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Dire stop aux têtes dans le football ? "Ce serait un autre sport"

Glenn Ceillier

Mis à jour 15/08/2018 à 10:06 GMT+2

Un célèbre neurologue, Bennet Omalu, alerte sur les risques engendrés par les têtes dans le football. Il va même jusqu'à demander leur interdiction chez les jeunes et leur restriction dans le monde professionnel. Est-ce envisageable ? Christian Gourcuff et Guy Lacombe nous livrent leur point de vue sur la question.

Diego Godin qui fait une tête

Crédit: Eurosport

En rugby, dans le foot américain mais aussi en NBA, les commotions cérébrales sont déjà des sujets pris très au sérieux. Mais dans le monde du football, cela commence également à inquiéter. Et si on se souvient tous du choc terrible subi par Petr Cech lors d'une sortie dans les pieds de Stephen Hunt, ce n'est pas seulement lié à des collisions entre joueurs. Ainsi, les têtes pourraient aussi devenir un débat au fil des années. Un éminent neurologue, Bennet Omalu, a d'ailleurs tiré la sonnette d'alarme la semaine passée sur la BBC.
Connu pour avoir fait avancer la médecine sur l'Encéphalopathie traumatique chronique (ETC) - une maladie neurodégénérative consécutive à une pratique sportive émaillée de commotions cérébrales -, Bennet Omalu se veut radical. Notamment pour les jeunes footballeurs. "Cela n'a pas de sens de contrôler avec votre tête un objet qui se déplace avec une vitesse élevée. Aucun joueur de moins de 18 ans ne devrait faire des têtes dans le football, alerte le médecin. Je sais que pour certains, c'est difficile à imaginer. Mais la science évolue. Avec le temps, la société change. Il est temps pour nous de changer certaines de nos habitudes."
C'est dangereux
Alors que plusieurs études ont été lancées ces dernières années, Omalu plaide pour une prise de conscience et une évolution de la pratique. Pour les jeunes. Mais pas seulement. Au niveau professionnel aussi, cet expert mondial estime qu'il faudrait limiter les têtes. "Je crois finalement que même au niveau professionnel, nous devons restreindre les têtes dans le football. C'est dangereux", a-t-il poursuivi sur la BBC.
Le football sans jeu de tête, est-ce envisageable ? Après avoir écouté Bennet Omalu, on s'est posé la question. Ce n'est finalement qu'un aspect du jeu. Mais un aspect clef. "Il faut être réaliste, il y a beaucoup de ballons touchés dans les airs. Personnellement, je ne le conçois pas. Ce serait un autre jeu. Un autre sport", nous répond Guy Lacombe, ancien responsable de la formation à la Direction Technique Nationale. Christian Gourcuff, apôtre du jeu collectif léché, se montre également sceptique. "Cela dénaturerait le football que l'on connaît. Cela devient un autre sport."
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Karim Azamoum et Christopher Nkunku à la lutte pour une tête en L1

Crédit: Getty Images

Il n'y a pas de répétitions énormes de têtes toute la semaine. Cela reste réduit
Si cela le chagrine ("il y a eu des grands buts de la tête, qui restent dans la mémoire collective comme celui de Pelé face à l'Italie en 1970", se remémore-t-il), l'ancien entraîneur de Rennes et de Lorient l'avoue cependant : "Personnellement, ça ne me dérangerait pas." Le style qu'il prône avec ses équipes met en effet l'accent sur le jeu à terre. "Je pense qu'en Espagne, ils ne se posent pas la question par exemple. Ils jouent tellement peu en l'air…", ajoute-t-il.
Dans le sillage du FC Barcelone, mais pas seulement, c'est d'ailleurs une évolution majeure de nombre d'équipes depuis des années. Le jeu de tête est moins crucial. "Depuis un certain temps, les techniciens favorisent plus le jeu à terre. On a favorisé ce style pour une question surtout d'efficacité car cela permettait aux joueurs de mieux s'exprimer", abonde Lacombe avant d'ajouter : "Mais regardez le Mondial et le nombre de buts dans le domaine aérien !"
Au niveau des jeunes effectivement, c'est à proscrire complétement
Pour lui, envisager le football sans jeu de tête est donc une hérésie. S'il est plus mesuré, Christian Gourcuff trace le même sillon. "Le jeu aérien reste réduit dans un match. Mais l'interdiction, c'est toujours embêtant car cela dénature les règles. Le jeu aérien crée une incertitude supplémentaire. C'est aussi enrichissant. Plus que de l'interdire, c'est d'essayer de le réduire. Mais cela fait partie de la conception que l'on peut avoir du football", avance le technicien breton, parti à Al-Gharafa (Doha), qui tient à préciser : "A l'entraînement au niveau professionnel, on ne passe pas des séances à faire du jeu de tête. On travaille les coups de pied arrêtés. Mais il n'y a pas de répétitions énormes de têtes toute la semaine. Cela reste réduit."
En revanche, chez les jeunes, les deux techniciens vont dans le même sens que Bennet Omalu. Oui, on peut s'en passer. La prudence est même de rigueur. "Au niveau des jeunes effectivement, c'est à proscrire complétement", avance Gourcuff. La FFF recommande d'ailleurs aux techniciens en charge des jeunes de ne pas trop travailler cet aspect du jeu à l'entraînement. "Avec les petits, on commence à travailler le jeu de tête un peu plus tard. Actuellement, c'est davantage lors de la formation que l'on travaille le jeu de tête qu'en préformation", précise Lacombe. Pour Bennet Omalu, c'est cependant toujours insuffisant.
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