Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Euro 2020 - Tout le monde y pense, personne n’en parle : et si l’Italie allait au bout ?

Guillaume Maillard-Pacini

Mis à jour 26/06/2021 à 20:20 GMT+2

EURO 2020 - Après avoir réalisé un sans-faute en phase de poules, et alors qu'elle est invaincue depuis maintenant trente matches, l'Italie affronte l'Autriche, ce samedi soir (21h), en huitièmes de finale de l'Euro. De l'autre côté des Alpes, on préfère pour l'instant garder les pieds sur terre. Même si le rêve d'un deuxième triomphe européen commence à germer.

L'Italie fête sa victoire face au Pays de Galles (Euro 2020)

Crédit: Getty Images

En Italie, tout est plus ou moins autorisé pour contrer le mauvais œil. Dans un pays où 76% de la population admet être superstitieuse (sondage effectué par Sport Trading Academy en 2018, ndlr), presque tout le monde a ses habitudes et ses grigris lorsqu'il s'agit de se porter chance. Ainsi, 54% des Italiens reconnaissent faire appel à des "aides extérieures". Comme quoi ? Du port du fameux "cornetto rosso" (amulette en forme de corne) de Naples au repas aux lentilles du jour de l'an pour avoir une année prospère, la liste est longue comme la Botte. Au pays du Calcio, inutile de préciser que toute cette superstition s'applique également au football. C'est encore plus d'actualité après ce début d'Euro 2020 parfait de la Nazionale.
Trois victoires en trois matches, neuf buts inscrits, zéro encaissé : l'équipe de Roberto Mancini a réalisé un sans-faute. Mieux, elle a impressionné tout le monde. Même ses propres tifosi, qui n'avaient plus goûté à une grande compétition depuis maintenant cinq ans. De quoi la passer du statut d'outsider à celui de favori ? Certainement pas. Mais au moins un candidat à la victoire finale ? Non plus. En Italie, on refuserait presque d'y croire. Par pure superstition ? Possible. Mais aussi (et surtout) pour amortir la chute d'une éventuelle déception ensuite. "La France et la Belgique sont au-dessus du lot", prévenait La Gazzetta dello Sport la semaine passée. Comme pour calmer une euphorie difficile à contenir. "Ce n'est pas vrai... mais j'y crois", récite d'ailleurs un vieil adage italien. De quoi parfaitement résumer le sentiment qui règne de l'autre côté des Alpes à quelques heures du huitième de finale face à l'Autriche.
Effervescence
Il faut dire que personne ne s'attendait à un début de parcours aussi parfait. Certes, la Squadra Azzurra avait repris bien des couleurs depuis 2018 et son absence à la Coupe du monde, mais quand même... "Moi qui suis à Rome, cela faisait plusieurs années que je n'avais pas vu une telle effervescence, nous raconte Francesco Pietrella, journaliste de La Gazzetta dello Sport. Les tifosi ont transcendé l'équipe, et inversement. Ils allaient même devant l'hôtel des joueurs pour les encourager. Tu ressens un enthousiasme qui a effacé en partie la déception de 2018. Il fallait un électrochoc et il est arrivé."
Les supporters italiens en liesse (Euro 2020)
Il était reproché à la Nazionale de ne pas avoir rencontré de grosses cylindrées durant les éliminatoires ? L'équipe du Mancio a su répondre présent à son premier crash test. Turquie, Suisse et Pays de Galles : aucune équipe n'a fait le poids. Pas les équipes les plus redoutables, probablement, mais pas les premières venues non plus. "Peu importe si elle n'avait pas de grosses équipes dans sa poule, d'autres ont commis des faux-pas contre des outsider. L'Italie fonctionne comme un rouleau compresseur", écrivait le quotidien Il Mattino jeudi dans son carnet de notes, attribuant à 7,5 à l'Italie. Dans un article toutefois intitulé : "La France reste super favorite".
Il y a eu les victoires, mais il y a eu surtout le jeu. "Mancini est parvenu à construire un orchestre parfait. Trame de jeu, pressing, courses, continuité : c'est une équipe qui joue comme un club. Et ça en dit long sur le travail du sélectionneur", écrivait Claudio Ranieri après la victoire face à la Suisse. "Ce qui a plu aux tifosi, ce n'est pas tant que l'Italie gagne ses matches, mais surtout comment elle y est parvenue", estime de son côté Francesco Pietrella.
Tout le monde s'accorde à le dire : cette équipe est un plaisir à regarder. "La mentalité et le jeu sont nos atouts (...) Nous n'avons pas Mbappé, Lukaku ou Ronaldo. Mais notre force, c'est le jeu : nous ne dépendons pas d'individualités. Il y a trois ans, nous n'étions pas dans les 32 pour le Mondial (...) Nous ne disons pas que nous allons gagner l'Euro, mais simplement que nous pouvons le gagner. Aujourd'hui, on peut au moins y croire : C'est déjà un triomphe", pouvait-on récemment lire dans les colonnes de La Gazzetta dello Sport.
Interrogé par nos soins, Andrea Stramaccioni, ancien entraîneur de l'Inter Milan et l'Udinese, assure avoir une "grande confiance" en cette équipe. "L'Italie a ses certitudes. C'est une équipe qui a une philosophie de football bien précise et des principes de jeu également très clairs. Contrairement aux anciennes équipes d'Italie, elle a moins d'individualités mais un très grand collectif. Les automatismes sont visibles à chaque match. Tout passe par l'extraordinaire qualité du milieu de terrain et la mentalité que Mancini a su transmettre. Même avec le score à son avantage, elle continue d'attaquer et produit un football qui plaît. Et qui plaît aux joueurs." Mais alors, jusqu'où peut aller cette équipe ?

