Bundesliga / Eintracht Francfort / Au niveau de Neymar et Leo Messi : Randal Kolo Muani, un passeur qui se découvre

C'est l'invité surprise du gotha des passeurs décisifs. A ce stade de la saison, quatre joueurs ont atteint les dix unités dans ce domaine parmi les cinq principaux championnats. Trois sont des spécialistes reconnus depuis des années en la matière : Kevin de Bruyne (11 passes décisives avec Manchester City en Premier League), Lionel Messi et Neymar (10 passes décisives chacun avec le PSG en Ligue 1). Contrairement au Belge, à l'Argentin et au Brésilien, Randal Kolo Muani n'avait jamais particulièrement brillé dans cet exercice. C'est pourtant bien lui qui complète ce quatuor.

Le Français a signé sa 10e passe décisive de la saison samedi, lors de la victoire de l'Eintracht Francfort face à Schalke 04. Il peut remercier Jesper Lindström. Après avoir hérité d'une déviation de l'ancien Nantais au milieu de terrain, sur le côté droit, le Danois a réalisé un rush assez phénoménal pour résister à la défense adverse et venir ouvrir le score en faveur des Aigles. Ce n'était peut-être pas la passe décisive la plus nette de Kolo Muani cette saison. Mais elle restera synonyme d'un record pour l'international français.

Le vice-champion du monde n'a en eu besoin que de 15 matches dans le championnat allemand pour atteindre ce total. Moins que tout autre joueur selon l'organisme de statistiques Opta, qui analyse ce type de données depuis 2003-04. C'est d'autant plus remarquable que Kolo Muani n'est que dans sa première saison en Bundesliga. En quittant Nantes, son club formateur, à l'Eintracht Francfort l'été dernier, le joueur de 23 a aussi découvert un championnat étranger pour la première fois de sa carrière. Il a montré une grande qualité d'adaptation.

Et sa faculté à développer son jeu, rapidement. C'est symbolique qu'il brille par ses passes décisives. En 15 matches de Bundesliga, il en a signé quasiment autant qu'en 79 matches de L1 sous les couleurs nantaises (13). Kolo Muani était davantage perçu comme un buteur avec les Canaris. Sa trajectoire statistique au FCN (9 buts en 2020/21, 12 buts en 2021/22) laissait plutôt penser qu'il allait s'illustrer dans le domaine de la finition dans le championnat allemand. Sa réussite dans la dernière passe ne doit cependant pas faire oublier qu'il a aussi marqué à cinq reprises.

Mais elle prouve surtout que Kolo Muani a su progresser pour être décisif autrement. Sa passe décisive pour Lindström contre Schalke est l'exception qui confirme la règle, car le Danois a réalisé le plus gros du travail. Sur autres, la plupart du temps, Kolo Muani a fait l'essentiel de la différence sur des actions qui transpirent des qualités de l'ancien Nantais : la vitesse, la percussion et le dribble pour fixer la défense avant de servir un coéquipier démarqué sur un décalage, un centre en retrait ou une passe à l'opposée. Avec une lucidité assez remarquable dans ses choix de jeu.

Kolo Muani a ainsi développé un autre moyen pour faire fructifier ses atouts et devenir encore plus décisif. Et il apprécie ce costume de dernier passeur, même si ce n'est pas forcément celui qu'il préfère. "Cela me donne beaucoup de joie quand je peux servir des coéquipiers et qu'ils marquent, disait-il début novembre sur Sport1. Bien sûr, je préfère marquer. C'est plus de plaisir pour moi de marquer que de faire marquer. Mais bien sûr, je le laisserai de côté si quelqu'un est mieux placé dans la situation."

Marquer ou faire marquer, peu importe finalement. Kolo Muani combine désormais très bien les deux, pour le plus grand bonheur de Francfort. Troisième buteur de l'Eintracht derrière Daichi Kamada et Jesper Lindström, meilleur passeur de la formation d'Olivier Glasner, le vice-champion du monde est directement impliqué sur près de la moitié des buts de son équipe en championnat (15 sur 35, soit 42,8%). Aucun autre joueur n'a un tel impact sur les statistiques offensives du dauphin du Bayern Munich en Bundesliga.

Briller avec une nouvelle passe décisive pour son premier match depuis la Coupe du monde est aussi un signe positif. Kolo Muani, l'une des révélations tricolores au Qatar, aurait pu sortir meurtri du Mondial après avoir eu l'occasion de donner le trophée aux Bleus, au bout de la prolongation contre l'Argentine. Il n'a pas du tout donné cette image à son coach. "La Coupe du monde l'a fait progresser dans sa personnalité, il a davantage confiance en lui, a assuré Glasner. Je le trouve plus présent. J'ai l'impression qu'il se lâche." Et l'Eintracht Francfort, à l'aube d'une semaine cruciale qui le verra affronter successivement Fribourg (4e) puis le Bayern (1er), espère bien que sa bonne passe va durer.