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COUPE DU MONDE - Mondial au Qatar et spectre de la blessure, mythe ou réalité ?

Antoine Donnarieix

Mis à jour 18/11/2022 à 14:24 GMT+1

MONDIAL - Ce n’est un secret pour personne : cette saison ne sera pas comme les autres. La raison ? Le déroulement du Mondial au Qatar. Un casse-tête à résoudre pour les clubs comme pour les fédérations, notamment dans l’objectif de réduire les probabilités de blessures pouvant handicaper les effectifs que ce soit avant, pendant ou après l'événement. Mais, est-il possible d’éviter l’hécatombe ?

Comment le Mondial va-t-il impacter physiquement et mentalement les clubs ?

Avant d’affronter le FC Barcelone et de concéder une cruelle défaite dans le temps additionnel sur un but de l’inévitable Robert Lewandowski (1-0), le capitaine du Valence CF José Gayà avait répondu à la possibilité de disputer le premier Mondial de sa carrière… en plein automne européen. "Ce n’est pas habituel, mais il faudra s’adapter, expliquait le défenseur de 27 ans. Nous savions depuis un certain temps que cela aurait lieu au Qatar, donc nous nous sommes préparés en avant-saison de telle sorte à ce que le Mondial ne vienne pas perturber notre dynamique."
Finalement présent parmi les 26 heureux élus de la liste concoctée par Luis Enrique, Gayà a bouclé la première partie de saison du Valence CF dans une condition physiquement optimale. Et pourtant, le pire est arrivé pour le défenseur espagnol qui s'est blessé à la cheville lors d'un entraînement cette semaine. Après réflexion, Luis Enrique a décidé de se passer de ses services, même si sa blessure n'était pas considérée comme sérieuse.

Un calendrier "pas humain", premier obstacle

Le défenseur rejoint donc une liste qui ne cesse de s'agrandir au fil des jours. Amine Harit et Bartlomiej Dragowski ont vu leur rêve de Coupe du monde prendre fin le week-end dernier suite à de graves blessures, d’autres profils comme Sadio Mané, N'Golo Kanté, Reece James ou Timo Werner ne seront aussi pas de la partie pour avoir sollicité leur corps plus que de raison à force de jouer quasiment tous les trois jours. "En ce moment, il y a un blessé qui va manquer la Coupe du monde à chaque match, pestait Bruno Genesio à la sortie de Rennes-AEK Larnaca en Ligue Europa, le 3 novembre dernier. Ce qu'on fait vivre aux joueurs avec ce calendrier, ce n'est pas humain."
Ce constat de la surexploitation des footballeurs, déjà établi de longue date par Pep Guardiola, est d’autant plus mis en lumière avec cet imminent Mondial au Qatar. Dès lors, les fédérations sont censées prendre leurs précautions pour minimiser les risques de blessures durant la compétition. "Le plus important pour les staffs, c’est de se poser la question :D’où viennent nos joueurs ?’, établit en premier lieu Xavier Amen, kinésithérapeute et préparateur athlétique.
"Il faut analyser leur provenance, c’est-à-dire leur championnat national et leur club, et réaliser un état des lieux général. La communication doit être optimale entre une fédération et un club pour parler du ou des joueurs sélectionnables, c’est une pierre angulaire pour la réussite d’une fédération à la Coupe du monde. Aussi, les clubs vont avoir un œil très attentif sur le déroulement de la Coupe du monde, car l’après tournoi est d’une importance capitale, il y a de sérieuses échéances à venir avec de grosses sommes d’argent en jeu."
Au milieu de ce rapport entre club et sélection, le footballeur est lui-même confronté à la réalité d’un Mondial à part entière. Dès lors, l’envie grandissante de représenter son pays dans la plus prestigieuse des compétitions internationales prend le dessus et le club se doit d’agir en conséquence.
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Sadio Mané

