Les mystères de Dortmund

Non, ce billet n’est pas une adaptation, toute ruhrienne, d’un des plus beaux romans de la littérature française, Les Mystères de Paris. Encore que, ne l’oublions pas, l’œuvre magistrale d’Eugène Sue a pour personnage principal un membre de la confédération germanique, nommé Rodolphe. Non, ce billet s’attache plutôt à décortiquer les codes de communication du Borussia Dortmund afin de se rendre compte du gigantesque marché de dupes qui entoure les dossiers "chauds-show" actuels. Entre Propaganda (propagande) et Reklame (publicité).

Il ne me semble pas inutile de rappeler cette petite phrase, importante, du président-délégué du Borussia Dortmund, Hans-Joachim Watzke, afin de bien comprendre les enjeux de demain et les stratégies à adopter pour rester au sommet, tout du moins pour perdurer. Cette déclaration montre à quel point le rétablissement de ce club fut étourdissant de rapidité : aujourd’hui en quart de finale de la coupe aux grandes oreilles, auréolé d’un double Meisterschale ainsi que d’une coupe d’Allemagne, le BVB génèrera, en 2012-2013, l’un des dix plus gros chiffres d’affaires d’Europe. Pas mal pour un Verein quasiment "cliniquement mort" en 2005 !

Mais la jeunesse triomphante des Bubis (garnements) de Klopp ne doit pas faire oublier le décalage avec les grands clubs continentaux. Lorsqu’un Bayern Munich peut choisir entre deux Super Mario (Gomez et Mandzukic), Schieber, lui, n’est que le pâle reflet d’un Lewandowski. Idem, sur les côtés, au milieu de terrain comme à l’arrière où un Grosskreutz, certes international allemand, joue les bouche-trous, lorsque le coach Heynckes peut résoudre ses problèmes via un QCM et ainsi pratiquer le turnover. Mentionnons aussi un fébrile Felipe Santana, dans l’axe, pour remplacer Hummels ou Subotic, là où un Badstuber peut être absent toute la saison, ou bien encore un Boateng suspendu en Ligue des champions, sans que cela ne change l’imperméabilité du rideau défensif munichois. Pour être complet, le Brésilien est officiellement, selon son club, prêt à partir et il bénéficie d’une clause de départ s’élevant à 1 million d’euros seulement.

J’ai appris à me méfier de la communication officielle du Borussia Dortmund. Par exemple, 24 heures avant l’officialisation du prêt du verlorene Sohn (le fils perdu), Nuri Sahin, Watzke se livrait à un exercice parfait de conférence de presse où il dézinguait tout ce qui pouvait appartenir de près ou de loin à la gente journalistique…nationale comme étrangère, responsable, selon lui, des fausses rumeurs et qu’un transfert comme celui de l’international turc ne pouvait se faire pour cause d’émoluments trop importants. Si Sahin II n’a rien à voir avec Sahin 1er, force est de constater qu’il est aujourd’hui à l’Iduna Park Stadion.

Le président-délégué a donc récidivé lors de la rumeur croissante, provenant d’un journaliste allemand, postée en Angleterre, énonçant qu’il y avait déjà un accord entre les Citizens et les Schwarzgelben concernant le transfert du Bosnien Edin Dzeko, d’un montant de 23 millions d’euros. Il faut savoir que l’ancien attaquant du VfL Wolfsburg envoie régulièrement des messages en Allemagne pour évoquer son désir de rejouer en Bundesliga. Cette hypothèse a donc été, comme il se doit, balayée d’un revers de la main par le big boss du Borussia, lequel n’hésite pas à rappeler "la politique d’achat de jeunes talents" des dernières années. Certes, mais le club de la Ruhr a aussi communiqué sur "des investissements massifs" lors du prochain mercato estival. Comme dirait l’autre : "Va comprendre Charles !". Selon certaines sources, une enveloppe de 40 à 50 millions d’euros pour le recrutement serait disponible pour le prochain exercice. De quoi enrôler Dzeko ou bien…une armée mexicaine de jeunes pousses.

Le cas de l’attaquant international polonais Robert Lewandowski fait régulièrement la une des magazines germaniques, rubrique transfert. Il est vrai que le BVB a eu la riche idée de prolonger l’ensemble de ses ouailles jusqu’à la Saint-Glinglin (Gündogan est lié jusqu’en 2015, les autres gros actifs du club le sont jusqu’en 2016 au moins). Nous avons déjà eu l’occasion de citer la passe d’armes, pas du tout mouchetée, entre Lothar Matthäus et Uli Hoeness à propos du film "autant on emporte Lewan" mais si l’on décrypte la phrase de "Kalle" Rummenigge, ne peut-on pas aussi imaginer que Lewandowski reste dans la Ruhr jusqu’à la fin de son contrat, en 2014 ?

Et qu’un duo avec Dzeko est alors possible. Irréaliste ? Tiens donc ! Mais à quel poste jouait le Polonais lorsque Lucas Barrios occupait encore la pointe de l’attaque des Borussen, toujours à la limite du hors-jeu ? Oui, celui d’un attaquant de soutien, favorisé par un volume de jeu gigantesque. Et le 2 mars dernier pour le compte de la 24ème journée de Bundesliga contre Hanovre, qui interprétait le rôle du 9 et demi derrière Schieber ? Lewandowski bien sûr ! Avouez que cela serait chouette (tiens un personnage du livre d’Eugène Sue), un quatuor offensif Reus-Lewan-Götze-Dzeko. Les deux K, Kuba et Kevin se retrouvant alors sur le banc. Pour augmenter la qualité de ce dernier, on peut soit acheter des seconds couteaux, soit améliorer l’équipe type.

L’un des grands espoirs du football allemand, Moritz Leitner, 20 ans, s’interrogeait, fin février, sur son avenir dans la Ruhr, un Verein où il souhaitait "poursuivre sa progression" mais que l’arrivée de Nuri Sahin rend caduque. Mayence le courtise. Plus récemment encore, le club d’Hanovre faisait les yeux doux à l’autre petite pépite du Borussia, Leonardo Bittencourt, 19 ans. On envisage des prêts pour les deux joueurs. Comme si le modèle de développement des dernières années de Dortmund, avait vécu. Les jeunes vont-ils encore avoir le temps de s’épanouir ? Avec la réussite actuelle, le BVB doit continuer à croître, les exigences sont plus grandes. Si Sahin n’est pas une réussite, c’est un joueur qui a fréquenté deux grands clubs à l’étranger. Cela compte lors des grands rendez-vous.

Au-delà des noms qui circulent pour l’année prochaine (Dzeko, Diouf, Herrmann, Dragovic, Soares), et un départ toujours possible de Lewandowski, on sent bien le désir du club de la Ruhr de franchir un pallier. Dortmund a maintenant les armes financières pour y arriver. Sa communication brouille les pistes. C’est bien là le dernier mystère à éclaircir.