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"Platini a changé d'avis"

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 14/10/2010 à 21:30 GMT+2

Deuxième volet de notre série d'entretiens sur l'arbitrage dans le football. Bruno Derrien, ancien arbitre, défend le recours à la vidéo, comme il l'a fait récemment dans un livre. Il ausculte le sujet sous toutes les coutures et relève que Michel Platini a un jour milité pour son introduction.

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Crédit: Eurosport

BRUNO DERRIEN, comment, aujourd'hui en 2010, un arbitre peut-il être opposé à l'utilisation de la vidéo ?
B.D. : Ceux qui sont contre la vidéo aujourd'hui ont tenu des propos totalement différents il y a quelques années. Notamment Marc Batta ou autres qui avaient dit qu'il fallait aider les arbitres et utiliser la vidéo. Pourquoi ? Parce que les instances ont décidé qu'il n'y aurait pas de vidéo mais des arbitres de surface. Aujourd'hui, tout le monde y est favorable. Quand vous êtes en activité, il vaut mieux être en accord avec le chef. C'est aussi simple que cela. Etant en dehors de ça, je peux m'exprimer librement sans aucun devoir de réserve. Même des arbitres en activité ont prôné la vidéo il y a quelque temps. Aujourd'hui, ils font marche arrière. Ils estiment que l'arbitrage à cinq est la panacée et va résoudre tous les problèmes.
Ces postes dévolus aux 4e et 5e arbitres sont particuliers...
B.D. : Je ne les envie pas. Rester 90 minutes devant une surface de réparation, à quelques mètres d'excités, notamment en hiver... ça peut poser un vrai problème de concentration. Il fait froid, on doit rester concentré, cela n'est pas évident. Un assistant, lui, est toujours en mouvement.
Comment expliquer que les dirigeants du football européen et mondial préfèrent cinq arbitres à la vidéo ? Dans votre livre (SOS arbitre, SOS vidéo), vous donnez l'exemple de Michel Platini qui prônait la vidéo quand il était sélectionneur et qui ne veut plus en entendre parler aujourd'hui...
B.D. : A l'époque, il était à la tête d'une équipe. L'injustice lui était insupportable. Aujourd'hui, il est aux manettes du football européen. Il a changé d'avis. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, certes... Mais il a changé du tout au tout en disant que cela n'allait pas résoudre les problèmes, que, dans certains cas, cela n'apporterait rien, que le jeu serait haché, que si l'on met le doigt, on y laisserait le bras... Cela dit, ce sont des questions qu'il faut poser. Si l'on siffle un penalty alors que l'action qui a amené cette sanction est précédée d'une erreur d'appréciation, comme une touche donnée à la mauvaise équipe, que fait-on ?
Justement, que fait-on ? Selon vous, quand devrait-on utiliser la vidéo ?
B.D. : Sur trois cas. Pour savoir si le ballon a franchi ou non la ligne, si un but est entaché d'une faute de main, ou pour savoir si une faute a été commise à l'intérieur ou non de la surface. Un cas concret : Auxerre - PSG la saison passée. L'arbitre siffle un penalty pour l'AJA et se ravise sur le conseil de son assistant qui a vu la faute en dehors de la surface. Malheureusement, la faute avait bien été commise à l'intérieur. Avec la vidéo, la polémique aurait été éteinte. Pour la main de Thierry Henry aussi. Pareil pour Maradona. J'entends bien que cela ne serait pas le cas pour tous les matches mais on éviterait de gros scandales.
Mais ne pensez-vous pas que la FIFA et le football se nourrissent de ces polémiques ? Il n'y a pas de mauvaise publicité pour ce sport qui est de loin le plus populaire de la planète...
B.D. : La main de Maradona nourrit quelque part la légende de la Coupe du monde. Et je crois que la Coupe du monde a besoin de telles histoires pour vivre. Certains disent aussi que l'injustice fait partie du sport et que cette part de hasard fait la beauté du foot. Rien n'est écrit à l'avance. Il y en d'autres également, plus rationnels, qui pensent que moins il y aura d'erreurs, plus le jeu sera fluide, moins on aura de polémiques et mieux ce sera... La tricherie fait partie du jeu, c'est un fait. Mais on a qu'à dire que tous les coups sont permis pour gagner. Ce n'est pas ma vision des choses.
Dans ces affaires, telles que la main de Thierry Henry, on oublie souvent la principale victime qui est l'arbitre...
B.D. : Tout à fait, il est en première ligne. J'entends bien ceux qui disent que l'erreur fait partie du jeu. Mais il ne faut pas qu'ils s'en prennent à l'arbitre après. C'est insupportable. Si l'on est contre la vidéo, il faut accepter les erreurs.
Quand Sepp Blatter, président de la FIFA, explique après la Coupe du monde qu'il va commencer à réfléchir et se pencher sur des solutions technologiques afin d'éviter certains scandales, qu'est-ce que cela vous inspire ?
B.D. : C'est un effet d'annonce. Il est viscéralement opposé à l'arbitrage vidéo. C'est son droit. Mais les essais à cinq ne semblent pas concluants. Peut-être cela a-t-il un effet dissuasif sur les joueurs. La patrouille est là...
L'utilisation ou non de la vidéo est d'autant plus ambiguë que certaines décisions sont prises a posteriori grâce aux images...
B.D. : Oui. Cette année, Valenciennes - Marseille et Valenciennes - Montpellier en Ligue 1. Un Valenciennois prend un jaune pour un coup sur Valbuena. Il est ensuite sanctionné de deux matches ferme (ndlr : Bong). Pareil pour Bocaly... La commission a le pouvoir de se saisir des images pour sanctionner a posteriori. Les arbitres, très souvent, lorsqu'ils voient les images font des rapports complémentaires pour rectifier leurs décisions.
Vu de l'extérieur, il semble tout de même incroyable que personne ne se lève dans le corps arbitral pour crier "à l'aide !"...
B.D. : Ils ne peuvent pas. Leur parole n'est pas libre. D'ailleurs, ils ne se sont même pas exprimés sur l'arbitrage à cinq. Celui qui se dit en faveur de la vidéo et qui est arbitre international, je ne suis pas sûr qu'il arbitrera beaucoup. Donc, on rentre dans le rang. C'est dommage, tous devraient être solidaires parce que des Allemagne-Angleterre, il risque de s'en reproduire. Le but de Lampard, personne ne peut le voir. L'assistant non plus. Il était pourtant bien placé car il devait juger le hors jeu.
Vous avancez également que la vidéo pourrait avoir un autre avantage, indirect celui-là. A savoir la lutte contre la corruption...
B.D. : Les matches plus truqués sont souvent les moins suivis. Si vous mettez la vidéo sur tous les matches, les arbitrages grotesques n'auront plus cours. La vidéo viendra donner la preuve de la tricherie et sera aussi un gage de sérénité et de transparence.
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