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Chérif Ghemmour : "Johan Cruyff était une icône, l’équivalent de Bowie à son apogée"

Cyril Morin

Mis à jour 24/03/2016 à 17:45 GMT+1

Johan Cruyff s’est éteint ce jeudi à l’âge de 68 ans, rattrapé par un cancer du poumon. Véritable icône, il a marqué également le monde du football par sa personnalité hors du commun. Entretien avec Cherif Ghemmour, auteur d'une biographie du joueur : Johan Cruyff, génie pop et despote.

Johan Cruyff avec le maillot de Barcelone

Crédit: Panoramic

Johan Cruyff s’en est allé. Atteint d’un cancer du poumon, le triple Ballon d’Or s’est éteint à l’âge de 68 ans. Pour autant, son apport au football est tel que sa légende continue d’influencer encore les meilleurs entraîneurs actuels. Entretien avec Cherif Ghemmour, journaliste auteur d’une biographie sur le joueur intitulée Johan Cruyff, génie pop et despote (sortie en septembre 2015 aux éditions Hugo Sport).
Triple Ballon d’Or, membre de la Dream Team FIFA, meilleur joueur de la Coupe du monde 1974, Johan Cruyff est l’un des plus grands joueurs de football de tous les temps. Quelles étaient ses caractéristiques sur le terrain ?
Cherif Ghemmour : C’est lui qui a donné naissance, à l’aide de son coach, au concept de "football total". À l’époque, cette philosophie de jeu était un antidote au catenaccio prôné en Europe. Il a révolutionné le football avec son Ajax puis au sein de la fameuse Dream Team de Barcelone. Il savait tout faire, marquer, dribbler… Il avait surtout quelque chose en plus, de nouveau à l’époque, c’était la rapidité. Cet aspect supersonique lui a permis de prendre à revers d’innombrables défenses. Enfin, tactiquement, c’était un vrai général. Il donnait ses ordres à ses coéquipiers et organisait le jeu de son équipe tel un stratège aux échecs.
Pourquoi, au-delà de ses qualités de footballeur, a-t-il autant marqué les esprits ?
C.G : Johan Cruyff, c’est une icône. Aux Pays-Bas, son style rebelle, cheveux longs et cigarettes, a longtemps gêné une société plutôt conservatrice. C’est un joueur qui revendiquait avoir de l’argent et qui savait que le talent se monnaie. C’est l’équivalent d’une rock-star, d’un David Bowie à son apogée. Il a révolutionné certains codes du football moderne.
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World pays tribute to 'Father of the modern game' Johan Cruyff

Crédit: AFP

Lesquels ?
C.G : Il a inventé le foot business. Avant lui, peu de joueurs avaient un agent. Très rapidement, il a décidé de gérer ses affaires de manière professionnelle. Son beau-père est devenu son agent et a négocié chacune de ses apparitions. Il fait des pubs, un 45 tours, un film en 1972 pour accroître son potentiel médiatique et commercial. À l’époque, c’est révolutionnaire.
C’était aussi un joueur connu pour ses coups de sang…
C.G : Oui, c’est l’autre dimension du joueur. C’était un homme de pouvoir, un capitaine intransigeant, qui pouvait paraître hautain ou capricieux. Par exemple, en 1974, alors qu’il est sous contrat avec Puma mais que les Pays-Bas sont liés à Adidas, il va se faire faire un maillot sur mesure, à deux bandes alors que ses coéquipiers avaient les trois de la marque allemande. Mais son aura était telle que personne n’a rien dit. Il était très dominateur, très directif envers ses coéquipiers ou ses joueurs. Il n’a jamais supporté que son autorité soit remise en cause d’où certaines frictions avec les Pays-Bas.
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Johan Cruyff

Crédit: Panoramic

Justement, quelle relation avait-il avec son pays ? Notamment après 1974 où les Pays-Bas brillent de mille feu mais ne remportent pas le Mondial ?
C.G : Au début, il était sur la même ligne que certains grands joueurs néerlandais. Avec des primes de matches ridicules et des joueurs non-assurés, contrairement aux dirigeants, la sélection a longtemps négligé ses joueurs. Cruyff lui-même a fait grève pour dénoncer ces conditions-là. Puis, il a pris le contrôle de l’équipe et s’est imposé en patron. En 1974, il a le pouvoir de refuser la sélection à un joueur. Par exemple, Jan van Beveren, meilleur gardien néerlandais de l’époque, était un joueur du PSV Eindhoven, rival de l’Ajax et avait eu le tort de revendiquer des primes alignées pour tous les joueurs alors que la star avait une prime bien supérieure. Il n’a pas disputé le Mondial 1974…
Quel héritage laisse-t-il aujourd’hui ?
C.G : Il est considérable. D’abord, il y a l’aspect émotionnel. L’Ajax, les Pays-Bas de 1974, la Dream Team : ces équipes sont parmi les plus belles de l’histoire du football. Il y a aussi l’aspect esthétique : raffiné, élégant, ce fameux maillot floqué du numéro 14, ses clopes, ses innombrables photos avec la brassard où il est bras tendu à donner des instructions comme un général de guerre.
D’un point de vue tactique, son héritage est immense. L’Ajax, la Dream Team de Barcelone, c’est tout ça Cruyff. Si Guardiola a tout gagné avec le Barça, il le doit aussi à Cruyff dont il était le fils spirituel.
  • Johan Cruyff, génie pop et despote, Hugo Sport, septembre 2015, 17,5 euros
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