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Coupe du monde | Argentine : Lionel Scaloni, l'autre Lionel de l'Albiceleste

Thomas Goubin

Mis à jour 22/11/2022 à 10:07 GMT+1

COUPE DU MONDE - Simple intérimaire au début de son mandat, Lionel Scaloni, 44 ans, est désormais un sélectionneur installé, invaincu depuis 36 matches. Plus que sceptique à ses débuts, l'Argentine compte désormais autant sur lui que sur Lionel Messi pour conquérir une troisième étoile. Sa méthode humaine et son travail avec l'Albiceleste plaident pour lui.

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"Scaloni est un très bon gars mais il ne pourrait même pas diriger la circulation ! Comment peut-on lui confier la sélection ?". En septembre 2018, c'est avec ces mots cinglants que Diego Maradona avait souhaité la bienvenue à Lionel Scaloni, jeune néo-sélectionneur nommé dans la foulée d'une Coupe du Monde disputée au bord de la crise de nerfs. Avec son outrance habituelle, la défunte légende avait synthétisé un sentiment général négatif envers un technicien qui n'avait alors pas réellement débuté sa carrière quand il s'est retrouvé propulsé sur le devant de la scène, comme on envoie un condamné à l'échafaud.
Quelques semaines plus tôt, l'entraîneur sans CV n'était que l'analyste des adversaires de l'Argentine au sein du staff de Jorge Sampaoli, à qui il succèdera finalement. La désorganisation de l'AFA (la FFF argentine), incapable de convaincre des entraîneurs de poids (les noms de Pochettino et Simeone, pour les plus ronflants, avaient notamment circulé), ses finances exsangues, avaient notamment conduit à voir Scaloni faire le grand saut, pour ce qui ne devait être au départ qu'un intérim. A ce moment de l'histoire, Scaloni jouit alors de la considération que l'on porte à un pion interchangeable. Plutôt qu'au sélectionneur d'une nation deux fois championne du monde, l'ex-latéral droit du Deportivo la Corogne, de la Lazio ou du Racing Santander ressemble à un employé dévoué au charisme de tableau Excel.
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Lionel Scaloni lors d'Argentine - Venezuela le 22 mars 2019 à Madrid

Crédit: Getty Images

"Il sait faire passer les messages"

Mais derrière une façade apparemment trop lisse, Scaloni est "un vrai leader". C'est, en tout cas, l'expression employée par le sélectionneur du Maroc, Walid Regragui, qui a été son coéquipier à Santander (2006-2007). "Il parlait beaucoup, haranguait les joueurs, comme s'il était déjà entraîneur, se rappelle t-il. Il mettait aussi beaucoup d'ambiance dans le vestiaire, mais sans se prendre pour une star, même s'il était international argentin". "Moyen techniquement mais très intelligent, il jouait très simple", toujours selon Regragui, Scaloni s'est fait une place dans le football professionnel en élément modèle, et son Argentine a fini par lui ressembler : solidaire, disciplinée et généreuse.
Pour cela, l'ex-joueur de devoir a osé prendre des décisions fortes, comme de se passer, dans un premier temps, d'Angel Di María ou de Kun Aguëro. Dans le même temps, il transformait en incontournable le rugueux Rodrigo de Paul et il faisait du très altruiste Giovani Lo Celso, un élément-clé de son entre-jeu. Cette sacralisation du collectif concerne aussi son staff où il a additionné les compétences sans craindre de s'entourer de noms bien plus prestigieux que le sien (Pablo Aimar, Roberto Ayala, Walter Samuel).
Dans son management très égalitaire, Scaloni a toutefois fait une exception pour Lionel Messi, qui avait laissé en suspens son avenir international après le Mondial 2018. Le néo-sélectionneur qui venait tout juste de passer le cap de la quarantaine assurait alors qu'il réservait le n°10 pour la Pulga, manière de montrer qu'il comptait sur lui. Messi avait de toute façon un a priori plutôt favorable sur l'homme Scaloni.
Si l'ex-défenseur n'affiche que sept sélections avec l'Albiceleste, il était toutefois là en 2005, quand le prodige a réalisé ses débuts en A lors d'un amical face à la Hongrie . C'est même lui qui lui a transmis son premier ballon, avant que Messi ne soit expulsé après seulement une minute trente de présence sur le terrain : il avait voulu se dégager avec son bras d'un marquage un peu trop serré. Scaloni sera l'un de ses plus fervents avocats auprès de l'arbitre, avant de tenter de lui remonter le moral de retour à l'hôtel, comme le raconte le journaliste Guillem Balagué dans "Messi, la Biographie" (éditions Hugo Sport).
Mais entre couver un joueur de 18 ans et convaincre une légende, il y a un abyme comblé par Scaloni grâce à ses décisions judicieuses, ses résultats et sa capacité à bâtir un collectif harmonieux au sein duquel l'ex-Barcelonais rayonne. "On sentait que Lionel serait un entraîneur, dit Regragui, alors qu'il ait pris en main la sélection ne m'a pas surpris. C'est quelqu'un qui pense groupe, qui sait dire les choses en employant les mots justes, mais aussi crier quand il faut crier, il sait faire passer les messages."
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Quand Messi et Di Maria sacraient l'Argentine pour la 2e fois

