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Le FC Porto, monument en péril

Julien Pereira

Mis à jour 08/05/2020 à 22:01 GMT+2

PORTUGAL - Mastodonte portugais, géant du foot européen, le FC Porto est frappé de plein fouet par la crise liée à la pandémie de Covid-19. Alors que son modèle entretenait déjà une santé économique fragile, le club se retrouve désormais au pied du mur. Et condamné à assombrir son avenir sportif.

Otavio lors d'un match opposant le FC Porto à Portimonense, le 23 février 2020

Crédit: Getty Images

Vous le savez sans doute, et les différents discours que vous avez entendus ici et là, depuis le début de la crise sanitaire, l'ont de toute façon rappelé : en politique, chaque mot doit être pesé, testé, réfléchi. José Fernando Rio connaît parfaitement cette règle. Alors, avant d'être repris par O Jogo, quotidien réputé proche du FC Porto, le candidat à la présidence des Dragons a bien choisi sa formule : "S'il n'y a pas de changement, le club risque de ne pas avoir de futur."
Ainsi, le juriste n'a pas eu à nommer Pinto Da Costa, favori à sa propre succession, même si son immunité acquise à coups de titres nationaux et continentaux - il est l'homme des 4 Coupes d'Europe - s'est effritée. Surtout, Rio a, de cette manière, laissé entendre que la situation du club portista n'était pas totalement désespérée. C'est plus pratique pour être élu.
Mais si l'affirmation n'est pas mensongère, elle ne traduit pas suffisamment l'urgence dans laquelle la crise sanitaire et ses conséquences économiques ont plongé le mastodonte portugais. Sur les bords du Douro, l'inquiétude ne touche plus seulement aux perspectives. Elle s'attaque au présent.
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Sergio Oliveira s'apprête à tirer un corner lors d'un match opposant le FC Porto à Portimonense, le 23 février 2020

Crédit: Getty Images

Depuis des décennies, et plus encore depuis la crise financière de 2008, le FC Porto compte parmi les clubs les moins sains d'Europe, économiquement parlant. Avant que la pandémie de Covid-19 ne mette à l'arrêt tous les championnats du Vieux Continent, la dette du FCP atteignait 250 millions d'euros. Pourquoi ? Parce que les Dragons vivent bien au-dessus de leurs moyens, grâce à des fonds spéculatifs, d'énormes emprunts bancaires et d'autres revenus sur lesquels ils n'ont aucun contrôle, comme les droits télévisuels.

Cercle vicieux

Longtemps, Porto a profité de sa supériorité nationale, de sa régularité européenne et de ses gigantesques plus-values sur le marché des transferts pour boucler chacun de ses exercices dans un équilibre fragile. Le voici, maintenant, empêtré dans un cercle vicieux.
En Liga, les cycles ont changé et le Benfica a repris la main. La chute du Portugal à l'indice UEFA a complexifié le parcours menant à la Ligue des champions et, par conséquent, l'accès à la juteuse prime de qualification pour les huitièmes de finale, si importante pour les comptes portistas. Depuis le titre acquis par l'équipe de Villas-Boas en Ligue Europa, en 2011, Porto s'était toujours qualifié pour la phase de groupes de la C1, atteignant cinq fois les huitièmes et deux fois les quarts. Cette saison, les Dragons n'ont pas goûté à la plus prestigieuse des compétitions européennes.
André Villas-Boas porté en triomphe lors de la victoire du FC Porto en finale de la Ligue Europa face à Braga, le 18 mai 2011
Cet échec a considérablement affecté les comptes. Côté en bourse, le club "azul e branco" a bouclé le premier semestre 2019/2020 avec une perte chiffrée à près de 52 millions d'euros. Un an plus tôt, il s'en était sorti avec un bénéfice légèrement supérieur à 7 millions d'euros. Un tel trou dans la caisse représentait déjà un danger pour l'avenir économique et sportif du FCP. Mais la pandémie a mis la direction des Dragons face à une réalité qu'elle a toujours tenté de masquer : le modèle n'est pas viable. Au contraire.

Pour Porto, la reprise du championnat est une nécessité absolue

Dans la précipitation, elle a dû négocier une baisse provisoire des salaires des joueurs, estimée à 40% par la presse portugaise. Mais elle s'est engagée à la compenser à hauteur de 20% dès la reprise des compétitions, alors que les 20% restants seront payés lorsque les huis clos pourront être levés. Elle cherche également à reporter d'un an un prêt de 35 millions d'euros contracté en 2017, qu'elle devait rembourser au mois de juin prochain. Problème, Porto devra régler un autre emprunt du même montant en... 2021.
Pour tenter de desserrer l'étreinte, le club a tenté de faire pression afin d'obtenir en amont le paiement des droits télévisuels pour la fin de saison, alors que les diffuseurs avaient déjà versé l'ensemble des montants dus pour le mois de mars, même pour des rencontres qui n'avaient pu être disputées. Plus fou encore, les Dragons ont largement encouragé la reprise du championnat, se souciant beaucoup plus des enjeux économiques que sanitaires.
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Le FC Porto est de retour à l'entraînement

"Nous avons vu que Porto ne peut plus se permettre de finir deuxième du championnat et de manquer la Ligue des champions", a souligné José Fernando Rio lors d'une interview à Radio Observador. Comme d'autres, le candidat à la présidence estime que "les conditions idéales pour rejouer ne sont pas réunies." "Mais le club a encore besoin d'être champion et d'exposer ses joueurs."

Après Alex Telles, la jeune génération sacrifiée ?

Pour retrouver une once de sérénité, le FCP doit miraculeusement dégoter une centaine de millions d'euros avant le 31 juin. Le club est déjà dans le viseur du Fair-Play Financier de l'UEFA et pour lui, une exclusion des compétitions européennes pourrait être insurmontable. Comme chaque année, il est donc condamné à se séparer de ses meilleurs éléments, même si les négociations s'annoncent beaucoup plus délicates compte-tenu de l'état du marché.
Dans ce cadre, la direction a fait appel à Jorge Mendes, le super-agent du foot mondial, avec qui elle n'a pourtant pas toujours entretenu d'excellentes relations. Le représentant de Cristiano Ronaldo tente ainsi de boucler le transfert de Diogo Leite. Ces dernières semaines, le prometteur défenseur, qui n'a même pas disputé quinze matches cette saison, a été évoqué à... Valence, l'un des clients favoris de Mendes. Estimé à moins de 6 millions d'euros par les sites spécialisés, le joueur de 21 ans pourrait faire l'objet d'un transfert estimé à une quinzaine de millions d'euros.
Outre Alex Telles, élément à forte valeur marchande, Porto pourrait mettre sur le marché une grande partie de sa talentueuse génération issue de sa formation : Fabio Silva, Tomas Esteves, Romario Baro, ou Vitor Ferreira, tous "millenials" ne seront pas retenus en cas d'offre convenable. Preuve que plus rien ne prévaut sur l'urgence économique. Certainement pas les enjeux sportifs. Voilà qui devrait affecter l'attractivité du club aux yeux d'un homme dont le retour est vivement souhaité par de nombreux personnages influents à Porto, notamment en vue de la prochaine élection présidentielle, en 2024 : André Villas-Boas.
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Alex Telles fête son but lors du match opposant le FC Porto à Benfica, le 8 février 2020

Crédit: Getty Images

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