Mercato : Pour recruter jeune et malin, Monaco tisse intelligemment sa toile

Parce qu’il y a les menaces du fair-play financier, parce qu’entre le coût de son divorce (3,3 milliards d’euros à verser à son ex-femme) et les millions déjà injectés dans son club (plus de 200 millions d’euros entre les transferts et l’accord pour garder son siège dans la Principauté), Dimitri Rybolovlev n’a pas l’intention de gaspiller son blé. Mais de l’investir. La comparaison et la dualité paraissent évidentes mais non, Monaco n’est pas Paris. "Ce serait mettre en concurrence les moyens d’un seul homme contre ceux de tout un pays", se justifie-t-on à Louis-II. Et quand ce pays est le Qatar… Son PIB - qui ne cesse de grimper - atteindra bientôt le triple de la fortune du Russe (estimée à un peu plus de 7 milliards d’euros… avant son divorce). Pas étonnant donc que l’ASM vise, cet été, les bons coups et les jeunes.

L’info aurait presque pu passer inaperçue dimanche. Monaco a engagé Admar Lopes. Cet observateur qui a fêté ses 30 ans il y a quelques jours va intégrer la cellule de recrutement de l’ASM la saison prochaine. Sans bruit. Son nom ne vous dit sûrement rien. Pas plus que celui de Luis Campos, le conseiller sportif du club, arrivé il y a quelques mois. Et pourtant, Admar est lui aussi un expert dans son domaine. Formé - comme beaucoup d’entraîneurs portugais - en éducation physique et sportive, le jeune homme- dont les parents sont originaires d’un village près de Mirandela- séduit, il y a cinq ans, le très influent Antero Henrique, bras droit de Pinto da Costa.

Discret et bosseur. Autant de qualités qui en font un bon recruteur. Il va sillonner le monde à la recherche de nouveaux talents pour les Dragons. Copa América, Euros, CAN, U17, U18, 19, U20, Festival de Toulon, Tournoi de Montaigu… A peine la trentaine, Lopes a déjà du kilomètre et des miles. Il a supervisé des Falcao, James, Jackson, Iturbe… Et si Porto couve autant de promesses ces dernières années, il y est pour beaucoup. Il a bossé avec des Villas Boas ou des Rui Barros (ancien joueur de Monaco). Et, avec lui, l’ASM espère engager des joueurs à son image : prometteurs, pas forcément connus de tous, mais qui rapportent.

Le phénomène débarque à peine en France. Metz ou Bordeaux viennent de parapher des protocoles avec des clubs étrangers. Ces partenariats prévoient des échanges de connaissances et de joueurs. Une tradition dans les pays latins que l’actuelle direction monégasque suit déjà depuis quelques mois. En octobre dernier, l’ASM annonçait s’allier au Vitoria de Guimarães. Voilà comment Chris Malonga s’est retrouvé au Portugal. Il y a moins d’un an, c’est avec Salgueiros que la formation de la Principauté s’engageait. Les Monégasques en assurent depuis la formation et y organisent des détections. Le projet s’intitule : "As Monaco Soccer School" avec Moutinho pour parrain.

Une façon de s’implanter dans une région (Porto) au vivier pas toujours exploité par les clubs locaux. Bien moins connu, le Centre de Formation de Football de Madère - AS Monaco. Implanté à Ribeira Brava, il forme et détecte des gamins âgés de 3 à 16 ans sur les terres de Cristiano Ronaldo et Leonardo Jardim. Pour les convaincre, une citation de Charles de Gaulle : "L’ambition individuelle est une passion enfantine". Le général au service de l’ASM, les historiens doivent en sourire. Il y a quelques jours, les jeunes Leandro et João Saldanha ont ainsi effectué un stage de quelques jours sur le Rocher. En espérant y revenir…

Avant d’apposer le suffixe "AS Monaco", le CFF Madeira avait un autre bienfaiteur : l’AC Milan. Le concept Milan Scuola Calcio qui s’est implanté dans de nombreux pays étrangers (15 aujourd’hui) s’était largement répandu au Portugal. Des structures que Monaco reprend progressivement. Après Porto et Madère, Lisbonne ? Et un homme pourrait y aider : Miguel Pinho. Ancien coordinateur de la prospection du FC Porto où il a passé près de neuf ans, ce Portugais était le responsable des écoles de foot milanaises à l’étranger. Portugal, Espagne, Algérie, il est à l’origine de nombreux partenariats. Depuis, il ne bosse plus pour les Italiens mais avec. Il y a moins d’un an, il a aidé Campedelli à la reprise du Olhanense, avant de partir. Il travaille maintenant en solo, gère des joueurs et continue de faire prospecter son réseau. Pour Monaco. En janvier dernier, il était à la tête d’une délégation de l’AS Monaco International School en visite en Guinée-Bissau. Le pays d’origine de Eder, Bruma ou Yannick Djalo et où le Benfica prétend ouvrir une école de foot.

Si de son côté, la cellule du foot pro de Monaco, emmenée par Luis Campos, bosse sur la saison prochaine, Frédéric Barilaro poursuit son œuvre. Le Directeur de l’Academy, prolongé il y a un an, bosse pour l’avenir. Les U17 de Bruno Irles ont été champions de leur groupe et les U19 de Manuel dos Santos ont terminé troisièmes. Oui, Monaco sait former. Avec vingt éléments façonnés en son sein présents dans un championnat du Big Five, il figure selon le site sportintelligence.com parmi les quinze meilleurs formateurs d’Europe. Mais à l’image de sa CFA (neuvième cette saison), ces talents peinent parfois à s’imposer chez elle. Pas si grave, car le calcul se multiplie. Le centre de formation peut aussi représenter une source de revenus non négligeable. S’ils ne conviennent pas à la maison-mère, certains de ces joueurs pourront trouver (et donner) bonheur ailleurs, peut-être même contre quelques euros. Monaco pourrait ainsi suivre la gestion des grands clubs européens qui, pour beaucoup, ont forgé leurs bonnes fortunes en recrutant jeune. Et (donc) malin.