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Zidane est-il prêt à répondre à toutes les attentes liées au poste d'entraîneur du Real Madrid ?

Thibaud Leplat

Mis à jour 06/01/2016 à 17:07 GMT+1

LIGA - Zinédine Zidane entraîneur du Real Madrid, c'est une réalité qui frappe encore l'imagination des connaisseurs de la Maison blanche. Le héros mutique en figure de proue du club le plus bavard du monde, un paradoxe parmi d'autres...

Zinédine Zidane lors de son premier entraînement en tant qu'entraîneur du Real Madrid, mardi 5 janvier 2016

Crédit: AFP

Offrir Zidane à son club la veille de l'arrivée des Rois mages - la fête des enfants en Espagne -, voilà comment à Madrid on organisait un couronnement. Zinédine Zidane venait d'être intronisé entraîneur. Mais pas n'importe où. Dans le club le plus ingouvernable du monde, le Real Madrid.
Ce fut comme une apparition. L'homme qui n'aimait pas les mots venait de se faire entraîneur du Real Madrid, le club le plus bavard du monde. Cette idée est fascinante parce qu'elle est paradoxale. Ou c'est peut-être l'inverse.

Le silence éternel

D'abord parlons de Zidane. Quiconque a eu un jour le privilège de l'approcher a été surpris par l'étrange halo qui entoure sa silhouette. Quand Zidane entre dans une pièce, le silence se fait. Comme si tout à coup les mots étaient suspendus en l'air et que le moindre bruit risquait de l'interrompre en pleine méditation, on s'approche de Pharaon sans jamais rien oser lui demander. On avait dit de lui quand il jouait encore - et peut-être aussi pour nous rassurer sur notre aveugle dévotion - qu'il était en fait un "leader technique", ce qui voulait dire en langage d'expert, que s'il ne parlait pas, chose étrange au pays de De Gaulle et de Napoléon, il n'en gouvernait pas moins sur ses troupes au milieu le terrain. Il disait "moi, je réponds sur le terrain". Et puis un jour de finale, en 2006, quelqu'un lui avait coupé la parole. Alors, pour une suite de mots mal prononcés - "c'est des choses très personnelles, ça touche la maman, la soeur" avait-il simplement précisé sans jamais oser répéter les insultes - Zizou disparaissait d'un coup. Et le silence autour de lui se fit pour toujours.
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Zinedine Zidane lors de sa première conférence de presse en tant que coach du Real Madrid

Crédit: AFP

L'outil de l'entraîneur

Pourtant il avait choisi finalement de devenir entraîneur. Si je dis pourtant c'est qu'il y a quelque chose de troublant dans cette idée et même de contradictoire dans la destinée de cet homme. Je m'explique. Le matériau de l'entraîneur ce ne sont pas les cônes, les lignes ou les chasubles. Quand Christian Gourcuff abandonna les terrains (il était meneur de jeu comme Zizou) il eut à éprouver le même deuil douloureux. "Je ne pouvais plus agir de l'intérieur comme quand j'étais joueur. C'est toute une démarche qui va aboutir en fait en 1997 à des principes, une méthodologie, une organisation qui seront très structurés. Je me suis dit : ce ne peut être une idée générale, il faudra des principes, et sur lesquels ce sera oui ou non. Si je n'avais pas eu ces principes stricts, je perdais toute influence. Cette évolution s'est faite sur plusieurs années" (Christian Gourcuff, un autre regard sur le football, L.Bervas).
Mais Gourcuff était professeur au collège et connaissait donc les ressources infinies du langage pour l'accompagnement des hommes. Le deuil du ballon lui fut donc moins douloureux. Car pour devenir entraîneur il fallait accepter de perdre le ballon, mais cette fois-ci pour toujours. Telle était la condition nécessaire pour ensuite élaborer une méthodologie et des principes propres à chacun. Dur destin que celui du meneur de jeu à qui l'on confiait le ballon comme un secret et qui devait du jour au lendemain, sur un banc de touche et devant tout le monde, le laisser échapper.

Don Quichotte Football Club

Pire. Le héros mutique venait d'être nommé entraîneur de l'équipe la plus bavarde du monde. C'est du club qui l'a nommé dont il faut désormais chanter le refrain. Si le Real Madrid est un club irrationnel c'est qu'il a pour lui-même une admiration excessive. C'est d'abord dans les récits des exploits, le culte des anciens (cf la nomination récente de Paco Gento comme président du Real en remplaçant d'Alfredo Di Stefano) et la transmission verbale d'une légende en permanente rédaction depuis un siècle que le Real Madrid a construit tout sa mystique. Depuis qu'en dépit des privations et des exils politiques, le club de la capitale espagnole était parvenu au milieu des silencieuses années cinquante à remporter cinq fois d'affilée le plus beau des trophées - la Coupe d'Europe - il était condamné à l'épopée. Cet amour excessif pour les moulins à parole donne du club du centre de la Péninsule une image assez ressemblante de l'âme des hommes née dans cette partie de l'Espagne.
Quand le Barça se reconnaît dans un modèle de jeu scientifique, collectif et silencieux, le Real, lui, ignore tous ces dispositifs tactiques et préfère obéir au seul chevalier qui lui convient : Don Quichotte Perez de la Mancha, l'hidalgo des conseils d'administration (cf son hystérie provoquée par l'attente puis l'avènement puis le récit de la Decima, la dixième Coupe d'Europe du club, cf. aussi la sono assourdissante de Santiago-Bernabeu qui ne dérange en fait que les touristes). Le mot le plus utilisé par Florentino Perez pour s'adresser à ses ouailles est donc bien "ilusión", terme intraduisible qui tient en même temps du rêve sincère et de la douce chimère. Le Real Madrid c'est une fiction nécessaire.
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Zinédine Zidane, Cristiano Ronadlo (Real Madrid) - Liga 2015-2016

Crédit: AFP

Melchior, Gaspard, Balthazar

Alors fallait-il pour autant refuser la proposition de ce club insupportable ? Non bien sûr. Parce que, en dépit de ses silences, Zidane est une partie de cette épopée si bruyante (la volée de Glasgow, la novena, les contrôles de balle, les Galactiques). Certes il n'a rien à gagner à s'exposer ainsi au tumulte, mais il n'a donc rien à perdre non plus. C'est sa principale force. À Madrid on se souvient que Di Stefano n'avait rien gagné sur le banc de touche et que cet échec n'avait en aucun cas étouffé sa légende de chevalier mythique. On sait aussi que Vicente Del Bosque, le premier des coachs à avoir duré plus de trois hivers, avait été débarqué par son président pour des raisons aussi mystérieuses qu'un nécessaire "changement d'image ». Peut-être que le moustachu ne parlait pas assez fort. Bref, Zizou bien sûr connait la chason. C'est d'ailleurs lui qui l'a écrite.
Voilà peut-être pourquoi lors de sa présentation il semblait curieusement plus à l'aise en espagnol qu'en français pour répondre aux inquiétudes et rassurer les madridistes qui doutaient discrètement de lui. Oui Cristiano, Bale et Benzema joueraient ensemble, oui son football serait offensif, non il ne serait pas un coach défensif. Il avait appris comment il fallait parler ici. Et puis au moment de s'adresser directement aux socios, comme c'est la tradition lors des présentations au club, il n'eut qu'à faire usage d'un seul mot pour être compris de tous. C'est le mot que les enfants prononçaient depuis le matin de cette journée pour crier leur impatience à ouvrir les cadeaux que les Rois-Mages leur apporteraient dans la nuit. Zidane a dit ilusión. Et il avait raison. C'était le seul mot qui pourrait les faire taire.
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