L'Argentine est derrière lui

Scaloni l'avait annoncé : il voulait initier un renouvellement générationnel, alors que l'Argentine était rincée après ses échecs répétés en finale (Coupe du Monde 2014, Copa América 2015 et 2016) et un Mondial 2018 calamiteux. Kun Agüero se voit alors contraint de faire un break pour mieux laisser grandir Lautaro Martinez, devenu aujourd'hui un des éléments moteurs de l'Albiceleste. Le natif de la province de Santa Fe n'a toutefois banni personne et a ainsi rapidement relancé Angel di María, un temps absent de ses listes. Sa situation précaire aurait pourtant pu le faire opter pour la facilité.
Mais le natif de Rosario a agit comme s'il n'était pas en sursis - ses premiers contrats ne dépassaient pas l'année - avant de finalement être prolongé jusqu'en 2026 il y a quelques semaines. La Copa América 2019 avait été son premier grand examen. L'Argentine avait échoué en demi-finale face au Brésil (0-2), avec des décisions arbitrales controversées comme circonstances atténuantes. Depuis, l'Albiceleste n'a plus connu la défaite. Une série record de 36 matches pendant laquelle l'Argentine a renoué avec le succès dans un grand tournoi (Copa América 2021) et s'est aisément qualifiée pour le Mondial.
Le méthodique Scaloni, toujours maître de ses mots et de ses nerfs, a emmené tout un groupe et un pays derrière lui. Résultat : l'Argentine commence même à croire fort que "la Scaloneta", nouveau surnom de la sélection, a tout pour succéder à l'équipe de 1986, la dernière sacrée en Coupe du Monde. "Quand tu parviens à faire régner l'harmonie dans ton groupe comme Scaloni est parvenu à le faire, 70% de l'objectif est accompli", a même considéré Sergio Batista, ex-sélectionneur (2010-2011) et ex-lieutenant de Maradona au Mexique.
Pour les 30% restants, ne pas s'attendre à des initiatives révolutionnaires. Plutôt à des décisions pragmatiques. "Les équipes prudentes gagnent le Mondial, considère Scaloni, celles qui savent attaquer et défendre, pas celles qui siègent en permanence dans le camp adverse. Nous devons nous adapter à cela. L'intelligence fait partie du football". Celle de l'ex-sélectionneur intérimaire lui permettra de diriger ce mardi son premier match de Coupe du Monde. Au moment du coup d'envoi face à l'Arabie Saoudite, il sera 15h à Buenos Aires. Toute l'Argentine sera devant un écran. Les agents de la circulation seront au chômage technique.
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Lionel Scaloni et Leo Messi (Argentina)

Crédit: Getty Images

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