N'Golo Kanté, la nouvelle assurance tous risques des Bleus

C'est un drôle de bonhomme. Partout où il passe, N'Golo Kanté semble en décalage. A moins qu'il ne cultive sa différence. Après les matches, quand la plupart de ses coéquipiers font mine de passer un coup de fil, lui s'arrête devant chaque micro qui se tend à lui. Toujours le sourire du jeune homme poli auquel on a appris à ne pas dire non, le ton posé, il ne prend pas de risque quitte à enchaîner les lieux communs : "L'important, c'est l'équipe", "il faut retenir la victoire", "aujourd'hui, ça c'est bien passé mais il faut continuer à travailler", "il n'y aura rien de facile dans cette compétition". Voilà pour vendredi.

Sur le pré, ce fut un peu la même chanson. Quand les pieds de ses coéquipiers ont tremblé face à la Roumanie, lui a tenu la baraque comme si le contexte n'avait pas d'emprise. Comme si tout ce qui l'entoure depuis quelques semaines – le tsunami médiatique, l'attente des Français, la promotion-express dans l'équipe type à un poste qui n'est pas le sien – glissait sur lui. Kanté ne laisse rien paraître, joue avec l'insouciance qui le caractérise. Quand Evra, du haut de ses 74 sélections, a succombé face au contexte tout comme Paul Pogba et son immense talent, l'ancien Caennais a écopé sans se poser de questions.

Lui a couru dans le bon sens et compensé les défaillances des uns et des autres. Il a pris le bleu de chauffe délaissé par le milieu de la Juventus et assuré la relance orpheline de Varane. Au four, au moulin et partout ailleurs, il est celui qui a réussi le plus de tacles (3) et intercepté le plus de ballons (5) avec un taux de passes réussies de 92%, ce qui ne gâche rien à l'affaire. "Je fais le maximum. Aujourd'hui, ça s'est bien passé mais il faut continuer", nous a-t-il confié avec la pudeur et la retenue qui le caractérisent vendredi soir dernier.

Alors, quand il a fallu injecter du sang neuf face à la Roumanie, secouer le cocotier, Deschamps n'a pas touché à Kanté mais à Pogba : "Je n’y ai même pas pensé une seule seconde pour N’Golo Kanté, vous savez très bien pourquoi, vous l’avez vu comme moi", a confié dans un sourire le sélectionneur. "Il est bluffant dans sa capacité d'adaptation", a témoigné Blaise Matuidi à propos de son compère de l'entrejeu. Car, faut-il le rappeler, Kanté est d'abord un milieu relayeur. C'est le forfait de Lassana Diarra qui l'a astreint à redescendre sur le terrain. Aujourd'hui, l'absence du milieu marseillais ne semble plus un problème tant Kanté s'est glissé dans son costume avec une facilité déconcertante.

"Il s'est adapté admirablement en sentinelle avec la récupération, la lecture du jeu et le sang-froid que ça implique", a continué Matuidi. "On est content de l'avoir avec nous." Et pour cause, celui qu'Alex Ferguson a adoubé comme le meilleur joueur de la saison de Premier League est la nouvelle assurance tout risque de l'équipe de France. Laurent Koscielny ne dit pas autre chose : "Il est calme, posé mais fait partie des grands milieux de terrain." L'un n'empêche pas l'autre. La preuve.