domicile, n'est pas davantage parvenu à trouver l'ouverture. A l'attaque quasiment tous les jours, Bettini a dû se contenter de deux accessits en terminant deuxième à Tivoli (derrière le faussaire Riccardo Ricco) et à San Vincenzo (derrière Daniele Bennati).

Au sortir de son Giro décevant, Bettini est pourtant plus que jamais motivé à retrouver la condition dans la perspective des deux principaux rendez-vous de sa saison. Pour défendre avec succès ses titres olympiques et mondiaux, le Toscan met les bouchées doubles à l'entraînement. Faisant, comme il en a pris l'habitude depuis 2005, l'impasse sur le Tour de France, Bettini renoue avec la victoire en remportant une étape du modeste Tour d'Autriche. Dans la foulée, le double champion du monde en titre s'impose sur le Trophée Matteotti avant de lever les bras du côté de la citadelle de Namur sur l'étape reine du Tour de Wallonie.

Arrivé à Pékin avec l'ambition de réitérer sa performance athénienne, le Grillon se trompe de client en calquant sa course sur celle d'Alejandro Valverde. A l'avant, l'Espagnol Samuel Sanchez franchit la ligne en tête flanqué du Transalpin Davide Rebellin. Bettini, pour sa part, termine à une anonyme 18e place, jurant au passage qu'on ne le reprendrait pas à tant de passivité sur les championnats du monde.

Sur la Vuelta qu'il a pris l'habitude de courir pour préparer la course au maillot arc-en-ciel, Bettini rappelle qu'il est l'un des tous meilleurs puncheurs du monde. A Tolède, devant Gilbert et Valverde, puis à Suances devant Rebellin et Cunego, le double champion du titre s'impose avec aisance. Dimanche, au départ de la course qui peut le transporter au rang de mythe, le Grillon comptera donc cinq victoires à son compteur 2008. Deux de moins qu'avant son succès à Salzbourg mais trois de plus que l'an dernier, avant son deuxième titre acquis à Stuttgart dans une ambiance délétère.

Blessé dans son orgueil par sa non conservation pour 2009 dans l'effectif de la Quick-Step qui lui a préféré Stefan Schumacher, Paolo Bettini veut marquer de son éclat la course varésine. Franco Ballerini, le sélectionneur de la Squadra Azzura lui a, une fois de plus, accordé toute sa confiance. "C'est le plus grand coureur de l'époque récente dans les courses d'un jour" , affirme avec certitude le boss des transalpins qui a bâti une équipe au service de son leader. A côté des lieutenants Rebellin, Cunego et Ballan, c'est une armée de grégari, totalement au service du double tenant du titre, qui a été sélectionnée par le double vainqueur de Paris-Roubaix. Marzio Brusheghin, Luca Paolini, Gabriele Bosisio et surtout ses coéquipiers à l'année Andrea Tonti et Matteo Tossato savent que leur meilleure chance collective s'appelle Paolo Bettini.

Récemment annoncé avec Rebellin dans une future équipe italo-française (Telteck-H2O)*, Bettini arrive à Varèse avec la fougue du débutant, l'expérience du grognard et l'âme revancharde de l'homme blessé dans sa chair. Plus grand coureur d'un jour des années 2000, le Toscan veut continuer à marquer les esprits. Dimanche, sur les coups de 16h30 au coeur de la Lombardie, il est loin d'être improbable qu'il soit une nouvelle fois le meilleur.

* Cette nouvelle équipe serait managée par l'ancien coureur de la Gewiss-Ballan Franseco Frattini. Frédéric Moncassin, actuel sélectionneur de l'équipe de France de cyclisme, pourrait y officier en tant que directeur sportif.