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Quand le roi Euskadi dominait le Real et le Barça...

Antoine Donnarieix

Mis à jour 28/04/2018 à 17:44 GMT+2

Si la Liga est aujourd’hui totalement contrôlée par le monstre à trois têtes Barça-Real Madrid-Atlético Madrid, le début des années 1980 se distingue par son anomalie en la matière. Pourquoi ? Parce que la nation forte de l’Espagne à l’époque était… le Pays basque.

Luis Arconada

Crédit: Imago

La mer, les collines, la pluie et une dense verdure. S’il fallait résumer le Pays basque, aussi connu pour ses élevages bovins et sa production fromagère, ces quelques mots suffiraient à dessiner leurs clichés majeurs. D’accord, mais le football dans tout ça ? Ce samedi, ce sera aussi l’occasion d’admirer le derby basque dans cette Liga espagnole. Deux clubs : la Real Sociedad et l’Athletic Club. Deux villes : Saint-Sébastien et Bilbao. Deux provinces : Guipuscoa et Biscaye. Une affiche perdue en plein milieu de l’après-midi, alors qu’elle devrait bénéficier d’une attention médiatique plus importante en Liga. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’entre 1981 à 1984, soit quatre saisons complètes de championnat espagnol, le trophée suprême n’a jamais quitté cette région.

La Real immortelle

Lors de la saison 1979-1980, la Real Sociedad avait déjà marqué l’histoire du championnat à l’aide d’un record : celui de la plus longue série d’invincibilité, à savoir trente-huit rencontres consécutives sans défaite. Un record battu par le FC Barcelone il y a tout juste deux semaines, mais une prouesse d’époque suffisante à faire passer un message : la Real est une équipe dure à cuire. "Nous avions six qualités majeures : le travail, l’humilité, la force, le sacrifice, la solidarité et le réalisme, se souvient Jesús María Satrústegui, meilleur buteur de la Real avec 133 buts inscrits en 297 matchs. Dans notre stade d’Atocha, il était très difficile de nous résister. Aujourd’hui, je comparerais notre Real au style influé par Diego Simeone à l’Atlético de Madrid."
Avec une défense à quatre composée d'un quatuor de stoppeurs purs, l’Erreala possèdent dans son équipe le colosse Luis Arconada pour cimenter l’arrière-garde concoctée par le coach Alberto Ormaetxea. Au milieu, les deux techniciens Jesús Zamora et Roberto López Ufarte font figure d’OVNI dans ce collectif construit pour la lutte et le défi physique. Une technique payante sur le long terme. "Nous étions focalisés sur le fait de réaliser les meilleures prestations possibles, match après match, renchérit Satrústegui. Plus les rencontres avançaient, plus l’objectif se dessinait pour nous, à savoir remporter la Liga." Un rêve devenu réalité deux saisons de suite, en 1980-1981 et 1981-1982. Cerise sur le gâteau : les Txuri-Urdin iront même en demi-finale de la C1 en 1983, battus par Hambourg (1-1, 2-1).
picture

drapeau basque

Crédit: Getty Images

L’Athletic, ce grand frère

La fin du règne pour la Real ? Oui, car le club enchaînera deux saisons au milieu de tableau de Liga. À sa place, l’Athletic Club prend le relais. Déjà auréolé de six championnats d’Espagne auparavant (1930, 1931, 1934, 1936, 1943 et 1956), les Lions vont redevenir rois de la jungle sous la direction de Javier Clemente, ex-joueur du club reconverti en entraîneur principal. "L’essence même du mot ‘basque’ est ce qui faisait la source de son football, mais aujourd’hui cela a disparu, explique le coach passé par l’OM en 2000-2001. L’événement est venu après nos derniers titres de champions d’Espagne, mais il est clair que l’arrêt Bosman a desservi la formation régionale."
Comme le veut la coutume locale, l’Athletic impose un sport fait de contact à ses adversaires, sans retenue aucune. Si Andoni Zubizarreta symbolise les talents émergents au sein du club, Andoni Goikoetxea est davantage connu pour son attentat sur la cheville gauche du prodige du Barça, un certain Diego Maradona. Qu’à cela ne tienne : l’Athletic empoche deux nouvelles couronnes et réalise même le doublé coupe-championnat en 1983-1984. L’été suivant, l’Espagne est finaliste de l’Euro contre la France mais perd sa finale sur une boulette signée… Luis Arconada. Une preuve concrète que l’hégémonie basque commence à battre de l’aile. "En vrai, le style de football pratiqué par l’équipe était complètement différent du modèle actuel, explique Clemente. Mais il faut savoir qu’à l’époque, l’Italie, l’Allemagne ou l’Angleterre étaient les grandes nations majeures du football." Derrière, la Roja se contente de miettes.

Clemente : "Le plus beau match qui puisse exister en Espagne"

Autre donnée révélatrice : sur le Vieux Continent, l’Espagne ne soulève aucune coupe d’Europe des clubs champions durant toute la décennie. Dans cette période complexe, le match entre la Real Sociedad et l’Athletic Club est pourtant l’occasion de célébrer la fraternité. "Il ne faut pas comparer ce match avec un Real-Atlético ou un Barça-Espanyol, explique Satrústegui. Cela se vit avec beaucoup plus de populisme et de joie collective. Les Basques sont heureux de s’unir sur un terrain de football. Les heures qui précèdent chaque derby, nous sommes bras dessus, bras dessous. La rivalité est saine : nous pouvons manger ensemble après le match, il n’y a aucun souci !"
Une philosophie plus proche du rugby, confirmée par Clemente. "C’est le plus beau match qui puisse exister en Espagne, une vraie affiche ! Si vous voulez connaître l’importance d’un derby basque, regardez les tribunes et observez l’envie que les joueurs mettent dans cette rencontre. Nous sommes frères c’est vrai, mais au moment où l’arbitre fait démarrer le match, la suprématie régionale est en jeu." Avec leurs principes communs, les clubs d’Euskadi ont désormais perdu le trône, mais poursuivent un chemin sous le signe de la liberté. Un concept loin d’être anecdotique.
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