Liga : Joueur devenu "total", Messi est le Cruyff 2.0 du Barça

Messi est le meilleur joueur du monde en ce moment. Et il entend le prouver encore quelques années. Certes, il devra probablement redonner le Ballon d'Or à son rival de toujours, Cristiano Ronaldo, le 13 décembre prochain.

Le Portugais a gagné la Ligue des champions et l´Euro. Il a été le "mâle dominant" de son club - le Real Madrid - et de sa sélection - le Portugal - et mérite largement de soulever le prestigieux trophée une 4e fois dans sa carrière. D'autant que le retour à l´ancienne formule, où les journalistes s´appuient sur les trophées pour orienter leur vote, favorisera la victoire de "Cris".

A deux mois du grand évènement, il n'y a pourtant pas photo entre les deux grandes icônes du football mondial. Ronaldo semble bloqué, tandis que Messi est exalté. Et transformé. Depuis son retour de blessure, l'Argentin affole les compteurs et les "highlights" à la télé ou sur internet. Avec sept buts, il est le meilleur buteur de la Liga, malgré un mois passé hors des terrains. Sa férocité s´est aussi propagée en Europe où il est le meilleur buteur de la Ligue des champions avec six réalisations.

Avant sa lésion aux adducteurs, contractée entre le Barça et la sélection argentine, Messi avait d'ailleurs commencé la saison tambour battant, qui rappelait sa dernière grande saison, en 2014-2015, où le Barça avait gagné le "triplete" (Liga-Coupe du Roi-Ligue des champions). Avec un bémol important. Cette saison, Messi est devenu le leader "vocal" qu´il avait toujours refusé d´être jusqu'à présent. Il est le boss. Avant, on parlait du Barça de Guardiola. Du Barça de Xavi et d´Iniesta. Aujourd´hui, il n'y a même plus de débats: c´est le Barça de Messi.

Le leader de la MSN (qui a fêté ses deux ans il y a quelques heures) domine avant tout par les statistiques. 104 buts marqués et 47 passes décisives données à Suarez, Neymar et compagnie (source opta). Sur ces huit derniers... tirs en direction du but adverse, "La Pulga" a aussi marqué six fois. Six fois! Un chiffre totalement ahurissant, mais qui ne traduit que partiellement l'influence de Messi depuis le début de saison.

Même si Andres Iniesta est officiellement le capitaine du Barça (question d´ancienneté, il est arrivé deux ans avant à la Masia), Messi est le leader sur le terrain et dans le vestiaire. Il est devenu le joueur total du FC Barcelone. Le Cruyff des années 2010. A 29 ans, il est au sommet de sa carrière et sa marge de progression fait froid dans le dos. Avant d´entrer sur le terrain, il est avant tout l´un… des derniers à sortir du vestiaire. Puis, il passe tous ses “soldats” en revue, en leur donnant la bise traditionnelle argentine (une seule bise, pas deux, culture sud-américaine). Umtiti en a d´ailleurs été surpris lors de l´une de ses premières sorties, à Bilbao.

Mercredi dernier, au Camp Nou, face à Manchester City, j´ai décidé de regarder uniquement “LaPulga” en action pendant 15 minutes. C´était beaucoup et peu à la fois. Mais ça a été très instructif tant l´emprise qu´il a sur ce groupe est phénoménale. J´ai vu Messi commander, ordonner les attaques, encourager ses partenaires, envoyer des signes au public, échanger tactiquement avec Luis Enrique au cours d'un arrêt de jeu, puis s'adresser à Rakitic, Mascherano et Luis Suarez, soit les trois joueurs qui évoluaient dans sa zone. Magnanime, il a même laissé le droit à son disciple Neymar de tirer un pénalty… qu'il avait lui-même provoqué après avoir marqué un triplé ! Pas sûr que beaucoup de joueurs l´auraient fait après avoir déjà marqué trois fois…

Au cours d´une conversation avec Piqué cet été, je m´étais aperçu que l´Argentin exerçait déjà une aura incroyable sur le groupe, notamment sur les plus jeunes et les recrues. Messi - qui à l'époque ne parlait pas beaucoup et trainait souvent avec les Sud-Américains - a fait une volte-face assez fulgurant en à peine quelques semaines, cet été, après avoir perdu trois finales en trois ans (Coupe du Monde et deux Copa America).

Ça a commencé par son look. Avec un blond décoloré de plus ou moins bon goût, barbe fournie, tatouages saillants et photos avec un pitbull menaçant, le gentil petit Messi est passé de Peter Pan à chef de gang. Qu´elle semble loin l´image où il posait avec un pyjama de Blanche Neige ! A Mestalla, le stade de Valence, il a également vilipendé des supporters adverses déchainés, samedi dernier. Et il a fallu l´intervention de Lucas Digne (!) pour que les choses ne dégénèrent pas.

Joueur total, l´expression est plus que jamais d´actualité. Elle avait déjà été utilisée par Luis Enrique en janvier 2016. “En plus d'affoler les compteurs avec des statistiques brutales, sa manière d´interpréter le jeu est sans égale. C´est un joueur total”, avait dit le coach du Barça après le 5e Ballon d´or gagné par son “Leo”.

D´autres personnalités comme Javier Mascherano, Andoni Zubizarreta ou Manuel Pellegrini ont employé ce terme. Jouissant d'une liberté totale sur le terrain, favorisé par le schéma tactique de Luis Enrique, Messi peut commencer une action au milieu de terrain et la finir comme un avant-centre. Dans quelques années, on le retrouvera peut être dans l´entrejeu, dans un rôle d´organisateur, buteur et leader. Comme Cruyff en son temps. Et puisqu´il commande tout au Barça, du vestiaire (où Luis Enrique ne s'aventure pas) jusqu'au terrain, la comparaison avec la légende hollandaise n´a pas fini de débuter.