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Coupe de France : Nantes et la malédiction des finales contre les gros

Laurent Vergne

Mis à jour 07/05/2022 à 14:27 GMT+2

COUPE DE FRANCE - La Coupe de France a ses têtes. Celle du FC Nantes ne lui revient pas. Certes, le club des bords de l'Erdre a soulevé trois fois le trophée, mais à chaque fois via une finale contre un adversaire n'évoluant pas dans l'élite. Chaque fois que les Canaris ont croisé le fer face à un rival de première division, l'affaire s'est mal terminée, entre frustrations et naufrages complets.

Le FC Nantes et les finales, pas toujours une histoire d'amour. (Visuel Marko Popovic)

Crédit: Eurosport

1966 : un doublé tombe à l'eau

Le contexte
En ce milieu des années 60, Nantes s'impose comme une nouvelle place forte du football français. Le club décroche ses deux premiers titres de champion de France en 1965 puis 1966. Cette année-là, le FCN rêve même du doublé. Après un huitième de finale gagné miraculeusement et en deux matches contre le Red Star, les Jaunes décident de lancer ce qui deviendra une tradition : tant qu'ils sont en course, ils ne se rasent pas ! La finale les oppose au RC Strasbourg, dans l'ancien Parc des Princes. Les Canaris de Gondet, Eon, Simon, Blanchet, Budzinski et Suaudeau sont archi-favoris.
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L'équipe du FC Nantes en finale de la Coupe de France 1966.

Crédit: Getty Images

Le match
Pourquoi le FC Nantes a-t-il historiquement aussi peu brillé dans les finales de Coupe de France ou sur la scène européenne ? Pourquoi y a-t-il souvent buté sur des équipes moins fortes ? Parce qu'il a (ou avait, avant de perdre toute identité au XXIe siècle) les défauts de ses qualités. Le jeu à la nantaise ne possède pas toujours l'instinct du combat. Ce qui fonctionnait à merveille sur la durée d'un championnat se heurtait à une autre réalité dans une finale, toujours un rendez-vous pas comme les autres.
Face à Strasbourg, l'équipe de José Arribas pense réciter son football comme d'habitude. Mais l'engagement physique des Alsaciens sied mieux à l'événement du jour que l'élégance nantaise. Une finale n'est pas un concours de beauté. Dans leur malheur, les Nantais perdent leur piston Ramon Muller à la demi-heure de jeu. Le remplacement d'un joueur entrera en vigueur en... 1967. Nantes va donc jouer à 10 pendant une heure. A la 60e minute, le défenseur Pierre Sbaiz inscrit un des deux seuls buts de sa carrière strasbourgeoise pour envoyer le RCS au paradis.
"La foule criait 'Nantes !, Nantes !' et le sport lui a répondu Strasbourg, écrit L'Equipe. La Coupe de France ne s'est pas donnée à l'équipe la plus agréable à regarder mais à celle qui a su saisir au Jour J la victoire aux cheveux. Ce n'est ni moral ni injuste. C'est de la morale et de la justice sportives."
En réalité, Nantes s'est vu trop beau, comme l'avouera Gilbert Le Chenadec : "Nous étions tellement favoris que nous avons eu du mal à nous concentrer sur le match. Tout le monde nous répétait sans cesse que nous allions gagner haut la main et nous avons fini par le croire."
Le héros malheureux
Ramon Muller, donc. A la 30e minute, l'Argentin s'est écroulé. Un claquage. Il tente de continuer jusqu'à la mi-temps mais doit se rendre à l'évidence. Il quitte la pelouse en larmes. Il avait promis à son fils de neuf ans, Oscar, de lui ramener le trophée. Oscar suivra les traces paternelles et portera à son tour les couleurs nantaises pendant neuf saisons. Et il vengera papa en gagnant la Coupe.

1970 : humiliés

Le contexte
La finale 1970 oppose les vainqueurs des six derniers titres de champion de France. Mais si Saint-Etienne, fraîchement sacré pour la quatrième fois consécutive, est au sommet, le FC Nantes patauge. Après son double sacre en 1965 et 1966, il est rentré dans le rang : 7e en 1968, puis 10e les deux saisons suivantes.
La rupture entre le public de Marcel-Saupin et son équipe est totale en ce printemps 70. Lors de la demi-finale retour contre Valenciennes, si Nantes se qualifie, la foule siffle après une bouillie de match et hurle même "VA à Colombes !". Le contexte n'est pas simple à vivre pour un groupe en proie au doute. Alors, si l'affiche de cette finale est belle sur le papier, elle est surtout déséquilibrée. Le match le sera plus encore.
Le match
Les Canaris font illusion une grosse vingtaine de minutes. Puis Parizon, servi par Bereta sur un centre en retrait parfait venu de la gauche, ouvre le score. A cinq minutes de la mi-temps, le passeur Bereta se meut en buteur. En seconde période, l'inévitable défaite tourne à la déroute. A l'humiliation, même. Un coup de tête de Robert Herbin puis un doublé de Hervé Revelli portent le score à 5-0. Jamais une équipe n'avait pris une telle raclée dans une finale de Coupe de France. C'est une des défaites les plus marquantes de l'histoire du club.
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1970 : Georges Bereta et les Verts laminent les Canaris.