Crédit: Getty Images

Avec à peine une semaine pour s’imprégner du climat local, l’estimation du risque de blessure va augmenter
Géographiquement, passer du climat continental européen au climat désertique qatari implique une anticipation à l’échelle des clubs. "La variation de température et l’acclimatation va changer le processus biologique chez chaque footballeur, poursuit Xavier Amen. Pour les joueurs issus de l’hémisphère nord, c’est un facteur à prendre en compte. Ces footballeurs vont avoir un stress supplémentaire pour une même tâche donnée. En temps normal, l’organisme a besoin d’un temps d’adaptation pour faire face aux nouvelles conditions. Avec à peine une semaine pour s’imprégner du climat local, l’estimation du risque de blessure va augmenter", analyse-t-il.
"Pour ce Mondial, des clubs se sont préparés en conséquence via des thermo training rooms pour produire des efforts sous une forte chaleur de façon à limiter le risque de blessure et favoriser la rapidité d’adaptation. Mais pour un même effort fourni, le ressenti du joueur peut être totalement différent. Benzema ne va pas s’adapter de la même façon que Griezmann. En cela, la transition entre le début de la trêve et le début de la Coupe du monde doit être bien gérée sous peine de blessure. Si les staffs travaillent bien, certains joueurs pourraient monter progressivement en puissance pour atteindre leur meilleur rendement en fin de compétition, c’est une stratégie possible. Aussi, le sommeil, la récupération, la gestion du stress, l’hydratation et la nutrition seront fondamentaux pour diminuer le risque de blessure. "
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"Jouer comme si c'était le dernier match de notre vie" : Bednarek, l'ambitieux polonais

Une fois sur place, les programmes d’entraînement devront être scrupuleusement suivis de manière à minimiser les risques de convalescences. "Les principes de base de l’entraînement d’un sportif de haut niveau sont la continuité, la progressivité, la saturation, la variété, l’individualisation et la spécificité, énumère Xavier Amen. Les préparateurs athlétiques des fédérations le savent, donc ils vont s’organiser en collaboration étroite avec le sélectionneur de manière à ce que ces principes soient appliqués dans les entraînements pour générer des efforts mais vont aussi en suivre les effets. Pour une performance optimale dans un Mondial, il faut maîtriser les efforts et les effets. Chaque être humain possède une quantité de charge différente."
L'importance de connaitre son corps et les joueurs devient alors primordiale. "S’il y a des variations trop soudaines dans la charge, c’est là que le risque de blessure augmente. En cela, il est fondamental de maîtriser les charges attribuées aux joueurs. La charge, c’est un effort. Et l’effort prend également en compte la psychologie, explique encore Xavier Amen. "Il y a l’effort physique de porter un poids, mais aussi l’effort psychologique de s’adapter à la météo. Si l’entraînement a lieu sous une chaleur sèche ou sous la neige, ce n’est pas pareil. Si le match est une finale de Ligue des champions ou un match contre une équipe du ventre mou de Ligue 1, ce n’est pas pareil non plus. Courir pendant 90 minutes dans un match ne requiert pas la même charge que de courir 30 minutes dans ce même match et faire une séance d’entraînement de 60 minutes pour compenser. L’effort est toujours soumis à un contexte où la nervosité peut être à géométrie variable. Le préparateur athlétique doit donc adapter les efforts individuellement pour que chaque joueur bénéficie des effets souhaités dans un objectif de performance."
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Karim Benzema, à l'entraînement avec les Bleus le 14 novembre

Crédit: Getty Images

Depuis trois ou quatre semaines, les footballeurs changent d’état d’esprit
Dernièrement, la blessure de Sadio Mané avec le Bayern Munich a fait grand bruit. Convoqué pour défendre les couleurs du Sénégal au Mondial, le numéro 10 avait été mis sous pression par son employeur, notamment son entraîneur. "S'il a mal et qu'il ne peut pas jouer, il ne jouera pas, même si la Fédération le voulait, prévenait Julian Nagelsmann en conférence de presse le week-end dernier. Quand un joueur est blessé et ne peut pas jouer, il ne peut pas jouer. La santé passe avant le sport, c'est la chose la plus importante." Finalement, l'attaquant bavarois a été contraint de déclarer forfait.
"Inconsciemment depuis trois ou quatre semaines, les footballeurs changent d’état d’esprit, considère Xavier Amen. Ce changement-là peut avoir des impacts sur la charge ressentie car le niveau de stress est en train de monter, l’excitation est palpable. Il y a de l’agitation et des problématiques extra-sportives dont tout le monde parle. Au milieu de tout cela, les footballeurs sont pris dans cette tempête. À un même niveau d’entraînement que d’habitude, cela peut conduire à une surcharge parce que le contexte psychologique est différent pour les joueurs.
Quant au sujet Mané, il est finalement complexe. "En cela, je ne pense pas que la faute soit à mettre sur le Bayern, mais les joueurs comme Mané ne sont pas insensibles à la venue d’une Coupe du monde en pleine saison. Il est possible d’estimer un risque de blessure, mais impossible de prévenir la blessure." Pour une première Coupe du monde en automne, il faudra donc compter sur le professionnalisme de tous et éviter de faire passer la passion avant la raison. Plus facile à dire qu’à faire…
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Lionel Messi et Julian Alvarez

Crédit: Getty Images

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