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Hiver 63. Un tour de Cup en 66 jours et 261 reports...

Four Four Two

Mis à jour 16/01/2018 à 11:47 GMT+1

Plongée dans une vague de froid sans précédent au cœur de l’hiver 1963, la Grande-Bretagne va vivre le tour de Cup le plus long de l’histoire. Plus de deux mois et 261 reports pour boucler tous les matchs. Pour Eurosport, FourFourTwo vous raconte cette histoire.

Tottenham-Burnley (crédit : FourFourTwo)

Crédit: Eurosport

Un troisième tour de FA Cup disputé sur 66 jours ! Des lance-flammes sur les pelouses pour essayer de rendre les terrains praticables. L’hiver 1963 est entré dans les livres d’histoire du football britannique, au cœur de la période la plus froide enregistrée depuis 1740. Symbole de cet hiver exceptionnel, la rencontre prévue entre Sheffield United et Bolton, initialement programmée le 5 janvier 1963, ne s’est finalement jouée que le 6 mars.
Ce troisième tour aura subi au total 261 reports, dont quinze pour le seul match entre Lincoln City et Coventry. Avec des congères de près de cinq mètres, des vents violents, du brouillard verglaçant, trois mois de gel et des températures descendant jusqu'à -20,6°, impossible ou presque de jouer au football. La rencontre entre Middlesbrough et Blackburn, débutée le 5 janvier à Ayresome Park, s’est conclue... le 11 mars et a mis un terme au plus long tour de Cup de l’histoire.
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La Tamise (crédit : FourFourTwo)

Crédit: Eurosport

Tout au long de cette période, la Fédération anglaise (FA) a également dû se soucier des répercussions financières du gel. Un club comme Blackpool, par exemple, n'a pas joué à domicile entre le 15 décembre 1962 et le 2 mars 1963. La FA a donc consenti des prêts sans intérêt aux formations les plus impactées. Des clubs qui n'étaient pas les seuls à ressentir cette pression. En l'absence de matchs pour leurs millions de parieurs, les sociétés de paris ont créé le Pools Panel pour inventer des résultats pour des matchs qui ne se jouaient pas (mais bizarrement pas les scores).
C’est à la fin de décembre 1962 que le temps a commencé à tourner. Deux jours avant Noël, un brouillard glacial a entraîné l’annulation de 18 matchs de Football League et l’interruption de huit autres. Quatre jours plus tard, la majeure partie de l'Angleterre était sous quatre centimètres de neige. Et alors que le gel ne relâcha jamais son emprise, la glace sur la Tamise devint si épaisse qu’un rassemblement de voitures y fut organisé.
Ce mois de janvier au cœur de l’hiver 1963 a été le plus froid du 20eme siècle en Grande-Bretagne. Une grande partie du pays étant immobilisée par une épaisse couverture de neige, le prix des aliments frais a grimpé de 30%. Dans de nombreuses régions, l'approvisionnement en eau est devenu impossible en raison du gel. Et le football anglais n'était pas prêt pour une crise aussi soudaine.

