FC Barcelone - Atlético de Madrid : Antoine Griezmann, et si c'était sa meilleure saison ?

C'était pourtant mal parti. Antoine Griezmann sortait d'une saison sans relief pour son retour à l'Atlético de Madrid. Avec 3 buts et 5 passes décisives en Liga, ses statistiques les plus faibles depuis dix ans, le Français était quasiment devenu un joueur anonyme du championnat espagnol. Il entretenait des relations très fraîches avec les supporters des Colchoneros, qui ne lui avaient pas pardonné son départ à Barcelone en 2019. Il avait abordé le nouvel exercice avec un temps de jeu très limité, dû à une clause contractuelle entre le Barça et l'Atlético. Tout indiquait alors qu'une nouvelle saison galère l'attendait dans la capitale espagnole.

Quelques mois plus tard, le constat est radicalement différent. Griezmann est l'incarnation la plus symbolique du renouveau des hommes de Diego Simeone. La formation du technicien argentin reste sur 13 matches sans défaite en Liga, dont 10 victoires. Elle a enchaîné un sixième succès le week-end dernier en s'imposant devant Almeria. Grâce à un doublé de l'international tricolore, qui totalise désormais 11 buts et 9 passes décisives en championnat. La confirmation d'un retour tonitruant au premier plan entamé au mois d'octobre, quand sa situation a enfin été régularisée avec un transfert définitif à l'Atlético, pour 20 millions d'euros.

Les dirigeants de l'Atlético s'en frottent les mains. Entre le prix du joueur et son rendement sur le terrain, ils ne sont pas loin d'avoir réalisé l'une des affaires du siècle. Griezmann n'est pas aussi prolifique que lors de sa première époque madrilène, où il avait systématiquement franchi la barre des 20 buts toutes compétitions confondues. Mais il n'a certainement jamais été aussi brillant. "Pour moi, c'est la meilleure saison de sa carrière, témoigne David Orenes, journaliste à la rédaction espagnole d'Eurosport. Il marquait plus avant, mais depuis son retour de la Coupe du monde, c'est devenu un joueur complet. Il défend, il attaque, il organise, il créé… Il est le joueur le plus clairvoyant du championnat actuellement."

Une évolution dans la lignée de son Mondial au Qatar avec les Bleus. Dans une position plus reculée, quasiment en relayeur, le Mâconnais avait joué un rôle crucial pour équilibrer le collectif tricolore dans le parcours des hommes de Deschamps jusqu'en finale. Un rôle, surtout, qui met parfaitement ses atouts en valeur. Sa technique et sa qualité de passe sont sublimées par son volume de courses et son sens du déplacement à ce poste, avec une capacité prouvée à lire le jeu pour se montrer décisif. Griezmann était passé à côté de la finale contre l'Argentine. Il n'en avait pas moins réalisé un tournoi remarquable dans un registre auquel il n'était pas habitué.

Simeone l'utilise d'une manière assez similaire cette saison. Griezmann évolue comme un milieu offensif et dispose d'une liberté de mouvement totale qui lui permet d'offrir le meilleur de son talent. Car elle lui permet de l'exprimer à tous les niveaux. "C'est la première raison pour expliquer sa saison exceptionnelle, avance David Orenes. Griezmann a un nouveau positionnement, plus en retrait, qui lui permet de toucher beaucoup plus de ballons tout en se projetant vers la surface de réparation pour surprendre l'adversaire."

Le mérite en revient aussi à Simeone. Mais l'entraîneur de l'Atlético préfère mettre en avant son joueur. "La progression de Griezmann est extraordinaire, a-t-il affirmé samedi en conférence de presse. C'est un garçon noble, un joueur d'équipe, et quand lui se sent bien, on joue un football différent. Je me souviendrai toujours du dernier match avant le Mondial, je le voyais courir comme un gamin de 18 ans alors qu'il devait s'envoler pour le Qatar quatre jours plus tard. Ça, tous les joueurs ne l'ont pas. Mais lui, il l'a."

L'évolution du rôle de Griezmann symbolise bien celle du style de jeu de son équipe. L'Atlético a su se réinventer pour proposer autre chose qu'un football essentiellement défensif dans le sillage de son maître à jouer. "Je suis dans ma version la plus complète, au niveau des passes décisives et du jeu, expliquait le Français après la victoire contre Almeria. Avant, notre jeu était plus vertical, davantage dans la profondeur, avec la recherche d'espaces. Maintenant, on a des joueurs qui apprécient plus de combiner. Je m'adapte à cela et j'essaie de trouver ma place."

Il le fait avec brio, sans avoir abandonné sa faculté à faire la différence. Griezmann marque moins, mais il reste l'un des trois joueurs les plus souvent impliqués de manière directe sur les buts de son équipe en Liga (19), avec Robert Lewandowski (23) et Karim Benzema (19). Surtout, il fait gagner des matches au-delà de sa plus-value dans le jeu. Ses buts et ses passes décisives ont ainsi rapporté pas moins de 18 points à l'Atlético depuis l'été dernier, plus que n'importe quel autre élément du championnat espagnol.

Griezmann est devenu un footballeur total. Son rayonnement dans tous les aspects du jeu, y compris défensif, et son impact sur les résultats de son équipe en font pour beaucoup d'observateurs le meilleur joueur de la Liga actuellement. Cela donne une dimension particulière à son rendez-vous avec le Barça dimanche. Parce qu'il a une histoire très contrariée avec le club catalan. Parce que Barcelone est la dernière équipe à avoir battu l'Atlético en championnat. C'est l'occasion rêvée pour le Français de marquer un drôle de paradoxe. Cette saison qui s'annonçait pourrie ressemble bien à la plus belle de sa carrière.