Inqualifiable !

L'accueil de l'équipe suisse sous les jets d'oeufs et les slogans hostiles à leur arrivée à Istanbul avait déjà refroidi. Mais cette animosité est sans commune mesure avec ce qui s'est passé à la fin du match. Dès le coup de sifflet final, les deux formations se sont précipitées dans les vestiaires. Les uns pour s'y réfugier, les autres pour se défouler. Selon le journal Le Matin, c'est d'ailleurs Fatih Terim, le sélectionneur turc, qui aurait demandé à ses troupes de "casser du Suisse" en cas d'élimination ! Un discours irresponsable qui a entraîné un véritable déchaînement de haine.

"A la fin de la rencontre, il y a eu des jets de projectiles et des joueurs qui se sont presque fait tabasser. Grichting a été conduit à l'hôpital", a témoigné le milieu helvète Johann Lonfat, joint au téléphone une heure après le match sur TPS. Stéphane Grichting a en effet été gravement blessé et immédiatement hospitalisé. L'Auxerrois a été frappé au bas ventre et souffre de "saignements testiculaires" et d'une perforation du canal urinaire.

Selon les Suisses, les coups auraient portés par les joueurs mais également par le service de sécurité turc. "Les Suisses ont été tabassés par des joueurs turcs et des policiers censés assurer la sécurité. Grichting a reçu des coups dans les parties. Il était en sang. Vogel et Huggel ont pris des coups aussi. On a été attaqués. C'était incroyable", explique encore Lonfat. L'entraîneur des gardiens Eric Burgener aurait également reçu un coup de poing à l'oeil.

Kobi Kuhn va dans le même sens que ses joueurs. "C'est un véritable scandale, a déclaré le sélectionneur suisse. Je n'ai pas vu tout ce qui s'est produit dans ce vestiaire. Mais le fait de constater que les policiers turcs n'ont pas hésité une seconde à frapper aussi les gens de la télévision turque pour les empêcher de filmer la scène est révélateur du climat dans lequel nous avons baigné à la fin de ce match". "On est toujours dans les vestiaires à la demande des autorités turques" , poursuivait Lonfat plus d'une heure après la fin du match.

Car la Turquie risque de perdre beaucoup plus qu'une qualification pour le Mondial. Le délégué de la sécurité pour la FIFA, le Polonais Mical Listkiewicz, assure avoir vu tous les incidents. Si tel est le cas, il pourrait rendre un rapport accablant pour le football turc. Sur les ondes de la radio suisse romande, Andreas Herren, porte-parole de la FIFA, a précisé que l'organisation attendait d'avoir récupéré les preuves avant de saisir la commission de discipline. Mais Blatter a promis que l'affaire serait réglée avant le tirage au sort de la phase finale, le 9 décembre.

Côté turc, on se défend... en attaquant. Mercredi matin, les journaux turcs publiaient des photos de Benjamin Huggel mettant un coup de pied à Mehmet Ozdilek juste à l'entrée des vestiaires à l'issue de la rencontre. "L'affreux Suisse Huggel" n'hésitait d'ailleurs pas à titrer le journal Sabah qui accuse le joueur de l'Eintracht Francfort d'avoir "provoqué" les incidents.

Ce sera désormais à la FIFA de trancher le cas. Joseph Blatter, "fou de rage", a promis des sanctions exemplaires qui pourraient aller jusqu'à l'exclusion des éliminatoires pour le Mondial 2010. "Quelque chose ne fonctionne pas dans le football, je n'ai encore rien vu de pareil", a-t-il estimé sur les ondes de la radio suisse-alémanique RDS.

Les images sont accablantes pour les hommes de Fatih Terim. "On s'attendait à une atmosphère électrique, à une ambiance surchauffée, mais pas à ça. On a franchi les bornes de l'intimidation. Moi, on m'a dit : On va t'égorger", conclut Johann Lonfat qui rappelle également que "ce n'est pas la première fois puisque Beckham avait déjà été frappé par Alpay. J'espère que la FIFA a vu tout cela". Pour son football comme pour son image, les sanctions pourraient très lourdes pour la Turquie.