Des lance-flammes sur la pelouse de Norwich

Comme certains stades n'avaient pas de projecteurs, la FA a demandé aux clubs de jouer leurs matchs en journée, pour éviter les coupures de courant. Seuls quelques terrains, comme Goodison Park, étaient chauffés. Le 5 janvier, seules trois rencontres du troisième tour de la FA Cup ont pu avoir lieu. Dans le nord-ouest, Preston a perdu à domicile contre Sunderland (4-1) pendant que Tranmere faisait match nul avec Chelsea (2-2). Et dans le sud-ouest, Plymouth a été battu par West Brom (5-1).
Les 29 autres matchs ayant tous été reportés et avec seulement deux équipes (Sunderland et West Brom) officiellement qualifiées pour le quatrième tour, 62 clubs ont participé à ce que The Times a décrit comme "l'un des tirages les plus inhabituels de l'histoire de la compétition", au siège de la FA à Lancaster Gate. Réalisant que le dégel n’arriverait pas de sitôt et conscient du manque à gagner en termes de recettes en billetterie, les patrons de club ont alors commencé à considérer toutes les idées, même les plus absurdes, pour rendre les terrains praticables.
Des tracteurs de déneigement danois, des machines à air chaud et des pastilles dégivrantes : tout a été essayé. Le 22 janvier, Norwich a même testé les lance-flammes. Souci, la glace fondue regelait instantanément. Quand la neige était dégagée, elle laissait place à un sol souvent gelé sur près d’un mètre de profondeur. Le club de Wrexham a donc décidé de recouvrir la pelouse du Racecourse Ground avec plus de 80 tonnes de sable. Quatre jours plus tard, la rencontre face au Liverpool de Bill Shankly a pu se jouer. Avec au bout du compte un succès 3-0 des Reds sur la "plage" de Wrexham.
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Un tracteur pour enlever la glace (crédit : FourFourTwo)

Crédit: Eurosport

Pour certains clubs en revanche, cet hiver 1963 a été traversé presque sans encombre. Et notamment pour Leicester, où le jardinier Bill Taylor avait eu la bonne idée l’été précédent de traiter le terrain avec un mélange d'engrais et de désherbant qui produisait suffisamment de chaleur via une réaction chimique pour atténuer les effets des gelées. "Notre jardinier a augmenté cet effet en plaçant des fûts de pétrole remplis de charbon chaud à divers endroits autour du terrain, ce qui a suffisamment augmenté la température de l'air pour lutter contre le gel", s’est souvenu Gordon Banks dans ses mémoires.
Après avoir battu Grimsby Town (3-1) avec seulement quatre jours de retard sur le programme initial, Leicester a pu jouer son match du quatrième tour, à domicile contre Ipswich, à la fin du mois de janvier. Alors que dans le même temps, de nombreux clubs n'avaient pas disputé la moindre rencontre depuis 10 semaines... Les Foxes, eux, ont pu enchaîner et se qualifier pour les huitièmes de finale (5eme tour) alors que le troisième tour n’était toujours pas bouclé. Avec neuf victoires d'affilée toutes compétitions confondues pendant cette période, ils ont été surnommés les "Rois de la Glace".

Gordon Banks, fûts de charbon et chaussures spéciales

Comme l’expliquent les mémoires de Banks, on était pourtant loin d’un terrain idéal, à Leicester comme ailleurs. "La pelouse était en partie gelée à partir de 15 heures, en raison de l'ombre de l'imposante tribune à deux étages qui coupait le terrain en deux." Du coup, l’emblématique gardien aux 73 sélections, champion du monde avec l’Angleterre en 1966, a dû recourir au système D : une chaussure classique pour son pied droit, une autre avec des crampons moulés en caoutchouc pour le gauche, mieux adaptée aux surfaces dures.
Pour ceux qui ne jouaient pas, la vie n'était pas beaucoup plus facile. La rencontre entre Stoke et Leeds a ainsi été reportée douze fois et Bobby Collins, capitaine de Leeds décédé en janvier 2014, aimait raconter ces entraînements cinq fois par semaine sur un terrain d'école complètement gelé. "Et quand le week-end arrivait, c'était une nouvelle déception, disait-il. Les gars avaient tellement d'énergie qu'ils priaient pour qu’un match ait lieu."
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Un chien sur le terrain pendant Luton-Swindon (crédit : FourFourTwo)

