Jeannet, argent mécontent

Abattu, sonné, groggy. La médaille autour cou mais le moral dans les chaussettes, c'est l'image qui restera de Fabrice Jeannet, pourtant sacré ce dimanche vice-champion olympique d"épée. C'est clair, à ce niveau de la compétition, rarement un champion ne s'était montré aussi dévasté par la couleur du métal. Mais Fabrice Jeannet est tout sauf un débutant qui goûte à l'argent content.

Quintuple champion du monde (une fois en individuel, quatre par équipes) et champion olympique collectivement en 2004, le Martiniquais est un compétiteur hors pair qui n'aime rien d'autre que gagner. Alors, le Français s'est contenté -sans s'efforcer de faire bonne figure- d'offrir sur le podium puis en conférence de presse une tête d'enterrement, lui dont le visage reste déjà d'ordinaire impassible et insondable. Limite déstabilisant. "Il va mettre du temps à digérer cette défaite , atteste son frère, Jérôme, tête de série de ce tournoi d'épée et sorti sans gloire dès les 1/16es de finale. Ce n'est même pas la peine d'essayer de lui parler ou de le raisonner parce qu'il est vert de déception et de frustration. Mais pourtant, comment ne pas être fier d'une médaille aux Jeux ?"

Ce qui le rend amer, c'est que cette défaite sera en individuel la dernière de sa carrière. A 27 ans, cet agent sous contrat personnel civil de la Défense a en effet décidé de tirer sa révérence depuis trois mois. Marre du haut niveau, de ses exigences et de ses remobilisations permanentes. Saturé de devoir courir après une motivation et une confiance qui ne cessaient de lui filer entre la lame. Il faut dire que le grand échalas au port altier a connu une carrière fulgurante en étant, notamment, sacré roi de la planète dès l'âge de 21 ans. "C'est l'usure, explique son aîné. On ne peut pas lutter contre ça. Il est arrivé très tôt au top niveau. Depuis huit ans, il a été de toutes les campagnes, il a presque tout gagné. Et quand on gagne, il y a un peu la routine qui s'installe."

Modèle de rigueur et de perfection en escrime, Fabrice Jeannet devrait s'appuyer sur les mêmes qualités une fois la page sportive tournée. Sans pour autant bomber le torse dans sa nouvelle vie professionnelle et mettre son passif de sportif de haut niveau en avant. En juin dernier, on l'a d'ailleurs vu faire profil bas et se présenter à des entretiens embauches dans le secteur informatique, l'une de ses passions. Impeccablement cravaté et les souliers parfaitement vernis. Tel un débutant en manque de confiance qui jouerait sa tête dans le quart d'heure qui suit. "C'est vraiment quelqu'un de très intelligent, bien dans sa peau et bien dans sa vie, assure Philippe Riboud, vice-champion olympique d'épée en 1988. Il est vraiment attachant et possède une grosse personnalité." Messieurs les chasseurs de tête, ne cherchez plus. Cet homme vaut de l'or... ou plutôt de l'argent.