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Avec Sampaoli, le FC Séville est déjà devenue l'équipe la plus rock'n'roll de la planète

Thibaud Leplat

Mis à jour 24/08/2016 à 14:55 GMT+2

LIGA - Samedi soir, Sampaoli a dit « Ce match était à la hauteur des attentes du public ». En effet, ce Sevilla-Espanyol (score final 6-4) mériterait d’entrer immédiatement au panthéon du rock. Séville 2016-2017 c’est l’histoire d’un improbable duo qui se serait un jour formé pour le seul plaisir du public. Let there be rock.

Franco Vazquez et le FC Séville prêt à mettre la Liga sans dessus dessous

Crédit: AFP

Nul ne sait comment tout a commencé, pourquoi tout à coup les fourmis nous avaient pris les pieds, pourquoi le corps tout entier s’était chargé d’électricité, pourquoi à ce moment précis il avait fallu absolument se mettre à remuer, sauter, vociférer. C’est peut-être au premier riff de guitare recouvrant - sans jamais pourtant la laisser émerger - la ligne de basse longue, sourde, épileptique qui nous avait entêté jusqu’au malaise. Ou alors c’est le timbre électrique et le teint blafard d’un énergumène à la voix de Lucifer qui nous avaient surpris au sommet de la damnation. Prions pour que dans l’ascenseur vers le gouffre, ce soit l’intro de Let There Be Rock d’AC/DC qu’on entende. Prions pour qu’à la fin de cette saison qui commence, c’est d’un match du Sevilla de Jorge Sampaoli et Juanma Lillo dont on se souvienne.

L’eau, le feu, le son

Le duo de Séville a quelque chose d’incandescent : à ma gauche Juanma Lillo, assistant, spécialiste du jeu de position habitué aux tartines de schmaltz footballistique (Oviedo, Real Sociedad, Almeria) et mentor de l’austère Guardiola. À ma droite Jorge Sampaoli, bluesman argentin exilé au Pérou et au Chili expert en vertiges footballistiques, fanatique de Bielsa et adorateur des abîmes. Comme le blues et la musique country auraient pu ne jamais se rencontrer (et ne jamais donner naissance au rock), ces deux-là auraient pu ne jamais entraîner ensemble, continuer leurs vies parallèles sans aucune intention de se mélanger. Mais un jour, l’Argentin décida de faire les Amériques à l’envers et de conquérir à son tour le vieux continent.
Pour cela, il avait besoin d’un homme qui aurait la même attirance que lui pour le vertige du football offensif mais qui saurait aussi le prévenir des chausses-trappes que le cruel football européen réserve à ce genre de passions. C’est en revenant d’un voyage à Munich où il était venu visiter un certain entraîneur catalan que Jorge eut l’idée de ce duo. Lillo était l’homme qui lui fallait. Juanma raconte "Jorge est un homme d’une grande ouverture d’esprit. Il a comme nous (les amateurs de jeu de position, ndla) cette idée de toujours dominer les matchs. Faire en sorte que dans le match se déroulent le plus de choses qu’on aurait prévues. Il s’agit de toujours maintenir l’initiative du jeu. Être actifs, pas réactifs. Ce que cherche Jorge avec moi, c’est essayer de sortir un peu du vertige et maintenir les matchs dans une phase plus stabilisée afin d’avoir un meilleur contrôle sur le jeu". On dit que Pep esquissa un sourire quand il sut que le duo imaginé allait enfin voir le jour. Juanma c’était la guitare, Jorge c’était le feu. Ces deux-là ensemble, c'est le rock.
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Jorge Sampaoli et son assistant Juanma Lillo

Crédit: AFP

Première tournée

Il y eut d’abord Chelsea. "C’était fait" ajoute Juanma. Mais finalement c’est Conte qui fut annoncé en avril. Ensuite ce fut Marseille, une envie folle de Jorge de marcher dans les pas de son idole Bielsa et d’entraîner un "grand club", le voeu de Juanma d’un jour entraîner en France, le pays de Reims, Fontaine et Piantoni. Mais le contexte institutionnel mouvementé du club ciel et blanc (les couleurs de l’Argentine) eut raison des rêves de Sampaoli et de la détermination de Lillo. Quand les autres avaient profité de la confusion pour se jeter sur les plateaux de télévision et y dire - avec l’accent marseillais - tout le mal qu’ils pensaient de celui qui était alors l’entraîneur espagnol de l’OM, Juanma répondit toujours la même chose aux journalistes pressés : "je ne veux rien dire publiquement sur Marseille tant que mon ami Michel sera en poste". Marseille s’essouffla, le printemps touchait presque à sa fin. Juanma et Jorge n’avaient toujours pas de tournée en vue.
Et puis un jour ce fut Séville, la terre des vieux rockers (Bon Jovi ou Sepultura y remplissent encore des stades), qui se présenta à eux. Le 27 juin 2016, le duo le plus alternatif de l’histoire des bancs de touche venait d’être formé : Jorge Sampaoli et Juanma Lillo entraîneraient ensemble le FC Séville.

Que Séville soit. Et Séville fut

Il n’a pas fallu attendre beaucoup pour être pris à la gorge par un riff diabolique. Le son de ce premier match de championnat contre l’Espanyol de Quique Sanchez Flores fut exactement celui d’un vinyle d’AC/DC, un de ceux qui fait encore danser la jeunesse dans les clubs de rock du quartier de l’Alameda. Malgré les sept absences déclarées et seulement deux défenseurs disponibles, le duo, plutôt que de renoncer au tempo, poussa le volume un peu plus fort encore et opta pour un dispositif aussi simple qu’effrayant en phase de possession.
Qu’est-ce que le rock dans le football ? Trois joueurs derrière la ligne du ballon (Pareja à la batterie, Mercado à la basse et Nzonzi à la rythmique) et sept énervés devant. Le reste n’est qu’une question de tripes et d’énergie : deux ailiers virevoltants (Vitolo et Mariano), un milieu tout en distorsion offensive (Kyotake-‘El Mudo’ Vazquez- Sarabia), une ligne de chant pointue pour dialoguer avec les guitares (Ben Yedder et Vietto). Le tout joué le plus fort possible. Ce premier tube contre l’Espanyol c’est donc : deux buts en onze minutes, 3-3 à la mi-temps, 6-4 à la fin. Un but encaissé quasiment sur chaque perte de balle au milieu mais une improbable succession de déboulés collectifs dans la surface adverse pour multiplier les chances de marquer (jusqu’à 6 attaquants d’un coup dans la surface). Le football du Sevilla 2016-2017 est un cauchemar pour les puritains mais une drogue dure pour les rockers : « Let there be light/Sound/Drums/Guitar/Let there be rock ».
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