Une si longue attente

Dix-huit ans qu'ils attendaient ça. Dix-sept diront les supporters les plus endurcis, qui n'ont toujours pas digéré le titre retiré au club en 1993 suite à l'affaire VA-OM. A l'unisson, les fidèles de l'Olympique de Marseille seront au moins d'accord sur un point précis : ça faisait longtemps. Très longtemps. Imaginez, la dernière fois que l'OM s'est retrouvé sur le toit du championnat, François Mitterrand était président de la République, Pierre Bérégovoy avait la charge du gouvernement et Bernard Tapie, son patron, ministre de la Ville. Une autre époque. Beaucoup l’ont oubliée. Certains ne l’ont même pas connue.

Les moins de 20 ans ont juste eu vent d'une domination marseillaise "à la lyonnaise" mais n'avaient longtemps vu à l'oeuvre qu'une équipe qui avait la fâcheuse habitude de ne rien gagner. Dont la seule fierté était de posséder une armoire aux trophées bien remplie mais très poussiéreuse. Et de réussir quelques coups d'éclats, comme de rallier deux finales de Coupe de l'UEFA (1999 et 2004), puis d'avoir été puni deux fois par Bordeaux, lors de sprints échevelés en 1999 et 2009.

Surtout, l'Olympique de Marseille s'est caractérisé par une instabilité chronique. Celle qui vous autorise parfois à rêver. Mais vous empêche d'aller chatouiller les sommets. Revenus en Ligue 1 après deux années passées à végéter dans l'antichambre de l'élite, les Olympiens ont eu du mal à retrouver leur gloire passée. Les présidents successifs Jean-Michel Roussier, Yves Marchand, Christophe Bouchet et Robert Louis-Dreyfus - qui a aussi dû mettre les mains dans le cambouis à plusieurs reprises - se sont cassé les dents devant le particularisme marseillais. Le regretté Robert Louis-Dreyfus a même pensé rendre les clés d'un club qu'il avait repris au bord de la banqueroute (1996). Remember Jack Kachkar...

Durant ces dix-huit années, les Marseillais sont passés par toutes les émotions et tous les états. Après la Ligue 2, l'OM a connu un semblant de renouveau, vite suivi de deux années à lutter pour le maintien. Au début du XXIe siècle, les Phocéens ont rappelé un certain Bernard Tapie dans l'organigramme du club. Mais le "Boss", devenu directeur sportif, n'a pas eu la même réussite que lors de son premier passage. Un peu plus tard, l'OM est devenu amoureux d'un certain Didier Drogba, a vibré devant les coups de rein de Franck Ribéry. Il a cependant fallu attendre que RLD décide de placer Pape Diouf à la tête du club pour que l’OM change. L'ancien agent de joueur, épaulé par José Anigo, nommé directeur sportif, a remis de l'ordre dans la maison OM et appris la stabilité à un club qui en avait oublié la définition.

La suite, on la connait. Jean Fernandez, Albert Emon, Eric Gerets puis Didier Deschamps ont chacun posé leur pierre et érigé un édifice qui est aujourd'hui au sommet du football français, au terme d'une saison qui a aussi vu le club remporter une Coupe de la Ligue et qui avait commencé par une crise de gouvernance, le départ de Diouf et l'arrivée de Dassier, et par un deuil, celui de son actionnaire principal, Robert Louis-Dreyfus. Marseille restera toujours Marseille…