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Pourquoi la Copa Libertadores peut être vue comme supérieure à la Ligue des champions

Thomas Goubin

Mis à jour 12/02/2018 à 18:09 GMT+1

Des parcours qui tournent à l'épopée, des stades à la ferveur inégalable, et une compétition qui reste imprévisible. Loin du monde parfait de la Ligue des champions, la Copa Libertadores a toutefois plus d'un atout charme. En Amérique du Sud, certains osent même clamer sa supériorité...

Gremio fête son titre en Copa Libertadores 2017

Crédit: Getty Images

Le 2 décembre, à Abou Dabi, le vainqueur de la Ligue des champions s'est à nouveau imposé face au champion d'Amérique du Sud. Cette fois, c'est le Real Madrid qui a dominé le Gremio Porto Alegre (1-0). Une courte victoire qui ne disait rien de l'écart de niveau entre les deux équipes. L'année précédente fut encore plus calamiteuse pour le vainqueur de la Copa Libertadores : les Colombiens d'Atlético Nacional avaient été éliminés en demies par les Japonais de Kashima Antlers. Avant, River Plate, face au Barça (0-3), et San Lorenzo, déjà face au Real Madrid (0-2), avaient quitté la pelouse impuissants, contraints de reconnaître que le fossé ne cesse de s'élargir entre les deux continents qui ont écrit les pages les plus glorieuses de l'histoire du football. La dernière victoire sud-américaine au Mondial des clubs remonte à 2012, quand Corinthians avait dominé un Chelsea en crise, alors entraîné par Rafa Benitez (1-0). Dans ces circonstances, comment clamer que la Libertadores est meilleure que la Ligue des champions ?
Cette revendication existe pourtant bien. Elle émane de supporters dont l'attachement à la compétition la plus prestigieuse d'Amérique du Sud n'a pas été entamée par la baisse de compétitivité des représentants de leur continent. Ce qu'ils revendiquent, non sans esprit d'autodérision, c'est sa différence. "Pourquoi la Libertadores est meilleure que la Champion's ?". La réponse est donnée dans des vidéos partagées sur les réseaux sociaux : un match perturbé par la présence d'un chien sur la pelouse, des tribunes qui accueillent les équipes avec assez de fumigènes et de feux d'artifices pour éclairer l'Amazonie, des bagarres générales au coup de sifflet final, ou même, un vestiaire visiteur inondé… Ces moments disparates louent finalement un football de passion, encore populaire, et où l'imprévu a toujours sa place. A l'inverse de la Ligue des champions, la Copa Libertadores n'est pas réservée à une élite, à un club fermé où s'affrontent toujours les mêmes.
Créée en 1960, la Copa Libertadores reste encore aujourd'hui la compétition de toute l'Amérique du Sud, dans sa diversité, comme l'était la Coupe des champions, quand suivre l'ancêtre de la Ligue des champions permettait de se faire une solide culture géographique. En 2016, le petit club équatorien d'Independiente del Valle, au stade de 7500 places, a ainsi éliminé le River Plate de Marcelo Gallardo, tenant du titre, puis le Boca Juniors de Carlos Tévez, en demi-finale. Pour avoir atteint la finale, ce club formateur reçut six millions d'euros, très loin des plus de cinquante millions versés à son homologue européen.
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estadio Libertadores de América

