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Les quatre raisons pour lesquelles le PSG a tort de refuser le débat sur son jeu

Cédric Rouquette

Publié 23/04/2015 à 14:18 GMT+2

Même Blaise Matuidi est méconnaissable. Lui, habituellement si aimable, aussi complice en zone mixte qu’hyper-actif sur la pelouse, avait choisi mercredi soir de se refermer comme une huître sur la question du niveau de jeu et du rendement du Paris-SG après son nul à Lille (1-1).

Les quatre raisons pour lesquelles le PSG a tort de refuser le débat sur son jeu

Crédit: Eurosport

Un regard à la fois vide et défiant. Des réponses en un mot qui ne valaient guère mieux qu’un vent. Laurent Blanc avait utilisé plus de termes, la veille, mais il disait la même chose : il refusait net, désormais, les interrogations sur le sujet. Les raisons en sont d’ailleurs particulièrement confuses. On ne sait pas s’il reproche à ses interlocuteurs d’avoir tort ou raison. Restent les faits : vouloir parler avec les joueurs du PSG de la pauvreté du jeu moyen pratiqué cette saison, c’est, depuis cette semaine, comme interroger Ségolène Royal sur le livre de Valérie Trierweiler, sourire non compris. Pas de commentaire. Trop risqué, trop sensible. Et déplacé, comprend-on.

Paris - qui fut d’ailleurs bien meilleur par séquences à Villeneuve-d’Ascq - a évidemment tort de se brusquer face à l’évocation du sujet. D’abord car ce déni ne trompe personne, ni parmi les médias, ni parmi les spectateurs. Et surtout car, sur le fond, le PSG dessert ses propres intérêts en refusant la légitimité du sujet. Voici pourquoi, en quatre raisons, évidemment liées les unes aux autres.

1/ L’exigence est la plus grande marque de respect possible

Le PSG sabote trop souvent son expression technique à force de suffisance. ll a arrêté de perdre des points avec cette tendance persistante - qui lui en a coûté huit en L1 en début de saison - mais le spectacle d’un PSG malmené par Nice, au Parc, et qui fait rentrer un défenseur pour tenir le 1-0 reste "hallucinant", pour reprendre le terme du consultant qui officiait en direct ce soir-là. Ces commentaires se basent sur la nostalgie d’un PSG qui écrasait tout sur son passage il y a un an. Ils cherchent à comprendre comme une équipe stable et renforcée par petites touches peut bien arrêter de progresser et même donner l’impression de décliner.

S’ils le font, c’est pour la seule et unique raison qu’ils accordent au PSG le crédit construit par celui-ci, chaque été, à coups de millions d’euros. S’ils le font, c’est parce que le message d’excellence envoyé par Paris depuis 2011 a été reçu cinq sur cinq. L’exigence est un luxe réservé à ceux qui méritent cette attente. Le PSG ne peut pas impunément brandir les objectifs les plus importants qui soient, se doter d’un effectif jamais vu en France, garder et attirer les stars tandis que la L1 vend et vend encore, et s’attendre à ce que soit cautionné le spectacle d’une équipe qui refuse de se faire mal chaque minute pour acquérir ce statut. Devenir l’égal du Bayern, du Barça ou de Chelsea est un travail quotidien. Il implique les cols blancs dans un premier temps. Il implique surtout les joueurs en bout de chaîne. Ce que nous dit l’investissement moyen du PSG en championnat cette saison, c’est que ce travail n’est pas prêt d’être achevé.

Au fond, Paris a surtout besoin d’inverser son postulat de départ dans les débats incessants qui nourrissent la chronique : s’il n’était pas soumis à cette pression quotidienne, il pourrait s’en inquiéter. Sa réaction agacée aux interrogations montre que l’apprentissage du statut qu’il revendique est loin d’être terminé.

2/ L’équipe doit s’habituer à une intensité maximale pour la Ligue des champions

L’autre jour, sur Canal+, Guy Roux comparait le PSG à l’élève d’une classe doué mais avachi sur ses facilités. Celui qui a 11 sur 20 quand un contrôle se présente. Sauvera toujours l’essentiel le jour de l’examen mais se retrouvera sans marge de manoeuvre le jour où il faudra donner le meilleur de lui-même. Ce jour viendra, pour le PSG. Ce sera en quart de finale ou en demi-finale de Ligue des champions. Peut-être avant en cas de tirage défavorable. Même si la capacité du club de la capitale à se hisser au niveau de l’adversaire - dans les deux sens - a produit deux victoires-clefs cette saison contre Barcelone (3-2) puis Marseille (2-0), penser que l’équipe passera entre les gouttes à chaque fois est extrêmement téméraire. Envisager qu’elle est capable de décrocher la Ligue des champions en s’habituant à donner aussi peu chaque semaine l’est aussi. Être performant le jour J dans un contexte d’intensité extrême implique de s’habituer à cette intensité. Nice, Nantes, Metz, Guingamp ou Rennes ne prépareront pas le PSG à ses futurs duels contre le Bayern, le Barça ou Chelsea, c’est évident. Mais le PSG a seul les moyens de se préparer lui-même à être au maximum de son potentiel à chaque match. C’est la marque des grands. Quiconque détectera que le PSG sous-estime cette dimension de son savoir-faire a le droit de chercher à savoir pourquoi.

