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Coupe du monde 2014 : la Bosnie s'est éliminée toute seule contre le Nigeria (1-0), analyse

Loïc TREGOURES

Publié 22/06/2014 à 23:18 GMT+2

Certes pénalisée par l'arbitrage, la Bosnie a surtout été battue par le Nigeria (1-0) en raison des choix incompréhensibles de Safet Susic. Loïc Trégoures les analyse.

Safet Susic, 2014

Crédit: Panoramic

Samedi, la Bosnie a perdu contre le Nigéria, une défaite qui précipite son élimination du Mondial avant même son dernier match. Pourtant, l’optimisme était de rigueur après la courte défaite concédée contre l’Argentine (2-1) tant les Bosniens avaient affiché un visage collectif séduisant. On se disait que la qualification était proche avant même d’avoir joué, et qu’au pire un nul contre les Nigérians suffirait à condition de battre l’Iran ensuite. On donnait déjà rendez-vous à la France avec gourmandise vu la leçon infligée aux Bleus au Stade France en 2011.
Tous ces calculs ont volé en éclat, et la Bosnie ne peut s’en prendre qu’à elle-même. La moindre des choses, quand on dispose d’une équipe capable de passer le premier tour, et qu’on ne le fait pas, est d’essayer d’en analyser les causes.

Avec des si, la Yougoslavie existerait encore...

Si Thierry Roland était là, il demanderait à Jean-Michel Larqué s’il n’y avait pas autre chose qu’un trio d’arbitres néo-zélandais pour arbitrer un match de football. A croire que les arbitres, après avoir pénalisé la Croatie contre le Brésil, ont une dent contre les Balkans. Oui, le but de Dzeko était parfaitement valable. Il existe des situations difficiles à juger pour un arbitre de touche, celle-là n’en était pas une. On saluera au passage le fair play des Bosniens, qui n’ont pas protesté. Sur l’action qui mène au but, certains arbitres auraient sifflé faute sur Spahic, d’autres non, l’autre arbitre assistant était idéalement placé mais il n’a pas semblé voir qu’Emenike accrochait les jambes du capitaine bosnien.
Si on reste à un premier degré d’analyse, on peut aussi regretter le manque de réalisme de Dzeko, qui a manqué un face-à-face en première période, et raté sa frappe à la dernière seconde face au gardien. S’il ne tope pas son ballon, elle va au fond, et la Bosnie joue sa qualification contre l’Iran. Mais avec des si, la Yougoslavie existerait encore et elle gagnerait le Mondial sans problème.
Il faut donc aller chercher plus loin les raisons de cette défaite. Même si Dzeko a manqué de réalisme, et que les hommes en noir ont directement influencé le résultat du match, il ne faut pas, comme Safet Susic l’a fait après la rencontre, se cacher derrière eux, ni derrière la chaleur ou le mauvais état du terrain. Disons-le nettement, Susic est le premier responsable de ce qui est arrivé.

Susic est le principal responsable

Dans un précédent post, on avait expliqué en quoi la Bosnie avait abandonné sa stratégie d’attaque à outrance, et avait fini par trouver un meilleur équilibre pour protéger sa défense, son gros point faible. Cela a parfaitement fonctionné contre l’Argentine, grâce à la très grosse activité de Muhamed Besic, la vingtaine, qu’un club français serait très avisé de recruter avant que les Anglais et les Allemands ne viennent le sortir de Hongrie.
Et puis la feuille de match est arrivée, et avec elle l’effroi sur les visages de tous les suiveurs des Zmajevi. En vérité, si on prend les onze joueurs qui ont démarré le match, il n’y a qu’une erreur de joueur, et une erreur de placement, les deux allant de pair. On peut se dire que ce n’est pas grand-chose, en réalité c’est fondamental, et c’est comme ça que la Bosnie a perdu son match.
Le débat porte sur la titularisation sur le flanc gauche de la défense de Senad Lulic, très bon milieu de couloir de la Lazio Rome, et de Zvijezdan Misimovic en tant que milieu gauche. Il y a trois choses à dire sur ce choix. D’abord, Lulic, comme Salihovic d’ailleurs, sont de mauvais latéraux, ils montent beaucoup, défendent mal, et sont lents. Ensuite, Misimovic n’est pas un joueur de couloir et ne l’a jamais été. Lui aussi est beaucoup trop lent pour ça, d’autant qu’il est en pré-retraite en Chine depuis plusieurs années. Sur le terrain, il n’a donc jamais été l’alter ego d’Hajrovic, on l’a vu dans la même zone axiale qu’un Pjanic a occupé tout en étant positionné trop haut et pourtant magnifique de justesse.