Crédit: Eurosport

Résultat : le club équatorien n'a pu résister aux offres venues de toute l'Amérique du Sud pour ses meilleurs joueurs, et a été éliminé, cette saison, dès le deuxième tour préliminaire. A l'inverse de la Ligue des champions, la Libertadores n'empâte pas, ou alors bien peu, les mieux portants. Pas un hasard alors que les dix dernières finales de la compétition aient été disputées par vingt clubs différents. Car, même ses grands clubs se font piller. Il reste au moins à l'Amérique du Sud l'orgueil d'avoir vu débuter Gabriel Jesus (Palmeiras), Neymar (Santos), ou Falcao (River Plate), sur les champs minés de la Libertadores.
Le Ligue des champions et son épais cahier des charges ne pourra pas, non plus, enlever à la Libertadores sa saveur épique. Quand, par exemple, une équipe doit emprunter ses maillots à l'Argentine U20, avant de se qualifier à 2850 mètres d'altitude. C'était en 2017 : l'Atlético Tucumán, dont les couleurs sont le ciel et blanc, avait dû laisser son équipement officiel en soute suite à l'annulation de son vol pour Quito. Arrivés en retard au stade, les joueurs avaient disputé le match sans s'être échauffés, et avaient seulement évité la disqualification grâce aux bons offices de l'ambassadeur d'Argentine en Equateur. Malgré ces circonstances adverses, les ciel et blanc de Tucumán arracheront leur qualification pour le dernier match préliminaire, et participeront finalement à la phase de poules. La Copa Libertadores est encore un tournoi où le football n'est pas déconnecté de son environnement immédiat, où les stades exigus, les pelouses défraichies, l'altitude bolivienne, la moiteur caribéenne, ou la pression des supporters sur le corps arbitral, jouent un rôle loin d'être marginal.
Mais la Libertadores ne peut être réduite à ce football de débrouille et de passion. Personne n'oserait d'ailleurs revendiquer, même en riant, une supposée supériorité de la Ligue des champions sud-américaine, si ce tournoi n'avait pas sacré le Santos de Pelé, le River Plate de Francescoli, le Flamengo de Zico, le Sao Paulo FC de Rai et Cafu, ou le Boca Juniors de Riquelme. La Libertadores oppose des institutions légendaires dans des stades mythiques (Maracano, Bombonera, Centenario …), et ceux qui la remportent ont conscience de s'inscrire dans une lignée prestigieuse. Pour les footballeurs sud-américains, disputer la Libertadores c'est aussi vivre un moment de communion avec son public à l'intensité difficilement égalable sous d'autres cieux.

Cavani : "J'aimerais disputer la Libertadores"

Alors qu'il occupera la pointe de l'attaque du PSG, mercredi, à Santiago Bernabeu, Edinson Cavani résumait bien ce sentiment quand il a été interrogé sur la perspective de disputer la Ligue des champions sud-américaine avec un club de son pays. "Je pense revenir en Uruguay quand j'aurai 33 ou 34 ans, a-t-il déclaré, début février, au programme uruguayen Sport 890, et j'aimerais disputer la Libertadores car je jouerais avec des footballeurs qui ont la même culture que moi, et je représenterais une équipe de mon pays. Ce serait un beau défi".
A l'opposé de la pyramide des âges, un autre témoignage d'affection a été donné en décembre, par le grand espoir argentin, Lautaro Martinez, annoncé, cet hiver, à l'Atlético Madrid, puis à l'Inter Milan. "Je suis resté car je rêve de jouer la Libertadores avec le Racing", avait-il assuré. Même logique pour l'attaquant de 21 ans, Cristian Pavón, qui ne devrait pas quitter Boca Juniors avant le terme de la présente Libertadores. A défaut d'enrichir ses participants, la Ligue des champions d'Amérique du Sud a conservé une grande valeur sentimentale, d'Uruguay jusqu'en Colombie, en passant par le Pérou ou le Chili.
En 2017, le calendrier de la compétition a évolué. La Libertadores vit d'ailleurs une époque de réformes. Alors que le tournoi se déroulait sur un semestre (février-juillet), sa programmation s'étale désormais sur l'année civile (janvier-novembre). Aussi, les troisièmes de chaque groupe sont désormais reversés en Copa Sudamericana, l'équivalent de la Ligue Europa. Il est, par ailleurs, envisagé d'éliminer la finale en aller-retour, et de la jouer sur terrain neutre. Des réformes évidemment inspirées par le modèle de la Ligue des champions. La référence absolue. Ce qui n'interdit pas de contester son hégémonie, et de clamer, au premier ou au dixième degré, que la Copa Libertadores lui est supérieure.
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Copa Libertadores 2017: il difensore del Nacional Montevideo Diego Polenta (Getty Images)

Crédit: Getty Images

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