Crédit: Eurosport

Les dirigeants du club priaient aussi. Harry Reynolds, Manny Cussins et Albert Morris ont multiplié les prêts et ont même dû apporter des garanties personnelles pour persuader la banque d'augmenter le découvert du club. Ils auraient peut-être dû s'inspirer de leurs homologues de Halifax Town, qui ont transformé leur enceinte en patinoire payante pour le public.
Finalement, tout est rentré dans l’ordre le 6 mars quand, avec deux mois de retard, Stoke et Leeds se sont enfin retrouvés à Elland Road. Le terrain avait été décongelé à l’aide d’une centaine de braseros, offrant la vision d’un vaste champ de boue. Bien engagé pour une montée en Première Division, Stoke n'a pas pris le risque de faire jouer le grand Stanley Matthews (Ballon d’Or en 1956 et âgé de 48 ans) et s'est incliné 3-1 face à une équipe de Leeds qui n'avait pas gagné un match de Cup depuis 1952.
Pour lutter contre ce froid persistant et surtout jouer des matchs, une poignée de clubs est partie à l'étranger. Désireux de garder son équipe en forme, également dans l’optique d’une promotion, le manager de Chelsea, Tommy Docherty, a ainsi organisé un match amical contre Malte. Les Blues l’ont gagné mais l'euphorie s'est vite transformée en frustration, la fermeture des aéroports britanniques ayant retardé leur retour au pays.

Manchester United glace Leicester en finale

Afin de trouver des solutions aux terrains impraticables et pour éviter les embouteillages dans son calendrier, la FA a déclaré que les matchs pouvaient se disputer sur des terrains neutres, proposant notamment à Jimmy Hill, le manager de Manchester City, de disputer son troisième tour de Cup face à Lincoln à Dublin. Peut-être que le club de Lincoln aurait dû accepter car quand les deux équipes se sont finalement rencontrées le 6 mars, les Impériaux ont perdu 5-1 sur leur pelouse de Sincil Bank.
Cinq jours plus tard, Middlesbrough a battu Blackburn (3-1) à Ayresome Park et on en avait enfin terminé avec ce troisième tour de la Cup. Mais le chaos, lui, s’est prolongé. Si le tirage du quatrième tour avait été assez grotesque, que dire de celui des huitièmes de finale, avec 48 équipes toujours en lice pour 16 places ? Le 9 février 1963, la FA a donc décidé de reporter le tirage au sort, pour la troisième et dernière fois.
Au moment où Alan Peacock inscrivait les buts qui permettaient à Middlesbrough de se qualifier pour le quatrième tour, huit équipes avaient déjà atteint le cinquième : Chelsea, Everton, Leicester, Liverpool, Orient, Southampton et Sunderland. Il faudra attendre la fin des huitièmes de finale, avec notamment huit matchs se déroulant sur neuf jours, pour remettre les compteurs à zéro. La FA Cup était évidemment très en retard sur le calendrier prévu mais au moins, chaque équipe était désormais au même stade de la compétition.
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Des brouettes de glace lors de Tottenham-Burnley (crédit : FourFourTwo)

Crédit: Eurosport

Le 25 mai 1963, Leicester donna enfin le coup d'envoi de la finale de la FA Cup avec l’étiquette de favori. Un doublé était même longtemps envisageable avant quatre défaites consécutives en championnat avant ce dernier rendez-vous de Cup. En face des Foxes, le Manchester United de Matt Busby avait cravaché depuis le dégel et avait échappé à la relégation pour seulement trois points. Malgré ce rapport de forces en faveur de Leicester, les Ice Kings n’ont pas été en mesure de régner sur l'herbe immaculée de Wembley. United l’a emporté 3-1 grâce à des buts de Denis Law et David Herd (x2), Keyworth sauvant l’honneur tardivement pour City.
Dans les rangs de la FA, l’heure était au soulagement à l’issue de cette finale. Le président Sir Stuart Mallinson a décrit cette saison du grand gel comme le dernier épisode qui a vu l’esprit et les valeurs britanniques triompher de l'adversité, louant notamment la patience et la bonne humeur de clubs qui avaient su s’adapter. Pour le coach de Manchester, Matt Busby, cette victoire en 1963 fut un pas de géant sur la route du retour à la grandeur. La FA Cup était le premier trophée de United depuis la catastrophe de Munich. Et pas le dernier.
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FourFourTwo

Crédit: From Official Website

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