Ballon d’Or - Griezmann, Varane ou Mbappé : les Bleus doivent-ils miser sur un seul poulain ?

Cyril Morin

Mis à jour 18/10/2018 à 10:35 GMT+2

BALLON D’OR - Avec Kylian Mbappé, Antoine Griezmann et Raphaël Varane, l’équipe de France dispose de trois candidats crédibles au Ballon d’Or. Si Luka Modric semble encore être le favori légitime, la campagne sportive et médiatique menée par Mbappé peut-elle tout changer ? En d’autres termes, la France doit-elle lutter contre la dispersion annoncée des voix en misant sur un seul cheval ?

Raphaël Varane, Kylian Mbappé et Antoine Griezmann

Crédit: Eurosport

"Je ne vais pas donner de favoris, parce que je ne veux pas me faire d’ennemis". Samedi dernier, face à la presse à Clairefontaine, Blaise Matuidi a marché sur des œufs. Glissée dans un sourire, sa phrase évoquait évidemment son nouveau coéquipier Cristiano Ronaldo à la Juventus. Sous-entendu : impossible de nommer un autre joueur que CR7 lorsque l'on évolue avec lui au quotidien. Pourtant, le Français aurait pu clairement prendre parti pour un de ses coéquipiers en sélection. Sa phrase en elle-même aurait même pu symboliser parfaitement l’état du football français à quelques jours de la clôture du vote pour désigner le Ballon d’Or 2018, le 9 novembre prochain. Oui, les Bleus ont connu l’apogée en juillet dernier du côté de Moscou. Mais personne ne cracherait sur une nouvelle distinction le 3 décembre prochain, aussi individuelle soit-elle.
Le point fort de cette équipe de France, c’est que rien dans son ADN n’a permis de faire émerger une évidence. Parce que cette campagne russe était avant toute une aventure collective où chacun, de Lloris à Giroud en passant par Pogba, aura été prépondérant. À l'image finalement des vainqueurs des grandes compétitions depuis 2004 (Grèce, Italie, Espagne, Allemagne et même Portugal avec un CR7 discret). C’est l’une des raisons qui font actuellement de Luka Modric le favori à la succession de Cristiano Ronaldo. Il est la seule tête qui dépasse du camp croate et a l'avantage de jouer au Real, qui a remporté l'autre trophée majeur de l'année. Le grand bénéficiaire de la dispersion des voix au profit des Français, c’est lui.
Ils sont six champions du monde à être retenus dans la liste des 30 dévoilée par France Football. Sans faire injure à Hugo Lloris, N’Golo Kanté et Paul Pogba, ils partent de trop loin comparé aux trois autres pour espérer ce titre, comme l’avait reconnu lui-même la Pioche.

Mbappé, une campagne digne d’Obama

Au niveau palmarès, Raphaël Varane est indéniablement le mieux placé avec son doublé Ligue des champions - Mondial. Si Antoine Griezmann le suit de près dans cette catégorie (Ligue Europa + Mondial), c’est dans les stats qu’il s’affirme comme un vrai prétendant en étant, pour l’instant, le meilleur buteur français en 2018 mais surtout en ayant été décisif à chaque tour éliminatoire de ce Mondial (4 buts, 2 passes décisives). Au niveau mondial, en ce 18 octobre, il est le troisième homme le plus décisif de l'année (33 buts et 16 passes ttc), derrière Lionel Messi et Luis Suarez, mais devant tout les autres.
À commencer par Mbappé, qui n'a pas à rougir cependant (28 buts, 13 passes). Le cas du prodige mérite qu'on s'y attarde un peu car il a appuyé sur l’accélérateur au moment propice : à l’automne, quand les derniers indécis se fixent sur un candidat. De son quadruplé face à l’OL à sa Une du Time Europe, le prodige fait tout ce qu’il peut pour rallier les derniers sceptiques à sa cause. "La plupart des votants attendent les huit ou derniers jours. Tout peut avoir une influence, surtout les années où le scrutin est serré" avait confié au Parisien Rémy Lacombe, rédacteur en chef de France Football.
Signe que les temps changent et que le vent pousse désormais fort dans le dos du jeune attaquant, même Antoine Griezmann a admis qu’il serait "tout aussi fier" qu’un autre de ses coéquipiers gagne le ballon doré. Mbappé était un tube mondial, c’est désormais devenu le refrain le plus entêtant de l’automne. Alors, faut-il privilégier le Parisien pour devenir le premier Français à succéder à Zidane au palmarès du prestigieux trophée ? Des trois, c’est en tout cas le plus scintillant, critère qui, à l’ère des réseaux sociaux, jouera forcément un rôle. Surtout, des trois, c’est celui qui peut le plus se targuer d’un match référence aux yeux du monde (France - Argentine) dans un rôle où il a capté toute la lumière. Difficile de faire plus symbolique que d'éliminer l'équipe de Lionel Messi, quintuple Ballon d'Or. Et les symboles, dans une élection, ça compte... On peut regretter cette évolution, c’est ainsi.

L’exemple espagnol de 2010

Alors, les Bleus doivent-ils se ranger derrière le prodige français désormais ? Ou au moins choisir un représentant pour porter la candidature bleue et éviter la dispersion des voix ? Sur le papier, l’idée est realpolitik au possible et peut trouver des partisans. Mais, pour l’instant, personne n’a semblé prendre ce chemin. Didier Deschamps s’est évertué à ne pas choisir tandis que Noël Le Graët a voté pour Varane, potentiellement le moins probable - à regret - étant donné son poste. Un faux choix donc.
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Varane sur le Ballon d'Or : "Difficile de faire mieux... sauf en marquant 40 buts"

Dans l’histoire récente du trophée, seule l’Espagne de 2010 se présentait dans une situation similaire que celle des Bleus en 2018. L’Allemagne de 2014, malgré la présence de Manuel Neuer, n’avait pas récolté suffisamment de voix au total pour empêcher le sacre de CR7 (26,88% pour l’ensemble des Allemands contre 37,66% pour le Portugais). En revanche, les Espagnols de 2010 peuvent se mordre les doigts.
"C’est vrai qu’en Espagne, on espérait que Xavi, Andres Iniesta voire Iker Casillas remporte le trophée. Mais il n’y a eu aucune campagne pour appuyer une seule candidature" nous explique Christian Maxedo, journaliste à Eurosport.es. À eux trois, les champions du monde espagnols avaient récolté 36,75% des voix, soit bien plus que les 22,65% de Leo Messi.
La division de la presse de l’autre côté des Pyrénées est l’une des explications mais évidemment pas la seule. "Je crois que cette année-là, même si la presse s’était rangée derrière un seul candidat, Messi aurait quand même gagné" détaille encore notre collègue ibérique. La raison ? Un automne complètement fou ponctué par 24 buts et 16 passes en… 24 matches.
Preuve qu’une campagne tardive, si elle est flamboyante, a toutes les chances de porter ses fruits. Celle de Mbappé semble suivre la même voix (10 matches, 12 buts, 5 passes). Mais, à l’inverse de l’Argentin, le prodige parisien n’est pas le seul de sa nationalité. Miser sur un seul poulain semble bien la décision la plus logique à faire pour les Bleus s’ils veulent voir le Ballon d’Or tomber dans son escarcelle. Logique mais beaucoup trop compliquée à assumer publiquement. Et ce n’est pas Luka Modric qui s’en plaindra.
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