Clàsico, la Guerre des mondes : Quand le Barça pensait à José Mourinho plutôt qu'à Pep Guardiola

Quand Laporta évoque l’hypothèse Guardiola en réunion avec ses camarades, "j’en ai perdu mes lunettes", raconte Marc Ingla, vice-président. Le Barça a un faible pour les grands entraîneurs et Mourinho est le numéro un à l’époque. En outre, une de ses "skills", comme dit Ingla, c’est qu’il connaît bien la maison depuis ses années au club. Il mérite une réunion. Sans informer Laporta, Marc Ingla et Txiki Begiristain se rendent à Lisbonne pour une réunion de trois heures. Le Mou explique son programme et, à la demande des dirigeants, a même préparé un petit DVD. L’option Guardiola est déjà dans les tuyaux et les récentes sorties médiatiques sont ennuyeuses. "José, nous avons un problème avec toi. Tu utilises un peu fort les médias. Il m’a répondu : 'Oui mais je ne changerai pas'. C’est ce qui l’a disqualifié définitivement", raconte plus tard Ingla, sur TV3, la chaîne publique catalane.

Guardiola ? "Mourinho voulait que quelqu’un de la maison fasse partie de son équipe technique. On a parlé de Guardiola, Ferrer ou Sergi Barjuan. Mais nous avions d’autres projets pour Guardiola." José n’entraînera jamais le club de sa jeunesse. C’est à cause de Josep Guardiola. Un entraîneur débutant de troisième division qui, au mieux, valait un poste d’adjoint sous son gouvernement, lui souffle son plan de carrière. Dur, pour un Special One.

Le 6 mai 2008, Laporta et Guardiola sont au chevet de Cristina, l’épouse de Pep, qui vient d’accoucher de Valentina, sa troisième fille, à la clinique Dexeus de Barcelone. C’est Laporta qui raconte : "Je lui annonce alors que tout est décidé et que si on ne gagne rien cette saison, j’aimerais qu’il soit le nouvel entraîneur de l’équipe première. Pep me répond en catalan : 'No tindras collons' ('Tu n’auras jamais les couilles')." Laporta s’arrête, se marre et reprend : "Alors je lui dis : 'Ah oui, pourquoi?', et lui, en se marrant, il me regarde dans les yeux et me fait : 'Parce que tu sais que je vais gagner la Liga'." Un an et demi plus tard, Guardiola fait beaucoup plus. Il terrasse Johan Cruyff, Helenio Herrera, Arrigo Sacchi, Fabio Capello, Louis van Gaal et José Mourinho, dès sa première saison, en remportant toutes les compétitions qu’il dispute : Coupe, Championnat, Champions, Supercoupe d’Espagne, Supercoupe d’Europe, Coupe Intercontinentale. Six titres d’un coup. Au passage, il inflige un 6-2 au Real Madrid de Juande Ramos chez lui. "Le septième titre de l’année", ajoute Laporta.

Le meilleur entraîneur du monde, ce n’est plus Mourinho. L’homme admiré pour son discours, son élégance, son football et son équipe, c’est Josep Guardiola. En une seule saison, le monde s’incline devant une prouesse inédite. Alex Ferguson n’a pas l’habitude de faire des sourires le jour d’une défaite. Pourtant, le 27 mai 2009, il n’y a rien à regretter. Il a perdu une finale de Champions contre "la meilleure équipe". Il dépose ensuite les armes devant "un entraîneur sensationnel car il a été capable de tout gagner tout en maintenant sa philosophie de jeu". Dix jours avant, Mourinho est champion avec l’Inter. En neuf saisons, il a déjà remporté quatorze titres dont cinq championnats parmi les plus difficiles (Portugal, Angleterre, Italie). Mourinho est le meilleur. Mais Guardiola aussi. L’Inter Milan et le FC Barcelone sont leurs bijoux. En une saison, José et Josep se retrouvent sur les cimes, là où il n’y a pas de place pour deux.

Le 1er août 2009, un cancer du poumon éteint Bobby Robson à l’âge de 73 ans. Ce jour-là, José Mourinho et Josep Guardiola ont perdu leur grand-père footballistique. Le vieux est parti. Ils vont pouvoir se déchirer tranquillement. Tous les coups sont permis. La guerre est déclarée.