Le sort étrange réservé à Sead Kolasinac

Conclusion, le côté gauche était dégarni, ce que tout le monde savait dès l’annonce de la composition d’équipe, tout le monde sauf Susic. Comment s’étonner ensuite que Spahic, déjà fébrile sur plusieurs interventions, soit dépassé à force de jouer pour deux derrière. Il faut revoir les images de Lulic revenant comme il peut pour défendre sur chaque perte de balle offensive, et voir comment l’équipe est coupée en deux dès la première mi-temps sur les contres, en défendant à six maximum. Invraisemblable. Les Nigérians l’ont très bien compris, et l’immense majorité de leurs attaques, y compris le but, sont passées par ce côté gauche bosnien.
Mais ce qui est encore plus incompréhensible, c’est que Susic disposait sur le banc de Sead Kolasinac. Les suiveurs de la Bundesliga savent qu’on parle là d’un des meilleurs jeunes du championnat, qui jouait dans les sélections de jeunes d’Allemagne, et qui a choisi de représenter le pays de ses parents. Un spécialiste du poste, qui est inexplicablement resté sur le banc pendant que son couloir prenait l’eau de toute part. Quand on voit que l’Allemagne n’a pas de latéraux, on se met à la place de Kolasinac un instant : il y avait la place sportivement pour jouer avec l’Allemagne maintenant ou dans deux ans, et il y a renoncé pour être remplaçant dans un match perdu précisément parce qu’il ne l’a pas joué. Difficile de faire plus rageant.
Il suffisait donc de changer deux joueurs et un placement : Kolasinac latéral gauche, Lulic replacé milieu gauche, et Misimovic sur le banc. A quoi tient un équilibre ? Cela parait peu de choses, et pourtant c’est énorme. La Bosnie n’a déjà pas de réservoir de joueurs, si en plus on laisse ses meilleurs éléments sur le banc, autant arrêter de jouer tout de suite !

Des choix de remplacement plus suspects les uns que les autres

Le banc, parlons-en ! La sortie de Hajrovic pour Ibisevic a privé la Bosnie du seul joueur capable d’écarter le jeu, et accessoirement, de centrer. Puis Salihovic, qui est lent, et n’est pas un latéral non plus, a remplacé Lulic poste pour poste. On cherche encore les raisons d’un tel choix. Enfin, pour aller au bout de l’ineptie, Susic a fait entrer son propre neveu, qui n’est même pas titulaire indiscutable au Hajduk Split !
La Bosnie avait axé sa préparation sur l’équilibre en sacrifiant Ibisevic pour faire entrer un milieu supplémentaire qui protège la défense, et faire reculer Pjanic d’un cran à la manière de Modric. Toute cette préparation, tous ces efforts ont été réduits à néant avant même le coup d’envoi du match par cette composition d’équipe absurde, qui en aurait pris six contre n’importe quelle équipe physiquement au point et un peu douée en contre-attaque.
Car le pire est là. Le Nigeria n’était pas supérieur, loin de là. Il a finalement peu profité des boulevards bosniens (et il faut rendre ici hommage à Toni Sunjic, pas plus rassurant que Senderos ou Djourou en temps normal mais qui a tenu la baraque dans l’axe sans même parler de l’excellent Begovic dans les buts). Ce n’est pas ce Nigéria très prenable qui a gagné ce match, c’est Susic qui l’a perdu. Il démontre par l’absurde qu’un coach a réellement de l’influence sur les résultats de son équipe. On le savait déjà après avoir observé Igor Stimac saboter totalement l’équipe croate pendant deux ans avant qu’il ne soit viré in extremis avant les barrages. Mais hier soir, Susic a fait encore plus fort.
La chaleur, le terrain, les arbitres, tout cela ne sont que des excuses, et on espère que Susic, en légende qu’il est, aura l’honnêteté intellectuelle d’admettre, au moins au fond de lui, que c’est lui qui a conduit la Bosnie au suicide tactique et in fine à l’élimination, les arbitres n’ont fait que pousser le tabouret d’une équipe qui avait déjà la corde au cou dès la première minute de jeu.
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Vincent Enyeama, le gardien du Nigeria, lors du match de Coupe du monde face à la Bosnie.

Crédit: AFP

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