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Mondial des clubs : Ricardo La Volpe, inspirateur de Pep Guardiola, défie le Real Madrid

Thomas Goubin

Mis à jour 15/12/2016 à 09:49 GMT+1

MONDIAL DES CLUBS - Entraîneur de l'América Mexico, l'Argentin Ricardo La Volpe, 64 ans, a promis de donner du "tiki-taka" au Real Madrid, jeudi en demi-finale du Mondial des clubs. Une manière de rappeler la filiation qui lie ce grand stratège excentrique et peu connu en France, à Pep Guardiola.

Ricardo La Volpe, entraîneur de Club America

Crédit: AFP

Si vous avez suivi le Mondial 2006, vous vous souvenez sans doute de ses cravates à dragons qui pendaient sous son bouc épais. Ricardo La Volpe était alors sélectionneur du Mexique. Et en huitièmes de finale, "El Tri" avait pris l'Argentine à son propre jeu, en gagnant la bataille de la possession face à une équipe qui excellait pourtant dans l'art du "toque", comme venait de l'illustrer son but du bout du monde inscrit face à la Serbie.
Après avoir malmené Riquelme et consorts, le Mexique avait toutefois vu ses espoirs fusillés par une volée d'extra-terrestre de Maxi Rodriguez lors de la prolongation. Malgré la défaite, cette prestation, sans doute la meilleure de l'histoire du Tri en Coupe du monde, n'était pas passée inaperçue. Dans les colonnes du quotidien El País, un éditorialiste avait notamment signé une tribune élogieuse. Son nom : Pep Guardiola, le totem du Barça, l'homme qui a tant fait souffrir le Real Madrid, que l'America Mexico, entraîné par La Volpe depuis la fin septembre, défiera jeudi matin, à Yokohama.
Guardiola connaissait déjà bien le travail de La Volpe avant le Mondial. Les six derniers mois de sa carrière, il les a d'ailleurs passés au Mexique, aux Dorados Culiacan, un petit club qui lutte pour ne pas descendre. L'amitié qui le lie à l'entraîneur espagnol Juan Manuel Lillo a convaincu le Catalan de faire un dernier tour de piste en plein fief narco. Souvent blessé, Guardiola n'est pas loin d'officier comme un véritable adjoint au Mexique, et profite de chaque occasion pour parfaire son apprentissage d'entraîneur. Depuis Culiacán, le Catalan s'intéresse de près au travail du sélectionneur du Mexique depuis 2002.

L'art de la relance

Les phases de relance propres et audacieuse d'El Tri l'interpellent particulièrement. Voilà ce qu'écrira Guardiola dans les colonnes d'El País lors du Mondial 2006 : "Ricardo La Volpe, argentin et sélectionneur mexicain, ne se contente pas d'amorcer une relance en jouant, ce qui consiste à se passer le ballon sans véritable intention entre défenseurs avant de le balancer. La Volpe, lui, oblige ses joueurs à autre chose. Il les oblige à relancer en jouant, c'est-à-dire que joueurs et ballon avancent ensemble (...) et doivent sortir ensemble, comme un véritable couple".
Guardiola apprécie notamment de voir les latéraux se positionner au niveau de la ligne médiane dès l'amorce de relance, et devenir ainsi de véritables milieux excentrés, tandis que les centraux se postent chacun à un angle de la surface pour occuper la largeur du terrain. L'idée est de passer la zone de pressing des attaquants adverses en avançant avec le ballon pour créer de la supériorité plus haut sur le terrain. Dans ce schéma, le milieu défensif, ou le troisième central dans le 5-3-2 cher à La Volpe, vient occuper la zone axiale de la défense, pour offrir une solution si les deux centraux sont pressés.
Une fois sur le banc du Barça, Guardiola misera rarement sur une ligne de cinq comme La Volpe, mais ses phases de relance où le milieu défensif venait se glisser entre les deux centraux étaient clairement influencées par les principes de l'Argentin, comme il le reconnaîtra. "Au Mexique, je me suis notamment inspiré de la relance à trois de La Volpe, avait-il déclaré en 2013, lors d'une conférence donnée à Buenos Aires, de la manière dont il a joué face à l'Argentine au Mondial, en dominant le jeu, même s'ils finiront par perdre sur ce but de Maxi Rodriguez ..."
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Pep Guardiola Pique Barcelone Milan