3/ Résultats et manière : un entraineur marche toujours sur ses deux jambes

"Sans le coup franc, on ne gagne jamais. Ce soir, la charnière centrale, c’est une déroute. Il faut que les garçons aient un comportement de professionnel. Moi je veux bien faire un cri de guerre dans le vestiaire avant le match mais sur un terrain la première qualité que l’on doit avoir quand on a la chance d’être joueur professionnel, c’est la vaillance et la vaillance, je ne l’ai pas beaucoup vue." L’entraîneur qui parle vient de gagner un match-clef. L’entraîneur qui parle vient d’enchaîner trois victoires consécutives. Son classement (13e) est quasiment le plus haut des trois dernières saisons. Mais la feuille de résultats n’est pas toujours bavarde quand il s’agit de football. Pascal Dupraz, l’entraîneur d’Evian-Thonon-Gaillard - il s’agit de lui - l’assume publiquement. Bien évidemment, la situation de Dupraz et celle de Blanc n’a rien de commune et leur stratégie de communication ne peut être tout-à-fait la même.

Ce que confirme, en revanche, la parole de Dupraz, c’est qu’un entraîneur de football sait que les résultats sont la condition de son maintien et de son crédit. Il sait aussi que la capacité de ses joueurs à se faire mal, à jouer ensemble, à avoir une identité de jeu, à respecter chaque adversaire, à dégager quelque chose de fort, tout cela manifeste aussi la condition de sa réussite.

Dans une autre vie, celle de sélectionneur de l’équipe de France, Laurent "Président" Blanc avait cette stature d’homme au-dessus de la mêlée. Celui qui était capable de distinguer les résultats - les siens étaient très bons - des ressources intimes de l’équipe, encore balbutiantes dans les vingt-quatre mois suivant le désastre de la Coupe du monde 2010, ce qu’il ne se privait jamais de dire pour calmer tout le monde. Il n’avait visiblement pas tort puisque l’équipe a sonné creux lors de son premier vrai crash test en quart de finale contre l’Espagne (0-2). Personne ne reprochera au PSG d’occuper la deuxième place en étant invaincu. Blanc et les joueurs ont raison de le souligner et personne ne le fera à leur place en cas d’oubli. En revanche, les sujets liés au niveau général du PSG ne sont pas moins importants que les autres.

Laurent Blanc a une autre bonne raison d’être bien placé pour le savoir. Il n’y a pas si longtemps, la L1 avait donné à voir le spectacle d’un champion de France très loin de son niveau habituel, avec une identité de jeu déliquescente, une anormale fragilité, mais qui était souvent sauvé par ses individualités ou un bon quart d’heure par-ci par-là. La L1 se berçait d’illusions sur le fait que ça allait passer. "Comme d’habitude". Et finalement, non, Lyon ne fut pas champion une huitième fois consécutive. Nous étions en 2008-2009. Les Girondins de Bordeaux s’étaient emparés du titre en toute logique, avec une équipe solidaire sur plan défensif, brillante sur le plan offensif et intense dans son engagement. Entraîneur : Blanc Laurent.

4/ Le spectacle fait partie de la mission de l’entraîneur parisien

Au Parc, les places les moins chères sont à 40 euros. Et ça grimpe très vite : 75, 85, 100 euros et (beaucoup) plus ensuite. Voir le PSG jouer en vrai n’est pas à la portée de toutes les bourses. Sur le strict plan de la stratégie économique, cela se défend. L’équipe dirigeante doit minimiser les risques vis-à-vis du fair-play financier en optimisant ses recettes. Et surtout, donner accès à une équipe de stars achetée plus de 300 millions d’euros, c’est un service et une promesse de spectacle qui peut se monnayer au prix fort. Surtout si le spectacle suit.

Il n’aura échappé à personne que la stratégie de QSI au PSG consistait à construire l’image la plus positive possible de l’équipe, de la ville, du projet, du savoir-faire qatari. Image "rayonnante" serait un terme plus adapté. Nasser-Al-Khelaïfi l’a souvent rappelé depuis sa prise de fonction. Il veut voir du spectacle. Du beau football. A défaut, de l’intensité. Que le PSG gagne n’est qu’une partie de la feuille de route. Il doit le faire en pratiquant un football agréable, qui matérialiserait sa supériorité économique chaque samedi soir. Il faut avoir la mémoire courte pour ne pas se souvenir que gagner sans bien jouer a pu être considéré comme inacceptable par l’exécutif parisien dans un passé pas si ancien. Le 22 décembre 2011, le PSG possédait 40 points en 19 journées soit 2,105 points par match en moyenne. Il était leader, contrairement à l’équipe actuelle, par ailleurs beaucoup mieux outillée sur le papier, malgré un gain moyen légèrement inférieur (2,125 points). Antoine Kombouaré avait été démis de ses fonctions. Pour un motif simple : quand il s’agit du PSG, le résultat n’est pas tout.
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