Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Grandeur et décadence... Quand le rêve laitier de Parme a mal tourné

Four Four Two

Mis à jour 26/10/2017 à 18:11 GMT+2

En faillite et relégué en quatrième division italienne en 2015, Parme a retrouvé la Serie B cette saison. Le début d’un renouveau pour une formation qui a brillé de mille feux dans le milieu des années 90 avant de tout gâcher. Pour Eurosport, FourFourTwo vous raconte une histoire qui a mal tourné.

Les joueurs de Parme célèbrent la victoire en Coupe d'Italie, en 1999

Crédit: Getty Images

C’est l’une des décisions arbitrales les plus invraisemblables de l’histoire de la Serie A. En octobre 1993, Marcello Nicchi décida en effet d’accorder un coup-franc à Cremonese, estimant que l'interminable séquence de possession de Parme constituait un gain de temps répréhensible. Le Calcio ne s’en offusqua gère et le Parme de Nevio Scala continua à monopoliser le ballon dans un style envoutant, plus de deux décennies avant que les opposants du Tiki-Taka ne se fassent davantage entendre.

Scala et succès

Deux ans auparavant, à l’aube de la saison 1990-91, Thomas Brolin et Claudio Taffarel étaient sans doute les deux noms les plus ronflants de cette équipe de Parme. Mais le libéro Lorenzo Minotti et le meneur de jeu Daniele Zoratto en étaient les clés. Sous les ordres de Nevio Scala, et alors que tous les entraîneurs de l’époque s’appuyaient sur des systèmes à l’ancienne ou tentaient timidement un 4-4-2 en zone, les Parmesans imposaient leur propre style, dans un 5-3-2 aux airs de précurseur du 3-5-2 que la Juventus a adopté ces dernières saisons.
Trop souvent méconnu, Scala a reformaté le catenaccio, assimilé en tant que joueur lors de ses années milanaises sous les ordres de Nereo Rocco, l’un des pionniers de ce système présenté à tort comme purement défensif. Y ajoutant des influences néerlandaises et des consignes portées sur le jeu. Minotti devait ainsi privilégier les relances courtes et tous les ballons étaient destinés à Zoratto dans l’entrejeu. Parme alignait également un gardien doué avec les pieds, se positionnait haut sur le terrain et imposait un tempo élevé. Avec toujours cette volonté de confisquer le ballon jusqu'à ce qu’un espace s'ouvre pour que les deux latéraux s’y engouffrent.
picture

Nevio Scala tient une place monumentale dans l'histoire de Parme

Crédit: Getty Images

Pour un coach davantage reconnu pour son style que pour ses résultats, Scala a réalisé des performances impressionnantes avec Parme. Le club d’Émilie-Romagne, passé en coup de vent en Serie A en 1925, naviguait depuis plusieurs décennies entre les divisions B, C et D. Dès sa première saison en 1989, Scala retrouve l’élite italienne, affinant son équipe sur les bases posées par son illustre prédécesseur, Arrigo Sacchi. Et il ne s’est pas contenté de cela. L’année suivante, Parme décroche la cinquième place du championnat. Puis la Coppa Italia de 1992, la Coupe des Vainqueurs de Coupe 1993, la Super Coupe d'Europe la même année et enfin la Coupe de l’UEFA en 1995.
Parme a également terminé deux fois sur le podium de la Serie A et a atteint la finale de la Coupe des Vainqueurs de Coupe 94. Une période incroyablement faste pour les Gialloblù, qui empilaient les trophées et les recrues prestigieuses : Antonio Benarrivo, Alberto Di Chiara, Faustino Asprilla, Roberto Sensini et Gianfranco Zola, pour ne citer qu’eux. Dino Baggio est lui arrivé en provenance de la Juventus, faisant dire au propriétaire des Bianconeri et de Fiat, Gianni Agnelli : "Ces temps-ci, vous devenez plus riche en vendant du lait que des voitures."

L'argent laitier

Cette ascension spectaculaire à la sauce parmesane a été en effet largement financée par un géant laitier local en plein essor, Parmalat. Une entreprise dirigée par Calisto Tanzi, qui avait acheté une part du club en 1987 auprès du vénéré président Ernesto Ceresini, décédé seulement trois mois avant la montée du club en Serie A et dont la part majoritaire a finalement été rachetée par Parmalat. Selon le responsable marketing du groupe, Domenico Barili, posséder un club et afficher le nom de l'entreprise sur le maillot était le premier exemple parfait de parrainage.
Si Parme flirtait avec le Scudetto mais ne l'emportait jamais, Parmalat n'était pas vraiment impacté. Au contraire, les exploits européens du club étaient bien plus rentables commercialement. "Presque tous les commentateurs étrangers appellent l'équipe Parmalat, a déclaré un jour Domenico Barili. C'est une erreur vertueuse, très agréable pour l'entreprise." Et quelle plus belle ville que Parme pour essayer de conquérir l’Italie et l’Europe ? Un environnement parfait, l’île joyeuse comme certains l’appellent, où comme l’écrivait La Gazzetta dello Sport, "le football est comme une pierre précieuse dans un bijou déjà brillant : le théâtre, le cadre de vie, la gastronomie, les monuments..."
picture

