Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Guardiola, quatre mois pour tromper l'histoire et rejoindre Heynckes

David Lortholary

Publié 22/01/2016 à 08:30 GMT+1

Réussir le triplé Bundesliga-Coupe-Ligue des champions en sachant qu'il quitte le club dans 6 mois, tel est l'immense défi qui attend Josep Guardiola. Au Bayern, le scénario est connu : Jupp Heynckes avait brillamment réussi la mission il y a 3 ans mais d'autres, avant lui, avaient eu moins de succès.

Pep Guardiola

Crédit: AFP

Le parallèle est inévitable. Le chemin du formidable triplé Bundesliga-Coupe-Ligue des champions réussi par Jupp Heynckes, en 2013, avait pour point de départ un stage d'hiver au Qatar. Le Bayern s'y rend chaque début d'année depuis six saisons et 2016 n'a pas dérogé à la règle. Josep Guardiola et ses joueurs ont donc passé une petite semaine à Doha, début janvier, profitant de conditions météorologiques clémentes, réduisant au maximum les temps de transport entre hébergement et terrains d'entraînement, rechargeant leurs batteries et pansant les quelques blessures résiduelles (Ribéry, Bernat, Benatia, Götze) pour les mois de compétition à venir.
En janvier 2013, Heynckes savait qu'il allait quitter le club l'été suivant pour laisser la place à... Guardiola. Les observateurs s'étaient alors interrogés : les Bavarois allaient-ils se démobiliser ? L'entraîneur, sur le départ, saurait-il entretenir leur motivation ? La réponse avait été éclatante : une ambiance euphorique, une équipe déchaînée, carton plein, trois titres dans l'escarcelle dont cette Ligue des champions qui échappait au Bayern depuis 12 ans. En 2014, Guardiola a buté sur la dernière marche avant la finale en s'inclinant lourdement contre le Real Madrid (0-1, 0-3). En 2015, rebelote, défaite en demi-finale contre le FC Barcelone (0-3, 3-2). Pourra-t-il, cette année, imiter Heynckes et partir sur un triomphe ?
picture

Bayern players hoist Jupp Heynckes aloft in 2013

Crédit: Eurosport

"Il te faut le respect des joueurs"

"Don Jupp", ainsi qu'Heynckes est surnommé depuis son passage au Real, a livré son analyse après coup. "Il te faut le respect des joueurs, sans quoi tu n'arrives à rien. C'est une question de sérieux : si celui-ci est garanti, rien ne change dans la relation entre l'entraîneur et son équipe, quelle que soit la situation contractuelle." L'annonce de son départ, pourtant, avait provoqué des remous. Le Bayern avait parlé de "fin de carrière", ce qui n'avait pas plu au coach du tout. Celui-ci avait néanmoins rapidement mis son irritation sous le tapis et conservé l'adhésion, non seulement de ses joueurs, mais de tout son staff et du club entier. La finale de Ligue des champions amèrement perdue la saison précédente à la maison avait, par ailleurs, entretenu un esprit particulier de revanche.
Guardiola semble lui aussi bénéficier de cette adhésion. Franz Beckenbauer regrette certes son départ, se lamentant qu'"on ne retrouvera jamais un tel entraîneur". Chez les joueurs, seul Arjen Robben a exprimé publiquement sa désapprobation à propos de cette décision, mais l'ailier néerlandais maintient son investissement et ne peut être taxé de mutinerie depuis. À l'occasion de son ultime conférence de presse au Qatar, l'entraîneur a évidemment été confronté à la question. "Pouvez-vous rééditer le triplé réussi par Heynckes ?"
La réponse fut digne du personnage : "Les titres, ce sont des chiffres. Le football, c'est de l'émotion. Si le public rentre chez lui content après le match, c'est le plus beau cadeau pour un entraîneur comme moi." Une saillie qui ressemble à un bluff de poker un peu grossier. "Je veux gagner la Ligue des champions, oui, mais il n'y a pas de garantie pour cela", ajouta-t-il, finalement sincère, conscient de son destin, condamné à gagner comme il l'était, déjà, en prenant les rênes en juillet 2013.

"C'est pour nous que nous jouons"

Hélas pour lui – à moins que cela ne lui donne une motivation supplémentaire – les statistiques ne plaident pas en faveur de Pep. À huit reprises, un entraîneur du Bayern a annoncé son départ en avance ; seul Heynckes, ensuite, est parvenu à remporter la Coupe d'Europe dans laquelle le club était alors engagé. Même l'immense Ottmar Hitzfeld, vainqueur du championnat et de la Coupe en 2008 après avoir annoncé son départ le 2 janvier, s'est arrêté cette année-là en demi-finale de la Coupe de l'UEFA. C'est une autre légende, Udo Lattek, qui s'est approché le plus de l'exploit unique d'Heynckes : en 1987, le Bayern, vainqueur de la Bundesliga pour la 3e fois consécutive, s'incline en finale de la Coupe d'Europe des clubs champions face au FC Porto de Rabah Madjer. Lattek, qui s'apprête alors à devenir directeur sportif à Cologne, peut au moins s'enorgueillir de statistiques "à la Pep", avec 11 victoires et aucune défaite en championnat après l'annonce de son départ, en mars.
Au Bayern, l'institution transcende les hommes. Une fois le départ du Catalan rendu public, le capitaine Philipp Lahm a souligné qu'après Heynckes, après Guardiola, un 3e entraîneur de l'élite mondiale de suite allait poser ses valises en Bavière. Sous-entendu : Ancelotti est capable de faire aussi bien que ses illustres prédécesseurs. Idée que le président Rummenigge lui-même avait formulé dès l'automne dernier : "Personne au monde n'est irremplaçable. Les joueurs viennent et s'en vont. C'est aussi valable pour les entraîneurs", avait lâché Kalle. Récemment, Thomas Müller a confirmé : "C'est pour nous que nous jouons." Départ de l'entraîneur ou pas, lui comme les autres chercheront à empiler les titres. Comme d'habitude. En outre, le groupe, largement convaincu du travail fourni par Guardiola, lui restera logiquement dévoué. En balisant l'avenir, le Bayern évite simplement le vide. Comme d'habitude.
Pourtant, même dans ce contexte très organisé, l'impasse peut survenir plus tôt que prévu. Le 29 novembre 1969, Branko Zebec annonce son départ pour la fin de la saison. Il est contraint à la fuite le 13 mars 1970. Le 11 février 1995, Giovanni Trapattoni fait à son tour savoir qu'il quittera le club à l'issue de l'exercice car sa femme veut retourner en Italie. Il part sur une demi-finale de Ligue des champions perdue mais revient un an plus tard. Le 11 avril 1998, il annonce à nouveau son départ, mais remporte cette fois-ci la Coupe avant de s'en aller. Pour Guardiola, il faudrait plus de titres que cela pour un triomphe sans nuage.
picture

Pep Guardiola

Crédit: Eurosport

Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Plus de détails
Publicité
Publicité