Crédit: Getty Images

Le héros malheureux
Jean-Michel Fouché. Un cauchemar pour le portier nantais, premier témoin de la supériorité stéphanoise dans cette finale. Ce match, c'était pourtant sa chance. Fouché a dû attendre la saison 1968-69 pour enfin devenir titulaire chez les Jaunes, pile au moment où le club rétrograde dans la hiérarchie. Et il quittera le FCN en 1972 pour laisser la place à Jean-Paul Bertrand-Demanes, juste avant que les Canaris ne redeviennent champions de France...

1973 : Nantes puni par sa morgue

Le contexte
La troupe de José Arribas a retrouvé de sa superbe. En 1973, elle va chercher son troisième titre de championne de France. Mieux, Nantes rêve du doublé depuis un sensationnel exploit en quarts de finale de la Coupe. Battus 2-0 à l'aller à Geoffroy-Guichard, les Canaris s'imposent 5-1 au retour. Didier Couécou, auteur d'un doublé, tient alors une improbable promesse lancée après la première manche : "Si nous nous qualifions, je rentrerai au vestiaire à genoux". Exploit mémorable, image improbable.
Le match
Comme face à Strasbourg sept ans plus tôt, les Nantais débordent de confiance. La leçon alsacienne n'a pas suffi. "J'ai gagné la Coupe avec l'OM l'an dernier, je vais la conserver", clame Couécou. "Evidemment que nous allons gagner, tonne Erich Maas. Vous voulez combien de buts ? Trois ou quatre ?"
Le champion de France n'en marquera qu'un seul et en prendra deux. Le premier sur penalty. Le deuxième est entaché d'un hors-jeu et d'une main de Bernard Lacombe. "Je pensais que l'arbitre allait siffler mais il n'a rien dit alors j'ai continué", raconte l'avant-centre des Gones. Non, monsieur Wurtz n'a rien vu. Il s'excusera le lendemain auprès des Nantais.
Mais si les événements leur ont été défavorables, le constat demeure implacable. Les Nantais sont encore passés à côté de leur finale. Petite finale, et tout petit FC Nantes. Après ce troisième échec, on commence à parler à la Jonelière d'une "malédiction de la Coupe". Elle sera brisée en 1979, année du premier des trois titres du FCN dans la compétition, face à Auxerre, pensionnaire de D2...
Le héros malheureux
Henri Michel. Devenu à la fois le leader, le capitaine et le pion essentiel du collectif, le milieu de terrain est la grande incarnation du jeu nantais des années 70. Chargé brutalement en première période par le Serbe Dabrivoje Trivic, Michel se relève péniblement. Blessé à la cuisse, il va s'accrocher et restera sur le terrain mais ne sera que l'ombre de lui-même, sans jamais peser sur cette finale. Or, quand Henri Michel boîte, c'est tout Nantes qui avance de travers.

1983 : la symphonie ​inachevée

Le contexte
Si la génération 1995 a marqué durablement les esprits, Jean-Claude Suaudeau a toujours considéré que la cuvée 1983 était la plus aboutie dans le compromis qualités techniques - maîtrise collective - sens tactique. Pourtant, une double page s'est tournée avec l'arrivée sur le banc de "Coco" et la fin de carrière de joueur de Henri Michel, taulier de la maison jaune depuis seize ans. Cette saison 1982-83 aurait dû être celle de l'incertitude, surtout après une décevante 6e place lors de l'exercice précédent. Ce sera celle de tous les triomphes.
Nantes surclasse la concurrence en championnat et termine avec dix longueurs d'avance (avec la victoire à deux points). L'équipe n'a pas de faille. Le quatuor offensif Touré - Amisse - Baronchelli - Halilhodzic martyrise la France entière. L'assise défensive, avec Bertrand-Demanes, Bossis, Rio, Tusseau ou Bibard, n'a rien à lui envier. Une fois de plus, les Jaunes se retrouvent en position de faire le doublé. Même si le PSG est tenant du titre et joue dans son antre, le club parisien fait figure d'outsider face à l'ogre du 44.
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Safet Susic face à Seth Adonkors. le premier soulèvera le trophée, le second sera expulsé.