Entre rêve et réalité

Récemment, le quotidien La Stampa résumait parfaitement le ressenti actuel des Italiens : "Nous sommes entre rêve et réalité". Oui, la Nazionale emballe tout le monde. L'euphorie entraperçue au Stadio Olimpico lors des trois premiers matches en est le plus grand témoignage. Mais la crainte d'un plafond de verre est également présente. En cas de quart de finale, la Nazionale jouera la Belgique ou le Portugal. Puis, en demie, elle pourrait croiser sur son chemin l'Espagne ou la France. Du (très) lourd.
"Les Bleus et les Belges sont construits pour gagner, constate Stramaccioni. Mais l'Allemagne, le Portugal et l'Espagne sont un cran en-dessous." Pour l'ex-technicien de l'Inter, l'Italie va devoir être capable d'accepter des difficultés pas forcément rencontrées jusqu'ici. "La France a des joueurs qui ont déjà gagné ou qui ont disputé des matches prestigieux en sélection comme en club. La capacité à réagir à une situation difficile est probablement le dernier examen à passer pour pouvoir prétendre à gagner. Pour beaucoup de joueurs italiens, l'Euro est la kermesse la plus prestigieuse de leur carrière." Depuis son arrivée sur le banc, Roberto Mancini a fait débuter 35 joueurs en sélection.
Invaincu depuis maintenant trente matches, le sélectionneur transalpin a égalé le record du légendaire Vittorio Pozzo, vainqueur de deux Coupes du monde, établi entre 1935 et 1939. Le vrai patron de cette Nazionale, c'est lui. Et sa grande expérience pourrait jouer un rôle capital pour la suite des évènements. "Il est l'architecte de ce projet, tout ce qu'il se passe aujourd'hui est grâce à lui", assure Stramaccioni. Le Stadio Olimpico lui a d'ailleurs rendu plusieurs hommages durant les trois premiers matches en entonnant des chants à sa gloire. Cela faisait bien longtemps qu'un sélectionneur n'avait pas eu une cote de popularité aussi élevée au pays. Il faut dire les résultats parlent pour lui : l'Italie n'était parvenue à réaliser qu'une fois le combo parfait (3 victoires sur 3 sans encaisser un but) : en 1990, lors de sa Coupe du monde à domicile. Celle des fameuses "Notti Magiche".

Et maintenant, l'Euro des "Notti magiche" ?

Des "Nuits Magiques", la Nazionale en rêve encore. Elle vient d'en passer faire passer trois à ses tifosi au Stadio Olimpico. Au point de remettre au goût du jour ce célèbre tube de Gianna Nannini et Edoardo Bennato, qui a marqué toute une génération. Au sortir du dernier match face au Pays de Galles, et avant de quitter la capitale, les hommes de Roberto Mancini ont fait de même, avec un Lorenzo Insigne improvisé DJ. Tous ont repris en chœur les paroles, bras dessus, bras dessous. Comme une bande de potes qui s'éclate, insouciante, euphorique et sans vraiment de limites. Adviendra que pourra. "Mais nous, on y croit", nous confie un membre du staff de la Squadra Azzura. Mieux vaut ne pas le dire trop fort, quand même.
Puisqu'on s'en voudrait de froisser les tifosi les plus superstitieux, on évitera d'écrire que l'Italie part favorite de son huitième de finale face à l'Autriche. Même si on le pense, évidemment. Pour les plus nostalgiques, on peut rappeler que lors du Mondial 90, la Nazionale avait débuté par une victoire face à la "Das Team". Une première nuit magique signée Totò Schillaci, évidemment. A l'époque, c'est tout le pays qui s'était arrêté pour assister à ce premier match à domicile. Le Pape Jean-Paul II, alors en visite pastorale dans une église de Rome, avait même décidé de l'écourter pour assister au coup d'envoi. Personne ne voulait manquer ça. Vraiment personne. Lors du match d'ouverture face à la Turquie, il y a quinze jours, presque 15 millions d'Italiens avaient suivi la rencontre. Ils seront probablement beaucoup plus ce samedi soir. Et si cet Euro, finalement, était celui des "Notti Magiche" de l'Italie ?
Manuel Locatelli et l'Italie seront au rendez-vous des 8es de finale de l'Euro 2020
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Plus de détails
Publicité
Publicité