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Liga : Il est détesté, et pourtant... pourquoi Javier Tebas est le meilleur ami du PSG

François-Miguel Boudet

Mis à jour 11/08/2022 à 15:36 GMT+2

LIGA - Javier Tebas est le meilleur ami du Paris Saint-Germain et, plus largement, du championnat de France. Vous avez bien lu. Car sans son intransigeance avec le FC Barcelone, Lionel Messi n’aurait pas porté le maillot du club de la capitale, composé une attaque de feu avec Neymar et Kylian Mbappé et rendu la Ligue 1 attractive comme jamais. Explications.

Une dream team : avec Bernardo, le Barça aurait-il le meilleur effectif d'Espagne ?

"Et il en pense quoi, hein, Tebas de ce qu'il se passe au Barça ?!" Sur les forums, à la machine à café, au comptoir, cette interjection est devenue le tube de l’été, la Lambada du supporter, le Tic-Tic-Tac du clubisme. Et pourtant (comme dirait Aznavour), le PSG et la Ligue 1 peuvent remercier Javier Tebas.
Comment ça ? Javier Tebas, LE Javier Tebas, celui des déclarations tapageuses, des plaintes, des procédures ? Oui, celui-là même. Javier Tebas… La simple évocation de ce nom fait frémir de nombreux supporters en Espagne et, preuve de son influence, également en France. Qui dirige la Premier League, la Bundesliga, la Serie A ? Peu de monde le sait. Car si Lionel Messi, l’idole argentine et catalane aux 7 Ballon d’Or et 4 Ligue des champions, a un jour revêtu le maillot du Paris Saint-Germain, Tebas n’y est pas étranger. Ce n’est pas une provocation de l’affirmer : c’est une réalité.
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Javier Tebas au gala de la Ligue des champions le 30 juillet 2021 in Madrid

Crédit: Getty Images

Quand Pavlov rencontre Monsieur Manatane et Florentino Pérez

Lors de leur dernier affrontement européen, le Paris Saint-Germain a étrillé le FC Barcelone. Le match aller au Camp Nou a été une longue agonie et, cette fois-ci, pas de bouleversement improbable au retour. Cependant, il semble que les années passent et le traumatisme de la Remontada demeure, non seulement chez les supporters parisiens mais aussi chez de nombreux autres acteurs du football français. Alors, quand le Barça coule mais trouve des stratagèmes comme autant de bouées légales quoique potentiellement kamikazes, le doute est de mise. Et le réflexe pavlovien est d’incriminer l’avocat né au Costa Rica. Or, difficile de se mettre plus le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Avec un peu d’élan, on arrive certainement jusqu’à l’épaule.
Avant toute chose, évacuons les raisons pour lesquelles Tebas est si peu apprécié. Comme Slobodan, le fils adoptif de Monsieur Manatane, il est grossier, querelleur, une vraie boule de nerfs. Ses envolées lyriques - euphémisme quand il s’agit de racisme et d’homophobie (on parle tout de même d’un ancien dirigeant d’un parti phalangiste) -, celles qui font réagir sur les réseaux sociaux, ne sont qu’un écran de fumée. Le ressentiment que l’on peut éprouver à son égard ne doit pas fausser son bilan, lui qui a failli être débauché par la Serie A en 2018. Car imaginer ne serait-ce quelques secondes Tebas en ami du Barça et du Real Madrid est une erreur prodigieuse. C’est tout l’inverse.
Une des meilleures illustrations récentes de cette détestation reste la fronde orchestrée par Florentino Pérez, appuyée encore aujourd’hui par le rival historique, pour la création d’une Super Ligue européenne dissidente de l’UEFA. Pour Javier Tebas, cela équivaut à une déclaration de guerre, une atteinte à l’intégrité de la Liga et il n’est guère enclin à faire de cadeaux aux déserteurs qui remettent en question le modèle économique, validé par 34 présidents de clubs, érigé sous sa présidence. Depuis près d’une décennie, la Liga augmente ses revenus et vient de multiplier par deux le contrat du sponsor titre, EA Sports remplaçant la banque Santander pour 40M€ annuels contre 20 précédemment.