Une voiture passe devant le centre d'entraînement de Parme en 2004

Crédit: Getty Images

De son temps, Sacchi avait déjà pu mesurer l’incroyable qualité de l’environnement. "Parme est un exemple presque unique de civilité, d'éducation et de joie de vivre, et pas seulement dans le sport, dixit le technicien italien. Au stade, vous n'entendez jamais de chants hostiles." Les supporters ont ainsi fêté leur équipe malgré l'élimination de la Coupe de l’UEFA en 1992. Des images rares. Des amateurs de sport qui ont grandi en se nourrissant des valeurs du rugby, du volleyball et même du baseball. Voilà aussi peut-être pourquoi la marche triomphale d'Aida résonnait dans les enceintes du stade chaque week-end de match. Un moyen de rendre hommage à Verdi, compositeur du cru...
C'était le cadre parfait pour le modus operandi de Scala et sa partition autour de l’équipe. Mais la symphonie et le projet initial ont été ébranlés par l'appétit aiguisé de Parmalat, symbolisé par le recrutement en 1995 de Hristo Stoichkov pour un peu plus de 10 M€ (presque le record mondial à l’époque). Le Bulgare n’avait pas le profil pour la formation de Scala. Un ajustement maladroit qui a débouché sur une saison sans trophée, la première de Parme depuis la promotion. Puis par le départ de Scala à l’été 96.

L'échec de la politique de stars

C’est un ancien joueur de la maison, Carlo Ancelotti, qui a repris les rênes d’une équipe de Parme au pedigree sans précédent mais qui n'a presque plus rien gagné. Lilian Thuram, Enrico Chiesa et Hernán Crespo ont suivi le transfert de Fabio Cannavaro, qui était arrivé en même temps que Stoichkov. Gianluigi Buffon, lancé à 17 ans par Scala, est lui devenu le premier choix dans la cage. Mais tout cela n’a pas suffi pour prendre le dessus sur une Juventus dominatrice. Parme avait certes battu la Vieille Dame de Giovanni Trapattoni lors de la Coppa Italia de 1992 ou en finale de la Coupe de l’UEFA 1995. Mais à la fin de la saison 1996-97, ce sont bien les Bianconeri qui ont remporté le titre, avec deux points d’avance sur les joueurs d’Ancelotti.
"A Parme, il ne suffit pas d'essayer de remporter le Scudetto, vous devez également exiger de pratiquer un football élégant", martelait Tanzi. Le titre justement, il n’en était plus du tout question lors de la seconde saison d’Ancelotti, Parme finissant à une décevante sixième place. Plombé par un parcours raté en Ligue des Champions et surtout dans le collimateur du propriétaire pour avoir refusé le transfert de Roberto Baggio, alors orchestré par Tanzi, Ancelotti n’a pas résisté et a été remplacé par Alberto Malesani.
picture

Le buteurn argentin Hernan Crespo, l'un des hommes forts de la grande époque de Parme

Crédit: Getty Images

Parme a continué à briller mais sans jamais atteindre ses rêves de grandeur. En 1999, Malesani a malgré tout offert au club trois titres en 100 jours (la Coppa Italia, la Coupe de l’UEFA et la Super Coupe d'Italie). Mais cela ressemblait déjà à des trophées de compensation pour une formation désormais guidée par Juan Sebastián Verón. Dans ce contexte, Malesani ne s'est jamais tout à fait imposé et son départ en 2001 a provoqué une instabilité dévastatrice, avec quatre coachs en seulement dix-huit mois.

La fin du rêve

Puis vint le crac, comme l'appellent les Italiens. Peu de personnes se souviennent de la première faillite du club en 1968 et de sa reconstruction. En revanche, personne n'a oublié la terrible implosion de Parmalat en 2003. Abandonné par son propriétaire, le club a alors connu une décennie agitée : lutte contre la relégation, soucis financiers, valse d’entraîneurs, descente, remontée... Jusqu’à la faillite le 19 mars 2015 et le placement en prison de son président de l’époque, Giampetro Manenti.
Les réactions de Crespo, meilleur buteur du club et désormais entraîneur des jeunes, et de Scala, son plus grand entraîneur, ont été poignantes. "Si nous devons conduire les joueurs avec notre propre argent et nos propres voitures pour les matchs à l’extérieur, nous le ferons, déclare ainsi le buteur argentin au moment de la faillite. J'ai vu le centre de formation se construire brique par brique. J'ai marqué le premier but ici. Cela me rend fou de voir la situation. Mais nous honorerons ce club jusqu'à la fin."
Nevio Scala a lui parlé d’un retour à la vie agricole, référence à la période pendant laquelle il s'était consacré à ce club. Mais difficile pour lui de supporter la situation quand la faillite et la relégation en Serie D ont été prononcées. "Je suis choqué, déçu et démoralisé. Ils ont détruit mon bébé. Il est difficile de comprendre comment ils ont pu détruire ce petit bijou. Mais il y a une chose que je dois souligner : Parme peut échouer sur le papier. Mais les émotions et la joie que cette équipe a donné à ses fans et à la ville vivront éternellement." Rendez-vous l’an prochain en Serie A !
Découvrez FourFourTwo, le magazine de foot le plus vendu dans le monde
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité