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CAN - Cameroun - Comores - D’un tournoi inter-quartier Marseille à la CAN : L’incroyable histoire des Comores

Martin Mosnier

Mis à jour 24/01/2022 à 18:27 GMT+1

CAN - Pour leur première participation à la Coupe d'Afrique des Nations, les Comores affrontent ce lundi le grand Cameroun en 8e de finale. Une issue inespérée pour un pays qui n'avait pas de sélection nationale il y a encore 16 ans. Mais grâce à la diaspora et à Marseille, les Cœlacanthes, surnom de l'équipe, se sont faits une place dans le gratin du football africain. Voici leur histoire.

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C'est une histoire folle démarrée au complexe de Fontainieu dans les quartiers nord de Marseille en 2006 et qui n'en finit plus de s'étirer, à 7000 kilomètres, au Cameroun. C'est l'histoire insensée d'un minuscule pays, longtemps ignoré par la FIFA, ignoré par les manuels scolaires, devenu l'une des 16 meilleures sélections du continent africain en ce mois de janvier 2022. Cette histoire, c'est celle des Comores. Pour sa première participation à la CAN, ce territoire de 900 000 âmes affrontera le pays hôte, l'immense Cameroun, poids lourd aux cinq CAN et aux sept participations à la Coupe du monde, ce lundi en 8e de finale. Touchée par le Covid, la sélection ne sait pas encore si elle pourra aligner un gardien valide pour le jour le plus important de son histoire.
La FIFA n'a reconnu les Comores, minuscules confettis de l'Océan Indien indépendants depuis 1975, qu'en 2005 et, pour sa sélection, tout a débuté lors d'un tournoi inter-quartiers à Marseille. C'est là que les Cœlacanthes, le surnom de l'équipe nationale, qui le tient d'un poisson à nageoires charnues, puisent les racines de leur aventure unique. Il y a 17 ans, dans la cité phocéenne, une équipe formée de joueurs issus de la diaspora comorienne jette les bases de la sélection avec Hamada Jambay ou Kassim Abdallah qui forment ce qui s'appelle alors la "Team Comores". Pourquoi Marseille ? Parce que la grande majorité des Comoriens de France vivent entre ses murs, ils sont près de 100 000 aujourd'hui.

Maillots de l'OM, Bordeaux ou Milan à l'entraînement : "On passe pour des charlots"

"Sans Marseille, la sélection des Comores n'existerait pas. Avant 2005, l'équipe nationale ne fait que des matches amicaux régionaux contre Madagascar, l'Ile Maurice ou la Réunion, rembobine Ben Amir Saadi, manager général de la sélection entre 2013 et 2019. A partir de 2006, on se retourne vers la diaspora qui constitue la richesse de notre pays." Cinq ans plus tard, le 11 août 2010, à Fos-sur Mer, la sélection, dirigée alors par Manu Amoros, dispute son premier match officiel face au FC Istres. Cette équipe va amorcer le mouvement et participer aux éliminatoires de la CAN 2012. "On joue alors contre la Libye mais j'ai honte car nos joueurs n'ont pas d'équipements et s'entraînent avec des maillots du Milan, de Bordeaux ou de Marseille. On passe pour des charlots", se souvient celui qui suit alors son pays en tant que journaliste. Entre les périodes d'éliminatoires pour la CAN, la Fédération n'a pas les moyens d'organiser des matches amicaux.
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Les Comores réalisent l'exploit face au Ghana

Crédit: Getty Images

En 2014, le destin de la sélection bascule. A la recherche d'un sélectionneur, Ben Amir Saadi tombe sur un article de Sud-Ouest qui vante les mérites d'un entraîneur de DH d'origine comorienne, Amir Abdou, qui pose de suite un cadre et professionnalise l'équipe. "Mais la Fédération ne peut alors le payer qu'à la mission. Le problème c'est qu'il est employé municipal et liquide tous ses jours de congés pour être aux rassemblements internationaux", se souvient Saadi. L'histoire démarre difficilement et personne ne peut alors imaginer Amir Abdou, alors coach de l'Entente Golfech-Saint-Paul, sur le banc des Comores en 8e de finale de la CAN huit ans plus tard. Mais un match, non loin de Marseille (à Martigues), va faire bouger les lignes.

Bakar, Ahamada, Abdallah : l'appel d'air de 2014

Le 13 mars 2014, les Comores affrontent en amical le Burkina Faso et regardent dans le blanc des yeux le vice-champion d'Afrique (1-1). Un tournant dans l'histoire de la sélection et ce match agit comme un appel d'air. Dès lors, tout se met en place. Pour la première fois de l'histoire, ce jour-là, un joueur professionnel, Chaker Alhadhur, alors au FC Nantes, enfile le maillot des Comores. "Tous les équipementiers nous refusaient, Adidas voulait nous faire payer, le Wati B, alors sponsor de Montpellier, estimait qu'on manquait de visibilité, continue Saadi. Alors, on crée notre propre marque pour les Comoriens, Manaa Sport, pour faire un peu de merchandising. En 2015, un groupe, une sélection et un équipementier sont nés : les Comores ont enfin la pleine conscience de leur sélection."
L'Etat commence à financer l'équipe qui lui sert de vecteur de communication. La sélection comorienne est sur les rails. Des joueurs de Ligue 1, issus de la diaspora, Djamel Bakar, Ali Ahamada, Kassim Abdallah, portent régulièrement le maillot des Comores qui n'ont plus à rougir de leur niveau face aux grandes sélections africaines. Le plus dur ne fut sans doute pas de les convaincre mais de créer les conditions propices à leur arrivée en sélection.
En ce mois de janvier, pour la première CAN de leur histoire, les Comores affronteront le grand Cameroun ce lundi en 8e de finale. Pour Ben Amir Saadi, le symbole est immense. Lui qui, plus jeune, s'était fait exclure de son établissement scolaire pour avoir ajouté au feutre dans un manuel scolaire quatre points sur une carte pour matérialiser les Comores. "Avant, quand nous disions qu'on venait des Comores, on nous répondait toujours : "Quoi ? Le Cameroun ?" Aujourd'hui, quand je vois des minots à Marseille porter le maillot de la sélection, mon coeur devient un volcan. Cette CAN vaut dix Coupes du monde pour nous…" Et plus personne ne peut ignorer les Comores.
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