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Climat autour de l'arbitrage, interruption du derby de Séville... Sale mois pour le football espagnol

Elias Baillif

Mis à jour 19/01/2022 à 13:04 GMT+1

Le mois de janvier est censé être un moins de fête pour le football espagnol, revigoré par les matches de Coupe du Roi. Or, ces dernières semaines sont d'une tristesse sans nom : menaces, agressions, communication irresponsable, Supercoupe en Arabie Saoudite, ou encore interruption du derby de Séville : tout est à jeter.

Joan Jordan victime d'un jet de projectile dans le derby de Séville

Crédit: Getty Images

Tout juste nommé chef des arbitres espagnols, Luis Medina Cantalejo vivait une inauguration de présidence tranquille. Des photos protocolaires, des serrages de main, la vie en costard, une tournée médiatique, c'est la douce inertie des premiers jours quand on occupe des postes importants. "J'aimerais des arbitres et pas des arbitres de VAR. Celui qui doit commander, celui sur qui doit reposer le poids du match, c'est l'arbitre qui est sur le terrain. On ne peut pas être subordonné à ce qu'il se passe de l'autre côté de l'écran" assertait-il dans Marca au moment de présenter son programme.
Avoir des arbitres capables de prendre des décisions en temps réel plutôt qu'en différé, c'est exactement ce que demandaient depuis des mois interminables plusieurs spécialistes de l'arbitrage en Espagne. Ça, et une unification des critères sur les mains. Voilà qui commençait donc pour le mieux et qui marquait une démarcation notable avec le précédent chef du comité technique arbitral (CTA), imperméable à toute critique, même après avoir braqué tout le pays contre la fonction. Et puis voilà que la lune de miel professionnelle du commandant des hommes en noir a pris une fin abrupte début janvier : celui-ci recevait des menaces contre lui et sa famille, obligeant la police à se rendre à son domicile pour garantir sa sécurité.

Le bal des irresponsables

Ces menaces s'inscrivent dans un climat complètement pourri autour de l'arbitrage de l'autre côté des Pyrénées. Jamais les fans, journalistes et professionnels du monde du football n'ont autant tapé sur les arbitres. On a même franchi le Rubicon depuis le moment où les comptes officiels des clubs ont commencé à fomenter la haine contre les colegiados en 280 caractères. "Les vols du Real, ça commence à être quelque chose de répétitif" tweetait Valence au début du mois, recevant l'aval de Gerard Piqué : "ne le dites pas trop fort, ils vont vous sanctionner" répondait le défenseur du Barça. Lors de la même journée, le compte du Betis parlait "d'arbitrage incompréhensible" et "d'ignominie", tandis qu'une semaine plus tôt, la Real Sociedad publiait une vidéo d'une supposée faute sur un de ses joueurs en titrant "penalty et expulsion".
Et les grands d'Espagne ne sont pas en reste. Au printemps 2021, le Barça sponsorisait un tweet dans lequel Koeman se plaignait des jugements rendus lors d'un Clásico là où la semaine passée, le Real diffusait sur sa chaîne de télévision un montage avec toutes les "erreurs" commises à son endroit par les arbitres qui allaient officier lors de la Supercoupe. À croire que les community managers des clubs se battent secrètement pour remporter la palme du post le plus irresponsable.
Ces diatribes démagogiques contre l'arbitrage sont devenues communes dans la communication des clubs du pays au cours des dernières années. Lassés, par ces attaques publiques en provenance des clubs, les arbitres ont fini par répondre. "Il ne faut pas permettre cela, vraiment. Il y a des lignes qui ne doivent pas être franchies. Il faut être responsables" lançaient Soto Grado et Medié Jímenez la semaine passée en direction des clubs. L'arbitrage espagnol a beau ne pas être dans sa meilleure période, cela n'excuse pas ces piétinements de sifflets sur la place publique. Ni la remise en question de l'intégrité des arbitres. Ni les velléité conspirationnistes des équipes de Liga.

Triste Supercoupe

Dans toute cette affaire, la Fédération est exemplaire. Elle apporte un soutien indéfectible aux arbitres par la voix de son président… en plein milieu d'un match de Supercoupe d'Espagne, programmé en janvier, à quatre équipes, en Arabie Saoudite. Deux ans après le lancement du projet, celui-ci ne passe toujours pas. "C'est clair qu'une Supercoupe d'Espagne doit se célébrer en Arabie Saoudite. Ou d'autre sinon ?" ironise le frère de Toni Kroos dans le podcast qu'ils animent en commun. "On n'a ni gagné la Liga, ni la Coupe mais on est là. Je crois que l'organisateur du tournoi a un certain intérêt à ce que nous participions" surenchérit le milieu de terrain allemand. Tout le monde le sait, ce nouveau tournoi a comme objectif de faire rentrer de l'argent dans les caisses de la Fédération, et si c'est possible, de proposer chaque année un Barça-Real supplémentaire.
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Les joueurs du Real Madrid en finale de la SuperCoupe d'Espagne

Crédit: Getty Images

Et les deux autres participants alors ? De vulgaires faire-valoir. En 2020, à six jours du début du tournoi, l'Atlético avait vendu 50 billets… La semaine passée, les gradins étaient désespérément vides pour la rencontre entre les Colchoneros et l'Athletic Club. Chiffre officiel, 10'000 spectateurs. En Espagne, un tel match se serait joué à guichets fermés. Au moins, cette année la Fédération n'a pas sorti l'argument orientaliste selon lequel l'organisation de l'évènement dans le pays aidait "au développement des femmes dans le football". Ah si en fait, c'est exactement ce qu'il a fait.

Honte sur les bords du Turia

Enfin, pour définitivement doter ce mois d'un caractère inoubliable, il y a eu les incidents du week-end passé à Séville. Un supporter du Betis balance une barre de plastique sur le terrain et celle-ci vient s'écraser sur le crane de Joan Jordan. L'arbitre suspend la partie, le Betis veut reprendre le match, Jordan s'en va à l'hôpital où on lui diagnostique un traumatisme crânien et certains joueurs béticos accusent sur les réseaux le FC Séville d'avoir demandé à Jordan de simuler pour que la rencontre ne continue pas. Le lendemain, elle finit par se jouer (sans Joan Jordan), le Betis l'emporte et Andrés Guardado se moque du milieu sévilliste en se donnant des coups de bouteille sous la tête avant de s'écrouler au sol, hilare. Se moquer d'un collègue de profession agressé, classe.
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Joan Jordan - FC Sevilla

Crédit: Getty Images

En conférence de presse, Pellegrini se demande "si un tube en plastique peut faire autant de mal" et ajoute que "dans beaucoup d'autres cas, les matches n'ont pas été suspendus pour ça", tandis que Lopetegui explose en salle de presse, réussissant l'exploit de mentionner les violences machistes et les agressions sexuelles dans un discours visant à défendre son joueur.
Coûte que coûte, tout le monde prêche pour sa paroisse. "La lâche agression qui ne peut, ni ne doit être justifiée ni par des couleurs ni pour rien au monde, a multiplié son effet durant 48 heures truffées de comportements indignes de professionnels qui se vantent de l'être pendant qu'ils se comportent comme des supporters, et des supporters, qui, appuyés sur la fosse septique des réseaux sociaux, ont renversé toute leur bile pour tancer, humilier et insulter. Car en ces temps de semailles de haine, n'importe quelle tranchée est bonne" jurait le journaliste Ruben Uría dans les colonnes de Goal. Bref, le mois n'est même pas encore fini qu'il est déjà à oublier.
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Il réclame 40 millions d'euros de salaire : "Dans quel monde vit Dembélé ?"

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