Ligue 1 : L'un reste dans l'ombre, l'autre adore la lumière : Labrune - Aulas, l'autre OM - OL

Quand Jean-Michel Aulas dégaine son smartphone plus vite que son ombre pour tweeter sur le moindre événement footballistique, Vincent Labrune reste, le plus souvent, tapi dans l'ombre, fidèle à une ligne de conduite bien différente. Le président de l'OM ne va pas enflammer les réseaux sociaux avec une phrase susceptible de provoquer le buzz. Il préfère œuvrer en coulisses pour distiller ses messages. Une stratégie qu'il applique depuis plus de sept ans au sein du club marseillais.

Cette saison, Vincent Labrune souhaitait une révolution au sein de son club. Il n'a pas été déçu. Avec l'arrivée de Marcelo Bielsa à Marseille, c'est toute l'organisation du club olympien qui a été chamboulée. Le coach argentin n'a ménagé personne, que soit les joueurs, ses adjoints ou son président. Tous doivent être irréprochables. Et quand ce n'est pas le cas, El Loco n'hésite pas à le dire. Sa conférence de presse du 4 septembre restera comme l'un des moments forts de la saison. Ce jour-là, il tire à boulets rouges sur son supérieur hiérarchique, lui reprochant de ne pas avoir tenu ses promesses lors du mercato d'été.

En attirant Bielsa à Marseille, Labrune savait que le mode de fonctionnement de l'Argentin provoquerait des tiraillements au sein de la direction olympienne. Leur relation est réduite au strict minimum. Habitué des mises au vert ou des bons mots avant les matchs importants, le bras droit de Margarita Louis-Dreyfus a réduit son champ d'action cette saison. Il n'accède plus que rarement à l'intimité du vestiaire, laissant Bielsa gérer l'ensemble du secteur sportif. "Je savais les conditions de notre fonctionnement, explique-t-il en privé. Ça ne me dérange pas."

Cherchant toujours à utiliser une faille chez l'adversaire, Aulas s'est jeté sur cette brèche ouverte entre Bielsa et Labrune. "Je ne sais pas ce qui se passe à Marseille, expliquait JMA après OL-OM. Ce que je sais, c'est que quand l'OM vient à Lyon, le président n'entre pas dans le vestiaire de son équipe. Je trouve ça dommage pour lui et pour le club." Attaqué directement, Labrune avait répondu par un communiqué sur le site de l'OM précisant qu'il allait bien "saluer et encourager son coach et ses joueurs avant les matches".

Ces chamailleries entre les deux présidents de l'OM et de l'OL ne les empêchent pas de s'estimer mutuellement. Et de se retrouver derrière des combats communs lorsque l'intérêt de leur club respectif se rejoint... C'est notamment le cas au sein de la Ligue, où Aulas et Labrune font figure de personnages influents. Leurs voix au Conseil d'Administration de la LFP pèsent d'un poids très important. Labrune aime exercer son influence au sein des institutions du football français. Certains de ses proches collaborateurs lui prédisent d'ailleurs un avenir présidentiel dans une grande instance du ballon rond...

Si Labrune se retrouve souvent à Paris dans les bureaux de la Ligue, c'est aussi pour y défendre ses joueurs. Convoqué par la commission de discipline après un mauvais geste contre Lille, Alaixys Romao a pu compter sur le précieux soutien de son président. Devant les membres de la commission, le président de l'OM, en bon avocat, a développé un argumentaire qui a fait mouche, permettant à son milieu de terrain de n'écoper que d'un match de suspension alors qu'il risquait beaucoup plus.

La sphère d'influence du patron marseillais s'étend aussi auprès des arbitres. Que ce soit en partageant la cigarette de l'amitié avec Saïd Ennjimi à l'issue d'un match où en demandant des précisions à M. Turpin sur les cartons infligés à ses joueurs, Labrune veut rester proche des hommes en noir. Il tient d'ailleurs un fichier détaillé de toutes les sanctions administratives dressées envers ses joueurs. La nomination de l'arbitre pour chacune des rencontres de l'OM est un moment important pour lui.

Jean-Michel Aulas sait aussi user de son talent sur Twitter pour mettre la pression sur les arbitres. Ce fut notamment le cas après la rencontre OL-PSG (1-1) où il fustigea les décisions de M. Turpin. Quelques semaines plus tard, il... encensait ce même arbitre, auteur selon lui d'une grande prestation lors de la rencontre Saint-Etienne-OM (2-2) alors que le second but des Verts était entaché d'une grosse faute sur un Marseillais. Cette dextérité dans l'art de manier la controverse sur les réseaux sociaux, JMA peut aussi s'en servir contre... son entraîneur.

La semaine passée, Aulas s'est permis de retweeter le message d'une supportrice demandant de titulariser plus souvent Yoann Gourcuff. Hubert Fournier n'a pas apprécié l'intervention de son patron, laissant pointer son agacement sur l'utilisation de ce moyen de communication. Ne possédant pas de compte sur les différents réseaux sociaux, Labrune a pu, en revanche, longtemps bénéficier du soutien d'une communauté de supporters très influente dans la twittosphère. Labrune sait que ce média joue un rôle majeur aujourd'hui dans l'interaction avec les fans. Les supporters regrettent d'ailleurs le silence - parfois assourdissant selon eux - dont fait preuve leur président. Mais c'est bien une voix plus souterraine que cet ancien stagiaire de la communication à France 2 a choisi de privilégier.

Cette saison, Labrune navigue dans une mer agitée à Marseille. Sa relation avec Bielsa, sa garde à vue en novembre, le décès de son père en début de semaine : les événements ne lui laissent que peu de répit. Et si El Loco devait s'en aller l'été prochain, nul doute qu'il sera une nouvelle fois en première ligne. Jean-Michel Aulas en profitera-t-il alors pour lui glisser une nouvelle petite pique sur Twitter ?