Crédit: AFP

Un courant de pensée... mais un palmarès quasi vierge

La Volpe et Guardiola se rejoignent dans leur volonté de gagner avec la manière, mais aussi dans le travail d'orfèvre effectué à l'entraînement. Toujours dans les colonnes d'El País, le Catalan relevait d'ailleurs que l'Argentin faisait répéter ses défenseurs jusqu'à épuisement, jusqu'à atteindre la perfection. Pour ne pas s'exposer à une interception meurtrière, la relance dite "lavolpienne" demande effectivement beaucoup de travail, mais aussi de la qualité technique, comme celle de Rafa Marquez, par exemple, trait d'union entre la sélection mexicaine et le Barça de Guardiola, au sein duquel il a évolué jusqu'à la fin 2009.
Reconnu pour être un tacticien hors-pair, Ricardo La Volpe a même enfanté un courant au Mexique : l'école lavolpista. Quand Guardiola évoluait aux Dorados Culiacan, il reconnaissait d'ailleurs chez certains des entraîneurs adverses l'application de la philosophie de l'Argentin. Pourtant, que ce soit dans sa Patrie d'adoption, où il a effectué la quasi-totalité de sa carrière sur les banc, ou en Argentine, où il s'est offert une parenthèse quand sa cote était au plus haut au terme du Mondial 2006, "El Bigotón" (le moustachu) est loin de faire l'unanimité. En cause, notamment : son palmarès rachitique. Deux titres en 33 ans de carrière : champion du Mexique 1993 avec Atlante, et une Gold Cup 2003 raflée avec le Mexique. Bien maigre pour un entraîneur qui a dirigé les meilleurs équipes mexicaines (Chivas, América, Rayados, Toluca ...).
En Argentine, son passage bref et manqué à Boca Juniors l'a marqué au fer rouge. A la tête d'un groupe qui ne cessait de gagner, La Volpe a tenu à faire sa révolution culturelle. Un peu comme Guardiola lors de ses premières semaines au Bayern… ou à City. Ligne de cinq, relance propre, entraînements XXL. Certains cadres de Boca n'ont jamais digéré le traitement de choc, et le lui auraient fait payer en fin de championnat, alors qu'un point sur les deux derniers matches suffisait à Boca pour être sacré champion. A 54 ans, La Volpe venait sans doute de laisser passer sa dernière chance de voir sa carrière prendre une nouvelle dimension. Depuis, il ne cesse de revendiquer des succès sans titre, comme d'avoir vu six joueurs mexicains partir en Europe après le Mondial 2006.

Un personnage mystique

Autoritaire, se moquant des statuts, l'entraîneur argentin le reconnaît aujourd'hui : son relationnel avec ses joueurs est son talon d'Achille. Sa facette mystique, aussi riche qu'excentrique, lui a aussi fait perdre un certain crédit. "Dieu, Jésus, et les anges sont avec moi", a-t-il ainsi assuré, début décembre, alors que l'América, qu'il a repris en main en cours de championnat, et avec lequel il est toujours invaincu après onze matches, venait d'obtenir le nul en demi-finale aller du championnat mexicain. La Volpe ne croit toutefois pas seulement en Dieu : quand il était entraîneur d'Atlante, il avait ainsi demandé à ses joueurs, par superstition, de caresser les testicules d'une statue de Rossinante, le cheval de Don Quichotte, à l'entrée de la ville de Torreón, où son équipe avait évité la relégation en 1991.
Plus tard, une fois sélectionneur du Mexique, sa relation professionnelle avec Caty Camacho, une spécialiste du feng-shui, souvent décrite par les media mexicains comme une "sorcière", a pu conduire les joueurs d'El Tri à aller se recharger d'énergie sur les pyramides de Teotihuacán, ou même à avoir été invités à aboyer pour expulser des mauvaises ondes. Quant aux fameuses cravates aux motifs de dragon qu'il a depuis remisé au placard ? "Mes cravates, ce n'était pas des cravates, mais de l'énergie, répondait-il à So Foot, en 2013, le monde est mû par l'énergie. Allez demander aux Japonais, Chinois, Coréens."
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Ricardo La Volpe, entraîneur de Club America

Crédit: AFP

"Donner du tiki-taka" au Real

Fin septembre, La Volpe a pris en main l'América, le club le plus médiatique du Mexique, qui fête cette année son centenaire, et qui disputera la finale de la LigaMX face aux Tigres de Gignac à son retour du Mondial des clubs. A peine en fonction, l'Argentin s'était déjà projeté vers la possibilité de rencontrer le Real Madrid. "Nous allons leur donner du tiki-taka" avait-il lancé, un brin défiant. Depuis, El Bigotón a toutefois revu ses ambitions à la baisse, et espère simplement montrer "que le football mexicain n'est pas si loin de l'européen", après avoir eu toutes les peines à se débarrasser des Coréens du Jeonbuk Huyandai en quart de finale (2-1).
Il faut dire que l'América n'a pas encore grand chose des équipes au style léché et audacieux qui a fait la réputation du coach argentin. A 64 ans, El Bigotón, l'ego toujours bien en avant, veut désormais prouver qu'il n'est pas fâché avec le succès, et s'est donc appliqué à donner une assise défensive à son onze, qu'il a toutefois d'ores et déjà ordonné en 5-3-2. La Volpe a aussi fait sentir sa patte en faisant notamment confiance à Edson Alvarez, jeune mexicain de 19 ans.
A l'instar d'un Rafa Marquez, titulaire indiscutable alors qu'il était à peine majeur au sein de l'Atlas de La Volpe, qui avait atteint la finale du championnat mexicain, en 1999, Edson Alvarez oscille entre la fonction de troisième central et de milieu défensif. Une tâche complexe et usante pour un footballeur qui va encore à l'entraînement en transports en commun alors que la plupart des ses coéquipiers émargent aux environs des 100000 euros mensuels. Mais pour La Volpe, savoir relancer proprement et en avançant vaut bien une promotion express. Pep Guardiola ne dirait sans doute pas le contraire.
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