Crédit: Getty Images

Le match
La finale PSG - Saint-Etienne de 1982 avait été épique. Le dernier match de Platini en France avant son départ à la Juve, l'égalisation de Rocheteau à la 120e minute, Borelli qui embrasse la pelouse, la première séance de tirs au but dans une finale de Coupe et, à l'arrivée, le premier trophée d'importance du club de la capitale. Celle de 1983 va également rester dans les mémoires, pour des raisons plus esthétiques. C'est un joyau de match. Et un sacré chassé-croisé.
Paris ouvre le score dès la 4e minute sur un coup franc de Pascal Zaremba. Nantes vire ensuite en tête à la pause grâce à des buts de Baronchelli et, surtout, José Touré. Puis, en seconde période, Safet Susic, d'une merveille de frappe du droit et Toko à dix minutes de la fin inversent la tendance. Le PSG conserve sa Coupe, Nantes manque encore son doublé, qu'il ne réalisera jamais.
Le FCN a perdu pour deux raisons : Georges Peyroche, l'entraîneur parisien, a parfaitement bridé Loïc Amisse en lui collant Franck Tanasi en chien de garde. Surtout, les Nantais se sont battus eux-mêmes. "On était peut-être trop forts", résumera Maxime Bossis. C'était dit sans vanité aucune. Pas le genre du grand Max. Dans sa bouche, c'était un constat. Les Canaris ont péché par excès de confiance. Encore.
Le héros malheureux
José Touré. C'est l'unique finale de Coupe de France de sa carrière. Il l'a donc perdue, non sans laisser une empreinte indélébile avec ce but venu d'ailleurs, justifiant son surnom : "Le Brésilien". Juste avant la pause, sur un ballon aérien, Touré contrôle de la poitrine, enchaîne deux jongleries diaboliques du pied droit pour mystifier ses deux gardes du corps avant de tromper Dominique Baratelli du gauche. Un des buts le plus célèbres de l'histoire de l'épreuve, de ceux qui résistent à l'érosion du temps.

1993 : un naufrage et trois rouges

Le contexte
En proie à de graves difficultés financières, le FC Nantes devient à l'été 1992 le FCNA et doit dégraisser son effectif pour renflouer les caisses. Le club mise sur ses jeunes, contraint et forcé. Ce sera sa chance. Une génération exceptionnelle émerge, celle des Karembeu, Loko, Makelele, Ouedec, Pedros ou Ferri. Tous finiront en équipe de France. Nantes, avec Jean-Claude Suaudeau à la baguette depuis le banc, retrouve son ADN. L'équipe brille de mille feux, décroche le titre honorifique de champion d'automne avant de terminer à la 5e place. Cerise sur le gâteau, la finale de Coupe de France contre le PSG, au Parc.
Le match
Dix ans après le bijou de la finale 1983, tout le monde attend beaucoup de ces retrouvailles. Trop, sans doute. Le PSG, en train de se muer en machine à gagner, n'a pas les intentions et Nantes n'en a plus les moyens. Les héros sont fatigués. "Nous n'avons plus les moyens physiques qui nous permettraient de nous en tenir à nos principes du début de saison. Nous sommes obligés de jouer plus près de notre but", regrette Suaudeau. La suspension du maître à jouer Japhet N'Doram n'arrange rien.
Sous une pluie battante et une grisaille dignes de novembre, le match est sans intérêt. A la pause, le score est toujours vierge, mais tout bascule juste après la reprise. Christian Karembeu commet une faute (légère) sur Laurent Fournier. Penalty. Le Kanak craque alors en bousculant l'arbitre, Rémy Harrel. Carton rouge. Suprême cruauté, c'est Antoine Kombouaré, l'ex-Nantais et Néo-calédonien comme Karembeu, qui transforme la sentance (répétition penalty). Ginola et Roche parachèvent le succès parisien et les Canaris boivent le calice jusqu'à la lie avec deux autres expulsions, celles de Vulic et Lima. Un naufrage total.
Le héros malheureux
Simple à dénicher. Premier membre de cette génération surdouée à goûter à l'équipe de France, Christian Karembeu a condamné malgré lui le FCNA dans cette finale. "J'avais rêvé d'une belle fête, j'ai vécu un cauchemar, dit-il. J'ai pénalisé mon équipe et je suis triste pour mon club, pour mes amis, pour ma famille. Je n'en veux pas à l'arbitre. Il a jugé d'une façon, c'est comme ça. Mais moi, je sais qu'il n'y avait pas faute alors dans mon crâne, les sentiments se sont bousculés et j'ai craqué." Il écopera de six mois de suspension, ramenés à trois.
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