La mutualisation des droits TV comme pomme de discorde

Quand il est élu et largement réélu depuis 2013, c’est systématiquement sans deux clubs : le FC Barcelone et le Real Madrid. Tebas a la confiance d’une nette majorité des 42 clubs professionnels espagnols. En 2003, appuyé par 8 clubs de Liga et 22 de Segunda, il militait pour la mutualisation des droits TV, finalement validée en 2015. Cela a fait 2 victimes : précisément le FC Barcelone et le Real Madrid qui, jadis, récupéraient près de 26% des droits chacun. A présent, ils en touchent un peu moins de 11,5%. En termes plus concrets, pour la saison 2010-2011 (à une époque où les opérations n’étaient pas transparentes et publiques comme elles ont l’obligation de l’être désormais), leurs rentrées étaient estimées à 184M€ : elles sont actuellement de 165M€ pour le Barça et 160 pour le Real Madrid, après l’explosion de la vente des droits TV en Espagne et à l’international. L’échelle qui allait de 1 à 7 est passée de 1 à 3,5.
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"Les valeurs du Barça sont un peu bafouées avec le cas De Jong"

Autre exemple : le deal avec CVC. Contrairement aux dispositions prises par Vincent Labrune en France, où les clubs peuvent utiliser à discrétion cette manne financière, les clubs espagnols, eux, doivent répartir cet argent providentiel d’une certaine manière, principalement dans le développement de leurs installations, leur développement international, leur marque, leur stratégie de communication, leur plan d’innovation, de technologie, de contenus digitaux et leurs réseaux sociaux (70%). Trois clubs de Liga n’y ont guère vu d’intérêt : l’Athletic, le Barça et le Real Madrid, déjà pourvus ou privilégiant d’autres ressorts. L’intérêt de la Liga est prioritairement d’améliorer l’ensemble des deux championnats professionnels.
Longtemps, l’Espagne a été le pays des arrangements économiques. Or, le temps des combines opaques est en partie révolu, les conditions sont devenues beaucoup plus strictes. Demandez au Barça et au Valence CF, par exemple, si inscrire leurs recrues dans les limites des plafonds de masse salariale tolérés est si simple ! Les règles sont les mêmes pour tout le monde et les clubs qui pensaient, sous prétexte de palmarès ou d’importance dans le paysage ibérique, s’en tirer à bon compte éprouvent de grandes difficultés à faire entrer 2 litres dans un litre, comme ils y parvenaient auparavant.

Si Tebas était un ami du Barça…

La Liga a besoin du Barça pour se vendre, c’est une lapalissade. Mais si Tebas était un ami du Barça, aurait-il déclaré, à la suite du référendum (jugé illégal) en Catalogne sur l’indépendance de l’autonomie, qu’en cas de sécession, les clubs locaux ne pourraient pas participer aux compétitions organisées par LaLiga ? On peut faire sans l’Espanyol ou Girona, mais difficilement sans les Blaugrana. Malgré tout, Tebas n’y est pas allé par quatre chemins, il a fait dans l’explicite. Et ça n’a empêché ni l’Espanyol ni Girona d’apporter leur soutien à Tebas lors de l’élection de 2019.
Si Tebas était un ami du Barça, il l’aurait prouvé pendant la période Covid. Plus que n’importe quelle autre ville, Barcelone a été durement touchée par la pandémie. Le Camp Nou a été déserté (le jeu proposé n’a pas aidé, malgré les réductions opérées par la billetterie du club), la boutique s’est vidée et les lucratives visites du stade et du musée ont été annulées ou limitées. Rayer d’un trait de plume les pertes liées à la pandémie aurait facilité la vie de tous les clubs espagnols (elles devraient être étalées sur 4 ou 5 ans à partir de cette saison pour le calcul des futures limites salariales), mais surtout celle du Barça, d’autant que les gabegies de Josep María Bartomeu ont creusé un déficit XXL et que Joan Laporta n’aurait pas renâclé sur quelques menues économies.
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Messi de retour au Barça, ça sert à quoi ?

Au bout de cette chaîne, il y a donc le 5 août 2021, l’officialisation de l’impossibilité pour le Barça de renouveler le contrat de Messi. Dernière star de la Liga après les départs de Neymar et Cristiano Ronaldo, l’Argentin bénéficiait d’un contrat majuscule, à la hauteur de ce qu’il générait comme profits directs et indirects. Étrangement, ce contrat si critiqué en France quand la Pulga était au Barça est soudainement devenu très rentable avec le maillot parisien sur le dos… Si Tebas était un ami du Barça, Messi et le club auraient pu bénéficier d’une dérogation administrative et, probablement, personne n’y aurait trouvé à redire en Espagne. Il n’en a rien été.
D’autres se seraient arrangés, pas Tebas. Le Barça a couru à sa propre perte, ce n’était pas à la Liga d’infléchir ses règles. Pourtant, en agissant de la sorte, il savait pertinemment que la liste des clubs susceptibles d’accueillir la Pulga se résumait au PSG, voire à Manchester City, deux "clubs-États" comme il les déteste. Espérait-il compenser avec la venue de Kylian Mbappé au Real Madrid ? Ce qui est certain, c’est que si ce calcul a été envisagé, les comptes n’ont pas été bons. Le fil blanc de l’histoire que l’on pensait écrite d’avance s’est rompue, peut-être aussi car Messi est à Paris. Et c’est bien grâce à l’inflexibilité de Tebas que la Ligue 1 se frotte les mains.
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Javier Tebas

Crédit: Getty Images

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