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Décès de Bernard Tapie : l'Olympique de Marseille, vainqueur de la C1 en 1993, symbole ultime de la gagne à tout prix

Vincent Bregevin

Mis à jour 04/10/2021 à 08:13 GMT+2

Bernard Tapie, décédé ce dimanche, a eu un impact fondamental pour développer une culture de la gagne dans le football par son passage à la présidence de l'OM. Il n'a pas employé que des moyens légaux pour parvenir à son but absolu, la victoire. Mais il avait un talent exceptionnel pour bâtir les équipes les plus compétitives et motiver ses hommes à l'extrême pour arriver à ses fins.

Bernard Tapie, vainqueur de la Ligue des champions avec l'OM en 1993

Crédit: Imago

Gagner. C'est bien le mot qui lui correspondait le mieux. Bernard Tapie en avait même fait le titre de son premier livre, paru en 1986. Des victoires, il en avait déjà obtenu sur la vie. Celles qui ont permis à un homme parti de pas grand-chose de faire sa propre fortune. En 1986, il commençait aussi à les connaître dans le sport. Un an plus tôt, Bernard Hinault lui avait offert un doublé Tour-Giro. Le cyclisme, ce sont les prémisses de sa période glorieuse dans la sphère sportive symbolisée par le sacre européen de l'OM. Son histoire avec le sport s'est mal finie. Mais Tapie n'en a pas été moins essentiel pour guider le football vers cette culture de la gagne qui lui manquait.
Ce n'est pas tant par son passage dans le cyclisme qu'il a tout révolutionné. Il a été glorieux, mais Tapie ne partait pas totalement de nulle part. Il avait évidemment réussi un pari payant un recrutant un Bernard Hinault jugé sur le déclin. "Le Blaireau" incarnait cependant déjà la gagne dans un sport où la France avait déjà acquis ses lettres de noblesse depuis longtemps. Tapie a marqué le cyclisme de son empreinte. Il y a mis des moyens comme personne avant lui, notamment sur les salaires des cyclistes. Il en a aussi fait un show. Mais la France savait déjà truster la première marche du podium avant lui.
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Bernard Tapie présente sa nouvelle équipe cycliste La vie claire, entouré de Bernard Hinault et Greg LeMond

Crédit: Getty Images

C'était loin d'être le cas dans le football. Un sport où la victoire des Bleus à l'Euro 84 faisait plutôt figure d'exception qui confirme la règle. Faire du foot français un foot qui gagne, c'est une œuvre dont il a été le pionnier. Et contrairement au cyclisme, Tapie partait de loin. Très loin. Marseille n'avait plus gagné le moindre titre depuis dix ans quand il en a pris la présidence en 1986. Le club phocéen était sans le sou et juste au-dessus de la ligne de flottaison pour le maintien en première division. Il était impossible d'imaginer que l'OM puisse incarner la culture de la gagne à la française à l'époque.

Le symbole Beckenbauer

Tapie a réussi cet incroyable tour de force. Son expérience dans le cyclisme avait déjà posé les jalons de son management sportif. Avec un goût plus que prononcé pour l'interventionnisme, quitte à faire passer ses directeurs sportifs en arrière-plan. Pour que le message de la gagne passe, il fallait qu'il soit en première ligne. Il savait motiver mieux que personne. Il voulait surtout s'assurer que cette haine viscérale de la défaite qui le caractérise soit ancrée au plus profond de ses hommes. Gagner à tout prix, c'était son ADN. Et savoir le transmettre était l'une de ses plus grandes qualités.
Il n'a pas cuisiné une recette différente avec ses entraîneurs à l'OM. L'exemple le plus marquant, c'est avec Franz Beckenbauer. Forcément, ça pouvait difficilement bien se passer avec un adepte de l'ordre et de la hiérarchie comme le "Kaiser". L'expérience de l'Allemand sur la Canebière a beau avoir été éphémère, elle n'en est pas moins restée symbolique. Elle n'a pas seulement été la preuve que Tapie ne changerait jamais sa façon de faire et de penser, quelle que soit la personne face à laquelle il pouvait s'opposer. Elle a aussi montré que Tapie ne voulait que les meilleurs. Le pari était impossible ? Il était bien le seul à la tenter quand même. Juste pour le principe.
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Franz Beckenbauer et Bernard Tapie

Crédit: Getty Images

C'était sa marque de fabrique, la clé de son succès. La victoire a un prix et Tapie était toujours prêt à le payer. Il a employé des moyens démesurés pour attirer les meilleurs joueurs à Marseille et monter l'équipe la plus compétitive d'Europe, la seule capable de rivaliser avec l'incontournable Milan AC de Silvio Berlusconi à l'époque. Tapie avait les billets, mais aussi l'art de séduire. De Karl-Heinz Förster à Rudi Völler en passant par Jean-Pierre Papin, Eric Cantona, Didier Deschamps, Enzo Francescoli, Dragan Stojkovic, Chris Waddle… Ils sont tous tombés sous le charme, ils ont tous adhéré à son discours et à son projet. Quand Tapie voulait un talent, il l'avait. Parce qu'il s'en donnait les moyens. C'est bien comme ça que l'OM est devenu ce qu'il a voulu en faire. Le premier club français à gagner une Ligue des champions.

VA-OM, le risque qui ne se justifiait pas

Il est allé trop loin, évidemment. Bâtir les plus grandes équipes et se mettre en première ligne était essentiel dans son concept de la gagne. Mais pas suffisant. Quand l'OM s'est fait éliminer face à Benfica sur le but de la main de Vata en demi-finale de la Coupe des clubs champions en 1990, il a compris que le football était aussi fait d'impondérables. Mais il l'a interprété à sa manière. Il a voulu les maîtriser par tous les moyens, même les moins légaux. L'affaire VA-OM a fait éclater le côté sombre du gagneur qu'il était.
On pourra toujours dire que Marseille n'avait probablement pas besoin de payer des joueurs du 19e de D1 à six jours de la finale de la Ligue des champions pour battre Milan. Cet OM était non seulement assez compétitif, mais il avait surtout appris à devenir pragmatique. Tapie a pris tous les risques pour faire du club phocéen une machine à gagner comme la France n'en avait jamais eue. Il avait réussi. Ce risque-là n'était vraiment pas le plus justifié. C'était surtout celui de trop.
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C'était le grand OM : notre onze de l'ère Tapie

C'était la fin de son histoire à l'OM. Mais le début d'une nouvelle ère pour le football français. Parce qu'à Munich, Marseille a gagné sur le terrain. Et la France a retenu de cette consécration que la victoire était possible à condition d'y croire et de s'en donner les moyens. De haïr la défaite, surtout. De ne plus supporter les places d'honneur. Les Bleus de 1998, 2000 et 2018 sont aussi les fruits de ce changement état d'esprit dans le football.
Avec un dénominateur commun : Didier Deschamps. Celui que Bernard Tapie était allé chercher à Nantes pour en faire le premier capitaine d'un club français vainqueur de la Ligue des champions. Leur relation a parfois été tumultueuse avant le sacre de Munich. C'est aussi en tenant tête à Tapie que Deschamps s'est forgé son caractère de vainqueur. Et c'est bien à l'OM qu'il a appris à gagner avant de parfaire son apprentissage en Italie. Il est l'homme de tous les grands sacres du foot français. Mais s'il incarne cette culture de la gagne, c'est beaucoup à Tapie qu'il le doit.
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Didier Deschamps et Bernard Tapie

Crédit: Getty Images

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